Défi / La clé du mystère

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Quelques jours de vacances, la lumière plus vive, le soleil plus chaud, les arbres qui retrouvent leur fierté, les jardins leurs fleurs, les vagues leurs voiles blanches ! La Baule, son océan, ses vitrines marines, ses glaces et ses niniches... Une flânerie prolonge un après-midi de plage. Les avenues sont larges et plantées d'arbres, une brise me caresse les jambes et le cou.

Je sens que mes soucis de citadine s'envolent peu à peu.

Le train de Paris déverse ses passagers . Ils semblent étrangers au cadre, avec leurs tenues grises froissées. Ou bien est-ce moi qui trompe l'harmonie avec mon polo acidulé et mon pas tranquille.

Alors que les derniers voyageurs parviennent essoufflés sur le parvis boisé, un petit homme agile, en sueur, surgit, et me bouscule d'un coup de sac. Il se retourne, me jauge en une fraction de seconde et me prend la main droite pour y déposer une clé avant de filer en courant et en me criant « pas le temps de t’expliquer, je compte sur toi ».

Je suis perplexe, figée, désemparée. Autour de moi, les rues semblent désertées, aucun regard à accrocher pour quémander un avis, même le soleil a disparu et un frisson froid me parcourt.

J'observe la clé, attachée par une cordelette usée à un cercle de métal doré gravé du nombre 38.

Et maintenant, que faire ? Faut-il aider un inconnu à accomplir son dessein, sans rien savoir, rien maîtriser ? Jeter la clé ? Je ne m'en sens pas capable, pas autorisée. Ce doit être une clé de consigne, je peux faire un détour par la gare, La Baule, ce n'est pas Montparnasse ! Je me renseigne auprès d'un employé qui semble surpris par ma question, "jamais eu de consigne à la Baule". Je lui montre quand même la clé mais il secoue la tête "ça vient pas de la SNCF ça ! Allez voir à l'Office du Tourisme, c'est pas loin". Il a raison, c'est dans le même quartier. Le mystère et l’envie de le résoudre commencent à me séduire, et je n’ai rien de prévu…

Je suis reçue tout de suite par une charmante jeune Anglaise à l’accent prononcé. Joli sourire, gros efforts de compréhension et de prononciation, mais toute nouvelle dans la commune !

—  C’est possible que c’est une clé d’hôtel, ou autre, c’est un forme classique.

—  Oui, justement, peut-être une clé de salle des fêtes, ou de consigne…

—  Je demande à ma manager.

Elle revient vite mais sans information nouvelle. Je comprends que la clé peut entrer à peu près dans n’importe quelle serrure, mais par élimination, elle ne correspond à aucune des salles gérées par l’Office du tourisme.

Quand j’ai entendu « serrure », j’ai pensé « serrurier ». Un coup d’œil sur les pages jaunes de mon smartphone, et hop, quelle chance, une boutique se trouve à deux pas. J’arrive en exhibant mon objet mystère :

—  Bonjour, je voudrais votre avis sur une clé, j'ai oublié à quoi elle sert... 

—  Bonjour Madame, vous l’avez trouvée où cette clé ?

—  Heu, hum, c’est-à-dire que… c’est un inconnu qui me l’a donnée tout à l’heure à la gare… je ne sais pas ce que je dois faire… regardez !

—  Numéro 38, très étrange !

—  Ah bon, vous connaissez ?

—  Un peu, oui.

Il me répond avec embarras. Je le sens même irrité.

—  Vous pouvez m'en dire plus, s'il vous plaît, je voudrais accéder à la serrure et retrouver celui qui m'a confié cette clé.

—  Figurez-vous que je ne suis pas le bureau des renseignements. J'ai du travail, moi !

J'écarquille en même temps les yeux et la bouche tant cette réaction impolie et même agressive m'ébahit. Il se dirige déjà vers son arrière-boutique quand trois policiers font irruption.

Le serrurier comprend plus vite que moi la tournure des événements. Il tente de fuir alors qu'un policier me saisit le bras et qu'un autre passe par-dessus le comptoir pour se lancer à sa poursuite.

Je suis abasourdie, quelques mots secouent ma conscience et humilient mon intégrité, "garde à vue", "flagrance", "recel et vol en bande organisée", "avocat"... Je perçois un climat de menace, d'hostilité. Je perds mes repères. Je prononce une phrase timide pour justifier ma présence et il m'est rétorqué que j'expliquerai "tout ça" au juge d'instruction. "Six mois qu'on enquête sur les vols du casino, vous l'avez trouvée dans une pochette-surprise la clé 38 ?".

Je sens mes jambes se ramollir, ma tête dodeliner, mes yeux se troubler.

Quand je reprends conscience, un pompier est en train de vérifier ma tension, une jeune femme vient vers moi. "Ne vous en faites pas, je suis le juge d'instruction, la déclaration du serrurier joue en votre faveur. Vous restez en liberté, à la disposition de la justice. Vous recevrez rapidement une convocation en qualité de simple témoin. Ne quittez pas le département. Vous avez fait un léger malaise. Les pompiers vont vous raccompagner chez vous."

La clé 38 a disparu, un immense soulagement m'apporte un peu d'énergie et d'optimisme, je souris au pompier. Je le suis, épuisée.



 


 

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