Chapitre 2
Il aura fallu du temps pour y accéder, mais nous avons enfin pu rejoindre le village où vit la fameuse Hannah Fletcher. D'un air inhabité, le village donne peu envie de s'y aventurer. Malheureusement, cela fait partie de notre enquête. J'ai remarqué qu'Iris observait beaucoup sa main durant le trajet, il s'est forcément passé quelque chose pendant qu'elle était inconsciente.
- Charmant village, plaisante Noémie en observant la boue qui recouvre la plupart des chemins.
- Je dois être trop ébloui par ce soleil pour m'en rendre compte, ironise à son tour Théodore.
- Qui vivrait ici ? demandais-je.
- Cela me parait toujours plus accueillant que le dernier étage d'un manoir, lance Iris.
- Quoi qu'il arrive, Iris, reste près de moi, explique Marie-Anne.
Nous arrivons enfin au bout du village, en face d'un manoir dont le jardin est clairement hors de contrôle. Le bâtiment est en piteux état, mais contrairement à celui où vivait Iris, il semble plus large que haut. Il n'y a que deux étages.
- Pourquoi faut-il toujours que cela soit dans des manoirs ? peste Théodore.
- Allons-y, le plus tôt ça sera fait, commençais-je, le plus tôt nous. .
Un miroir est jeté d'une fenêtre. Des cris viennent du deuxième étage. J'observe Théodore.
- Hey, il se passe peut-être un truc ! rappelle Noémie.
- Justement, je ne sais pas vraiment si j'ai envie d'y aller ! défendais-je.
Exaspérée, Noémie lance la charge. Nous la suivons, elle enfonce la porte avant de trouver les escaliers ! Nous fonçons au deuxième étage, deux personnes sont en train d'administrer un produit à une femme. Ils ont l'air d'être des médecins.
- H. . . Hannah Fletcher. . . ? demandais-je.
- Désolé, elle ne va pas être disponible pour le moment, explique un médecin. Elle vient d'avoir une crise.
- On a vu, réplique Théodore.
La jeune femme se calme. . . Ils lui ont administré un tranquillisant. L'un d'eux se présente à nous sous le nom de Victor Combs. Il nous emmène dans une autre salle le temps que son collègue finisse de s'occuper d'Hannah Fletcher.
- Terriblement navré que vous ayez eu à assister à cela, explique le docteur. Nous aurions dû agir il y a quelques minutes, déjà, mais elle avait bloqué la porte.
- Cela lui arrive souvent ? demande Noémie.
- De moins en moins. A chaque crise, nous augmentons les traitements.
- Vous n'avez pas peur qu'elle ne devienne un légume, à force ? demande Théodore.
- Ne craignez rien. C'est pour son bien.
- Pourquoi avoir jeté ce miroir de la fenêtre, alors ?
- Elle a horreur des miroirs. Je pense qu'elle a peur d'elle-même. Ce n'est pas le premier. Et cela ne sera probablement pas le dernier, l'ancien propriétaire était narcissique, il adorait se regarder dans des miroirs, il y en a partout, nous avons été obligés de les recouvrir de draps afin d'éviter de nouvelles crises. Mais dites-moi, pourquoi êtes-vous là ?
- Nous enquêtons sur elle, expliquais-je. Il se peut que ces crises soient déclenchées par autre chose que la peur de se voir dans un miroir. Nous avons de fortes raisons de penser qu'Hannah Fletcher est possédée par un Démon.
L'information met le temps pour monter au cerveau, mais nous devinons le moment où il se rend compte de ce que je viens de dire. Il nous rit au nez. Il retire ses lunettes afin d'essuyer des larmes de joie.
- Ha ha, haaaa. . . Ah, vraiment, vous. . . Vous n'êtes pas comme les autres, rigole-t-il. Non, malheureusement, j'ai bien peur que vous ne perdiez votre temps. Elle est simplement folle. Et qui pourrait lui en vouloir ? Ses parents se sont suicidés devant elle lorsqu'elle n'avait que 9 ans.
Voilà un médecin qui ne fait pas de détours. Il nous fait désormais visiter l'endroit. Il faut reconnaitre que c'est grand. Tant de choses sont différentes, par rapport à la dernière fois. Ce qui ne change pas, c'est que je suis complètement perdu. Les seules à avoir de l'expérience là-dedans, c'est Marie-Anne et Iris. Je ne qualifie pas les autres de débutant, non, nous avons tout de même vaincu Eldar. . . Mais je suppose que ces deux-là en particulier ont sûrement plus de connaissances que nous ?
- Marie-Anne, des idées ? demandais-je.
- Cet endroit me donne un sentiment de malaise, explique-t-elle. Bien des choses se sont produites ici.
- Ow. Et... Et toi, Iris ?
- Je ne sais pas, c'est... Bizarre, décrit-elle.
Elle s'arrête un instant, ayant l'impression d'entendre quelque chose. Comme un râle. Elle se retourne pour observer le couloir. Rien. Les murs sont normaux, le soleil traverse toujours les fenêtres, les miroirs sont couverts de draps. Marie-Anne se rapproche d'elle, l'étrange sensation s'arrête. Nous continuons notre enquête.
Enquête que nous ne sommes pas seuls à mener. D'autres évènements étranges se passent, et cela concerne Londres. Les meurtres en série, toujours plus sanglants, commencent à effrayer la population. Stephen, le journaliste, mène sa propre enquête. Le mode opératoire est toujours le même, mais il est loin d'être le plus fin. Avec autant de sang sur les différents lieux des meurtres, il est impossible que le tueur n'en ait pas sur lui. La question se pose très vite.
- How the Hell does he gets away without being seen ? se demande Stephen.
Impossible d'avoir de réponses en restant ici. Stephen prend son manteau et rejoint l'une des ruelles où l'un des meurtres s'est produit. Même avec le nettoyage qui a été effectué, on remarque encore une certaine différence de teinte sur certaines parties des murs. Il observe le sol... Puis entend un sans-abris venir se soulager dans la ruelle.
- Dude, seriously ? peste Stephen. Sérieusement.
- Aye, I ain't deciding of where it gets me, réplique le sans-abris.
N'ayant pas un très bon sens de l'équilibre, le sans-abris repart en mettant un pied dans sa propre flaque. Stephen reprend son investigation et ne comprend toujours rien. Autant de sang, cela doit forcément laisser des traces. Incompréhensible. Une scène de ce genre s'est déjà produite dans une maison, les meurtres ne se limitent même pas qu'aux ruelles. Le tueur a soif de sang, et il le montre. Mais il ne laisse aucune trace, comment ?
C'est lorsqu'il quitte la ruelle qu'un indice lui vient. Sur le sol, une empreinte de pas. Cela vient du sans-abris qui a marché dans son urine. Le tueur aurait dû laisser une empreinte, mais il a été plus malin...
- He's. . . Taking his shoes off ? suppose Stephen.
Avec l'hypothèse vient une certitude. C'est forcément cela. Le meurtrier doit posséder un sac qu'il met hors de portée du massacre. Une fois la chose faite, il retire ses chaussures au moment de s'éloigner du sang et les place dans le sac, ainsi que ses vêtements. Stephen note ses idées avant de rejoindre son assistant.
De notre côté, c'est choux blanc. Impossible de trouver le moindre indice. Théodore et Noémie discutent avec les médecins, mais je pense qu'ils se tiendront à la thèse de la folie. Et qui pourrait les blâmer ? Si je n'avais pas vécu cela sur l'île, je penserais la même chose qu'eux. Iris avait l'air tout aussi folle, au départ. Une minute...
- Hannah Fletcher, réalisais-je. Pourquoi ne pas la questionner ?
- Je ne suis pas sûre que cela soit une bonne idée, réplique Marie-Anne.
- Elle a peut-être des réponses...
Je remarque qu'Iris commence à avoir un mal de crâne.
- Iris ? appelais-je.
Elle n'entend pas grand-chose, si ce n'est un son suraigu dans ses oreilles. Elle sent que son nez se met à saigner et dirige sa main afin de s'en occuper, mais se rend compte que la marque sur sa main se met légèrement à briller de la même lumière rouge.
- Iris ! appelle Marie-Anne en sortant un tissu.
- Désolée, je... Je ne me sens pas très bien, explique Iris. J'ai besoin de m'assoir.
- Je vais voir cette fameuse Hannah Fletcher, occupes toi d'Iris, lançais-je.
Après tout, pourquoi cela ne marcherait-il pas ? Techniquement, la première fois que j'ai vue Iris, elle m'a donné le nom de son démon, qui nous a presque tous tués. Avec un peu de chance, Hannah fera de même. En arrivant à sa chambre, je remarque qu'il n'y a aucun miroir. Il y en a partout dans le manoir, quand bien même couverts, mais pas ici. Etrange. J'entre, la porte grince et révèle aussitôt mon arrivée. Elle n'a pas vraiment la possibilité de réagir, les tranquillisants font qu'elle est affalée dans son siège.
- Hannah Fletcher ? appelais-je.
Pas de réponse.
- Je... Je suis venu enquêter sur de curieux phénomènes...
Pas la moindre réaction.
- ... Comme le meurtre du photographe qui était venu vous voir.
D'une manière lente mais mécanique, elle tourne sa tête en ma direction sans changer le moindre détail de son regard. Un frisson parcourt l'entièreté de mon corps, ce geste ne me rassure pas.
- Vous vous souvenez de lui ?
- Nnnnnnnhhhh. . . . Il n'aime pas cela, réplique-t-elle.
- Il ? Qui ça, Il ?
Lentement, mais sûrement, un courant d'air s'intensifie. J'ai l'impression d'entendre un râle avant que le grincement de la porte n'indique qu'elle se referme. La chose me terrifie. Je sais exactement ce que cela peut signifier. Sur l'Île aussi, cela ne ressemblait qu'à de simples grincements dont le timing coïncidait étrangement avec les questions gênantes. Et du jour au lendemain, un enfant meurt dans le grenier parce que ces grincements étaient provoqués par un démon. Je me rapproche lentement d'Hannah.
- Est-il. . . Est-il ici ? murmurais-je.
- Hin. . . Hin hin. . . Ils sont tous ici, lance-t-elle. Mais en même temps. . . Ils ne le sont pas.
- Q-Qu'est-ce que cela veut dire ? Il y en a plusieurs ? Il est ici ?
Soudain, on dirait qu'elle est prise de douleurs. Je recule, n'ayant aucune idée de ce qu'il se passe. La douleur s'intensifie, elle se met à hurler de douleur tout en se tenant le ventre !
- Q-Q-Qu'y a-t-il ?! demandais-je. Hannah ! Hannah !!
- Que se passe-t-il ?! demande à son tour le médecin en ouvrant la porte. Nom de dieu, que lui avez-vous fait ?! Sortez ! Sortez tout de suite !
Je sors immédiatement de la pièce, l'assistant du médecin le rejoint en urgence. C'est absolument incompréhensible. Cependant, les similitudes avec Iris se multiplient. Elle évitait de dire certaines choses, comme si le Démon ne le voulait pas. Dans le cas présent, on dirait qu'Hannah en avait déjà trop dit, et qu'il a décidé de lui faire du mal en retour. J'entends Marie-Anne appeler à l'aide. Je fonce aussitôt la rejoindre ! J'aperçois Iris se tenir fermement la main droite, elle souffre !
- Que se passe-t-il ?! demandais-je.
- Je ne sais pas, elle s'est mise à se tordre de douleur ! explique Marie-Anne.
Noémie et Théodore nous rejoignent à leur tour.
- Iris ! appelle Noémie. Iris, est-ce que tout va bien ?!
- Ma main me BRÛLE !! hurle Iris.
- Fais-moi voir ! lance Théodore.
En prenant la main de Noémie afin de l'examiner, nous remarquons tous la même chose. Sa cicatrice saigne, et le pentagramme inversé présent sur sa main se met à briller d'une lueur rouge.
- Iris, ta main, réalise Marie-Anne.
Sous la pression, je me met à réfléchir. Une fois, Iris nous avait expliqué qu'elle mettait des bandages sur sa main pour étouffer le mal. Je prends l'un des tissus recouvrant un miroir et l'entoure autours de la main d'Iris ! Elle souffre, mais contient sa douleur. A ce même moment, le manoir semble légèrement trembler. Tout finit par s'arrêter. Nous prenons tous le temps de respirer. Iris, elle, s'allonge par terre. Nous la rejoignons tous dans son action.
- Toi, tu vas garder ce truc autours de la main aussi longtemps qu'il faudra, expliquais-je.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Demande Théodore. Le Démon de l'Île est bien mort, non ?
- J'en suis certaine, oui, répond Iris. Je pense... Je pense que ce fantôme essaye de s'en prendre à moi spécifiquement.
L'information est dure à comprendre. Mais une chose est sûre. Plus rien ne peut être laissé au hasard. Hannah est possédée par quelque chose, et il faut traiter la situation comme telle.
La situation ne pouvait pas être pire. Hormis un sans-abris ayant marché dans sa propre urine, Stephen n'a aucune piste. Il se balade dans les rues en quête d'inspiration. Avoir une piste, c'est bien. Savoir comment l'expliquer, c'est mieux. Et surtout, cela ne règle qu'une seule partie du problème. Certes, il se change avant de quitter les lieux... Mais le tueur doit forcément passer du temps à le faire. Quelqu'un a dû le voir. N'importe qui.
- It's impossible, no one can just disappear by... Magic ? pense-t-il tout haut.
- Aye, it depends on where you put the impossible, lance une voix depuis la ruelle voisine.
- Who... ?
En se tournant, il aperçoit une femme en tenue de magicienne, allant de la cape jusqu'au chapeau. Une table de fortune se tient devant elle, décorée de deux bouteilles vides. Une troisième est dans ses mains, son temps semble compté.
- Wouldn't you be looking for a little...
Elle fait une légère pause pour roter.
- ... Magic ? demande-t-elle.
- N... No. No, absolutely not, réplique Stephen. Look, if you need any money..
- Why, you think i'm poor ?
Elle se rapproche du journaliste.
- Take this for a sec', lance-t-elle en donnant sa bouteille à Stephen. Well I actually got... Twenty two pounds ? Well, that ain't much.
- Wait a minute. That's my wallet ! réalise Stephen. How'd you get it ?!
- A little... "Magic" trick. And just for that, here are your twenty pounds.
- There's two pounds missing !
- That was for the magic trick. I'm a professionnal, i gotta get paid.
- Eeerh, go to hell.
- Hey, hey, wait ! You talked about magic stuff, what do you want ? Is it, like, for a birthday or somethin' ? I'm so good at parties, you should see. Except that one time, when the pidgeon flew right into that kid's face. God that was funny. Well, not for him, but..
- Look, i'm trying to solve all the murdering stuff going on, so please, just leave me alone.
- Huh.
Elle le laisse marcher un peu. . . Puis finit sa bouteille avant de la cacher derrière sa cape.
- You can't understand how he's getting away without beeing seen, right ?
Stephen s'arrête. Comment diable peut-elle le savoir ?
- You think that he's doing all of this with some kind of. . . Bag, or somethin', to change and sneak past everyone.
- Y. . . Yeah, how do you. . . ?
- That one was kind of easy, explique-t-elle en montrant le carnet de notes de Stephen.
- God dammit, how do you do all of that ?! Give it back, it's important !
- Aye, you seem confused ! There's so much things a good thief can steal while giving someone a bottle. But, my friend, let me give you an answer to your questions as a way to redeem myself. . .
- What do you want ?
- Only some of your time ! In a matter of seconds, i'll show you how your dangerous murderer disappeared in front of everyone !
- Yeah, yeah, so you'll steal more from me, right ? With your bottle again ?
- Oh, actually, i don't even need it.
Elle jette la bouteille de l'autre côté de la rue. Stephen observe la bouteille rouler, provoquant toujours plus de bruit.
- Aaaalright, so you know how to make a lot of noise, lance Stephen, now give me my. .
Il se tourne vers la magicienne. Elle n'est plus là. Plus aucun bruit dans la ruelle, si ce n'est celui de la bouteille qui continue légèrement de rouler. Confus, le journaliste se dirige vers la dernière position de la voleuse. Au bout d'une autre ruelle, il aperçoit un chapeau et un morceau de cape dépasser de l'arrière d'une poubelle.
- Ha. Ha. Ha. A-ma-zing. Now give me back my notes.
Il arrive près du chapeau et de la cape. Personne. Ils sont juste posés là.
- What the Heck ? s'exclame-t-il.
- Now THAT is what I love to hear, réplique la Magicienne.
Stephen se retourne, encore plus confus. La Magicienne se tient contre le mur, une nouvelle bouteille en main.
- W. . . W-Wha. . . Who the hell are you ? demande Stephen.
- Amy Goodwin, réplique la Magicienne en allant récupérer ses affaires en sautillant.
- How did you do that ? What just happenned ?
- Look ! I really wish we had more time to talk, but hey, i'm busy.
Elle retire quelques gorgées à la bouteille.
- What ?! No you're not !
- Look, genius ! You have money, I got my tricks. What do you say we find some deal ? Besides, i'm pretty sure that with a hat like mine, I could solve any case.
- Yeah, sure. Look, you know what ? I'm gonna ask the police what they got. You follow me, it's your choice.
- Fine ! réplique Amy en reprenant quelques gorgées. I needed some fun any-... burp... -way.
- Ew.
Stephen part questionner les forces de l'ordre afin de savoir s'ils ont des informations. Bien sûr, lui, de son coté, ne compte pas leur en donner. Seulement, plus le temps passe, plus le problème risque de grandir.
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