Rosie
Appuyée contre la fenêtre de sa chambre, Rosie s'était à nouveau enfermée dans le monde idéal littéraire qui la faisait tant frémir chaque fois que son regard se perdait dans les pages de son roman volumineux préféré. Tout était merveilleux, tout était palpitant ; elle avait fait de ce monde son idole, se réfugiant dans le jardin secret qu'il lui offrait lorsqu'elle désirait laisser la réalité s'estomper autour d'elle. Ses longues ondulations blondes retombaient lourdement en cascade derrière ses épaules dénudées et brillaient à travers les faisceaux de lumière de l'astre du jour, leur éclat doré se reflétant dans la vitre devant laquelle elle était assise. Ses fines mains, dont les doigts aux ongles rongés trahissaient sa tendance nerveuse, étaient meurtries par le froid de l'hiver, et elle ne se souciait pas de sa peau sèche qui démangeait ses phalanges rougies lorsqu'elle tournait une à une les pages de son ouvrage. Rosie n'était pas le genre d'adolescente séduisante qui attisait les nombreux regards de ses camarades au lycée grâce à sa beauté, non ; cependant, un certain charme émanait de chacun de ses gestes raffinés, et ses grandes prunelles grises envoûtaient quiconque osait la défier du regard. Lorsque l'on complimentait son caractère brillant et sa remarquable qualité à agir avec prudence et sagesse, le rouge lui montait immédiatement aux pommettes et ses joues empourprées faisaient ressortir son agréable visage pâle tapissé d'une multitude d'éphélides discrètes.
- Je suis avisée, c'est tout, se contentait-elle de marmonner, peu encline à la flatterie.
Ses traits doux ne s'étiraient que très peu sous l'impulsion de la colère, car quoique irascible, la jeune fille maîtrisait ses émotions de sorte à rester complaisante aux yeux de ses proches. Sa gentillesse et sa bonté ressortaient dans chaque rictus qu’esquissaient ses jolies lèvres rosées, et, de nature joviale, elle riait volontiers aux éclats quand ses fidèles amis s'amusaient à la distraire. Il n'y avait qu'auprès d'eux qu'elle réussissait à se laisser aller, son allure à première vue coincée devenant fluide et confiante lorsqu'elle était aux côtés des personnes les plus proches de son entourage. En effet, aux premiers abords, sa figure poupine affichait un air rêveur qui pouvait porter à confusion ; certains la trouvaient froide, alors qu'en réalité, elle voguait sur les mers de ses pensées intimes sans se préoccuper de l'agitation causée par ses camarades à proximité d'elle. L'adolescente parlait peu, mais bien ; elle aimait discuter et donner ses opinions, laissant involontairement transparaître ses émotions à travers l'expressivité fulgurante de son visage. Ses airs sérieux ne trompaient personne sur le jugement qu'elle portait vis-à-vis d'une situation. Malgré les longues réflexions qui cogitaient dans son esprit, sa mine raisonnable rayonnait constamment, et rares étaient les fois où les pointes de nostalgie l'assaillaient au point d'assombrir ses yeux profonds habituellement teintés d'une lueur de gaieté. Secrètement, Rosie était une romantique ; elle rêvait du grand amour, c'était pourquoi elle évitait de papillonner de garçons en garçons avec ses amies. Elle préférait rester en retrait lorsque celles-ci se permettaient de flirter. Elle désirait suivre son instinct pour trouver le seul jeune homme, si possible vertueux et bon, qui ferait chavirer son coeur et entrerait dans sa vie à jamais, mais jusqu'à présent, elle n'était jamais tombée sous le charme d'un lycéen. La jeune fille, gracieuse et dotée d'un soupçon de malice, ne se maquillait jamais ; son petit nez rond vermeille ajoutait une touche de féminité à son portrait, et ses longs cils blonds battaient avec sérénité au dessus de ses yeux ensorceleurs qui définissaient sa beauté particulière et bien à elle.
Rosie était la petite fleur du lycée, parfumée et ravissante, délicate et songeuse. Elle apportait de la joie de vivre à tous ceux qui l'accompagnaient, dévorait des romans entiers dans les bibliothèques et restait très exigeante avec elle-même lorsqu'il lui arrivait de commettre une faute en littérature, la matière dans laquelle elle excellait. En bref, Rosie était une jeune fille sérieuse, charmante et souriante, une amie loyale sur laquelle on pouvait compter, mais sans plus ; car sa vie à elle, c'était dans son monde imaginaire qu'elle la menait.
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