Comme beaucoup de personnes terrifiantes, Ludvig Prinn écrit.

Vous vous en doutiez, en général les alchimistes écrivent. Ça cause, ça théorise, ça prophétise, ça pérore, un alchimiste – bien plus que ça ne démontre.

Seulement, la plupart du temps, leurs écrits occultes disparaissent dans des coffres, eux même enfouis dans des caves, elles même situées sous des sanctuaires, eux-mêmes cachés au fond de ruines qui, elles même, sont ensevelies sous milles strates d'histoire. Alors personne n'espère les dénicher.

Sauf que par chance, il se trouve que ce livre fait justement partie de la prestigieuse collection occultisme de la bibliothèque du Miskatonic.

Bon... C'est étrange. Très étrange, même. Ça vous empli de doutes et de questions. Quelles étaient les probabilités pour que vous vous intéressiez précisément à cette page tout à fait anecdotique de la dernière croisade, en même temps que cette russe, qui n'a rien à faire dans une bibliothèque, mais qui veut s'y plonger également ; et que justement le bouquin du mystérieux personnage mentionné se trouve pile dans les présentoirs du même endroit.

Ça fait tout de même beaucoup de coïncidences. Le célèbre Dr Jung, s'il venait dans cette belle université, s'en trouverait bien éclairé. Synchronicités, brandirait-il !

— De Vermis Mysteriis, murmure Marika, en laissant son accent slave soudain ressortir.

Là-dessus, le tonnerre se mit à gronder !

Ah... tiens non, c'est juste un étudiant un peu ramolli qui fait crisser sa chaise sur le parquet en la reculant brutalement.

— De Vermis Mysteriis, confirmez-vous, déclenchant un nouveau coup de foudre (la même chaise, remise en place) suivi du rugissement d'une créature funeste (la bibliothécaire).

— Le livre que ce sorcier a écrit serait donc ici, à Arkham ? suppose, incrédule, la Ruskov.

La phrase qu’elle vient de prononcer, sur votre fidèle échelle du louche, s'élève au moins jusque sept ou huit. Un excellent score, qui n'a malheureusement rien de rassurant. Et la suite l'est encore moins.

— On doit l'emprunter ! s'esclame-t-elle, comme si elle voulait louer la Vénus de Milo au musée du Louvre.

— Mais... On… n’emprunte pas... ces livres-là ! vous exclamez-vous tout en veillant à ne pas élever la voix. Ce sont les pièces maitresses d'une collection exceptionnelle ! On ne peut même pas les consulter. Il faut déposer une demande spéciale auprès du conservateur !

— Et bien, déposons là ! Mon père nous appuiera !

Là-dessus, vous vous sentez défaillir. Vous saviez ces slaves déterminés, parfois sournois et plutôt partageurs, mais vous ne vous n'imaginiez pas qu'ils étaient à ce point gonflés et discourtois. Elle croit vraiment qu'il suffit qu'un oligarque venu des confins peut, d'un claquement de doigt, faire plier un conservateur américain ? Vraiment ?

Mais ces gens-là sont des blocs de marbre, madame ! Ils ne plient pas, mais ne rompent pas non plus. C’est simple, ces gens-là ne bougent pas. Ils sont aussi coincés que les objets qu'ils sont censés conserver !

— La bibliothèque va fermer, dites-vous maladroitement. Il est midi. Allons au café réfléchir à une...

Vous alliez dire « stratégie », mais vous vous êtes interrompu, le temps d'une fulgurante réflexion.

Soit, vous finissez cette phrase, et emboitez le pas sur ces idées mégalomaniaques, alors, allez au 37

Soit, vous ne la finissez pas, et laissez un silence s'installer entre vous. Votre charme fera le reste et votre regard sensible achèvera de la séduire. Elle vous répondra, des étoiles dans les yeux : ce qui figure en 38

Soit, vous finissez cette phrase autrement. « Allons au café réfléchir à une... façon bien plus agréable de passer le temps, j'ai plein de livres sur l'art théâtral du millénaire, une merveille de subtilité et de drôlerie. Et après nous irons manger des hamburgers et je vous ferai découvrir le campus ! »

Si ça se passe bien, peut-être pourriez-vous même la demander en mariage d'ici la fin de la journée. Allez, lancez-vous en 39