Bradley emmena son élève dans la cuisine pour se rafraîchir et parler comme deux amis.

— J'ai une question pour toi, Bradley.

— Pose ta question.

— Pourquoi personne n'a jamais su que tu habitais dans cette maison ?

— Je vis ici depuis deux ans et je fais en sorte d'être le plus discret possible. Habituellement, quand je donne des cours je le fais par ordinateur avec les caméras ou je me déplace mais je ne sais pour quelle raison, énormément de paparazzis sont en ville depuis trois jours et je ne voulais pas prendre le risque de me faire repérer. Alors te voilà chez moi, premier fan à entrer dans ma demeure.

Théo but une gorgée de la boisson à la menthe présente dans son verre, cachant son sourire comme il le pouvait.

— J'ai de la chance alors ! Je suis ravi d'avoir réalisé mon rêve et par hasard qui plus est !

— Je vais te faire visiter ma maison, elle a aussi besoin d'une compagnie autre que la mienne !

Ils se sourirent de nouveau puis Bradley se leva, prit le bras de Théo pour le lever te le faire voyager à travers sa maison en lui racontant des anecdotes sur des objets présents dans sa demeure.

Théo fut ravi. Il était émerveillé par ce qu'il vivait et il espérait que la situation s’éternise.

Il suivait Bradley dans un couloir qui menait sûrement à une chambre, mais fut piqué une fois de plus par la curiosité. Il s'arrêta devant des cadres photos de sa famille.

— Brad ?

Ce dernier se retourna et fixa Théo, attendant qu'il reprenne la parole.

— Ta femme ne serait pas dérangée que tu fasses visiter à un inconnu son lieu de vie et d'intimité ?

— Oh.. À vrai dire, elle n'est plus vraiment ma femme. Sur les papiers oui, nous sommes toujours mariés, mais en réalité nous sommes séparés depuis deux ans. Nous vivons notre vie de notre côté mais faisons encore semblant pour les médias.

— Mais pourquoi ne pas divorcer ?

— Parce qu'elle perdrait beaucoup si elle ne portait plus mon nom de famille et puis c'est un avantage pour le moment, les paparazzis ne cherchent pas à fouiner dans nos vies. Ma femme peut donc vivre sa vie le plus discrètement possible avec son nouveau compagnon, même si c'est risqué, et moi je suis tranquille ici.

— Et pourquoi vous vous êtes séparés, si ce n’est pas trop indiscret ?

Théo savait très bien que ses questions pouvaient paraître impolies et bourrues, mais il avait l'impression de pouvoir se permettre un tel comportement, comme s'il était sur la même longueur d'ondes que Bradley et que ce dernier ne se vexerait pas des potentielles indiscrétions.

Son professeur reprit son chemin, puis une fois entré dans la pièce au fond du couloir, il invita Théo à le rejoindre.

— Nous nous sommes séparés lorsque ma femme a découvert que j'aimais aussi les garçons. Et puis, elle commençait à fréquenter de son côté un homme parce qu'elle sentait que je ne l'aimais plus comme avant. C'était vrai, je ne ressentais plus de sentiments amoureux pour elle, uniquement de l'amitié et de l'affection, mais plus l’amour passionné et captivant.

Théo n'en crut pas ses oreilles. Son idole, jusqu'à présent entièrement hétéro à ses yeux, se révélait tout autre devant lui. La situation devenait de plus en plus un réel régal pour lui.

— Et comment tes enfants ont pris la nouvelle ? Pourquoi me dire tout ça, si naturellement, alors que je pourrais très bien le crier sur tous les toits ?

— Et si, au lieu de poser des centaines de questions, tu venais faire ce que tu rêves de faire depuis que tu as franchi le seuil de ma maison, autre que la musique ?

Le jeune homme fronça les sourcils, ayant peur de ne pas avoir bien compris la situation.

— Pardon ? Ce n’est pas parce que j’aime ce que tu fais en musique, que je vais tomber dans ton lit à ta demande !

— Oh par pitié, ne joue pas l’innocent ! Je vois bien tes regards, tes questions pour créer une intimité et savoir si je suis libre. Ne pense pas que je joue de mon statut de “star”, ça n’a aucun rapport.

— La situation est délicate.

— En quoi elle l’est ?

— Je suis venue pour me perfectionner dans la musique, je découvre que mon professeur est en fait une personne que je suis au quotidien depuis des années, ensuite j’apprends que je suis la première personne à venir ici, hors ta famille, que tu n’es pas hétéro mais bisexuel et que tu veux faire autre chose que de la musique avec moi, ici, dans ta chambre. Il y a beaucoup de choses à assimiler en très peu de temps. C’est limite si je n’ai pas l’impression que la situation est un rêve et que je vais me réveiller brutalement sans rien comprendre. Sans parler du fait que tu te livres à moi comme si on se connaissait depuis des années !

Bradley ne put s’empêcher de légèrement sourire, pas de moquerie face au désarroi de son élève, mais bien parce qu’il le trouvait encore plus craquant.

— Je suis autant humain que toi. Je suis un homme, comme toi, mon métier fait juste la différence, mais ça ne devrait rien changer au fonctionnement des relations humaines.

— C’est plus facile à dire qu’à faire, tu as l’habitude de fréquenter des célébrités et forcément ça ne change pas grand-chose pour toi de rencontrer telle ou telle personne. Mais c’est différent pour moi, ce n’est pas tous les jours que je rencontre quelqu’un que j’admire.

— Essaye de réfléchir comme ça : je suis un homme, libre, bisexuel qui te trouve très intéressant et attractif. Tu es un homme, homosexuel ou bisexuel, peu importe, et visiblement, je ne te laisse pas indifférent non plus. Pourquoi pas lier les cours de musique, donc l’utile, à l’agréable qui serait de s’amuser un peu tous les deux sexuellement parlant ? Pas d’attache sentimentale obligatoirement si c’est quelque chose que tu crains, si tu ne te sens pas prêt ou que tu n’en n’as pas envie. C’est tout simple.

Théo ne savait comment réagir, bien sûr la proposition était affreusement tentante et excitante mais il était tout de même réticent, sans vraiment savoir pourquoi. Il sentit son cœur s’affoler sous l’intensité du regard que son professeur lui lançait et l’argumentation qu’il exposait d’une voix douce mais énergique. La chaleur due à son excitation montait peu à peu dans son corps et les pensées se mélangèrent vite dans sa tête, à un tel point qu’il n’entendait même plus Bradley lui parler.

Allait-il se laisser aller, réalisant l’un de ses plus gros fantasmes, quitte à être déçu si la réalité ne dépassait pas le rêve, ou allait-il manquer une occasion en or de recevoir un moment de bonheur avec un homme qu’il admirait, par peur ou par trop de réflexion ?

Bradley le regardait avec un regard brillant de désir et d’amusement, mordant sa lèvre inférieure à l’aide de ses dents pour lutter contre la violente envie d’embrasser Théo. Il tentait d’avoir un air décontracté pour être crédible face au jeune homme, mais ses muscles se serraient de secondes en secondes, tant l’attente d’une réponse le tendait et le frustrait d’excitation. En aucun cas, il forcerait Théo à faire une action dont il n’aurait pas envie, mais au fond de lui, il savait que son élève ressentait les mêmes sensations que lui. Les regards, les paroles et la façon de se comporter ne pouvaient tromper personne quant à l’attirance ressentie l’un par l’autre.

Il espérait que le jeune homme ne s’empêcherait pas de vivre, même un moindre moment de plaisir et de bonheur, par peur, trop de questionnement ou tout simplement par une impression de manipulation ou celle de ne pas mériter un tel intérêt par une personne plus “importante” que lui.

Il comprenait Théo, et sa réaction. Le choc ressenti par les informations reçues qui étaient à l’opposé de tout ce qui avait, pendant des années, été mis en lumière avec la carrière de Bradley. Et du changement soudain d’ambiance. Après tout, ils étaient des inconnus l’un pour l’autre.