Chapitre 7.1

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Après une longue pause qui m'a permis de me concentrer sur d'autres projets, et donc de reprendre mon souffle, j'ai repris la rédaction de ce roman avec un plaisir accru. J'espère que vous apprécierez les prochains chapitres :)

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- En quoi ça consiste ?

Dame Tanysha tapota le bout du crayon sur ses lèvres. Allongée sur l’une des deux couchettes de la planque, ses cheveux sombres étalés sur l'oreiller et les pieds négligemment croisés sur la tête de lit, elle semblait détendue. Ses yeux noirs glissèrent vers moi. Elle répondit enfin :

- La Main Keith est cachée dans un petit hôtel en bord de Strasbourg. Elle s'est enfuie du Logis de Metz avec un petit garçon, son fils. La mère de l'enfant, une Pondeuse comme tu t’en doutes, a été abattue alors qu'ils s’échappaient. Keith est parvenu à partir et a atteint Strasbourg où il a été repéré par une Dame. Elle n’a pas pu se charger de lui puisqu'elle avait sa propre mission à mener à bien mais elle a donné l'alerte, et nous voici.

Dame Tanysha se redressa sur un coude pour mieux me voir.

- Je ne savais pas qu'il y avait des Pondeuses à la Maison de Metz.

Ce fut réellement tout ce que je trouvai à répondre. En réalité, j'aurais pu dire que c'était triste pour la Pondeuse, ou encore m'interroger sur les raisons de cette fuite, ou même ses conditions, mais non. La Main Antoine me fixa et je détournai le regard pour ne pas affronter ses yeux froids. Cependant, je les sentais parcourir mon visage et mon corps, comme s'ils cherchaient à lire en moi.

- Il y en a peu, c'est vrai, mais les Dames là-bas en ont quatre ou cinq afin d'éviter tous les déplacements depuis Paris.

Je hochai machinalement la tête. Logique. Pratique. Le Logis de Paris était, certes, le plus important de l'Organisation, tout comme la Maison attachée, mais les autres Maisons pouvaient apprécier de former leurs propres Mains et non pas toutes les importer depuis la capitale.

- Bref, reprit Dame Tanysha, nous sommes censées éliminer Keith, et son fils aussi si nous jugeons que cela est nécessaire. Après tout, il pourrait être “contaminé”.

Elle roula les yeux, faisant parfaitement comprendre ce qu'elle en pensait.

- Antoine n'est pas supposé nous aider. L'Organisation doit avoir peur qu'il ne soit “contaminé” lui-même. Mais bon, tu l'es déjà, n'est-ce-pas, mon grand ? poursuivit la jeune femme avec un sourire amusé aux lèvres vers son compagnon.

Les muscles des joues de la Main Antoine frémirent, presque comme s’il allait sourire, mais il ne répondit rien. Seuls ses yeux pétillaient. Ils étaient d'un brun très sombre, et non pas noirs, comme je l'avais pensé au départ. Je détournai le regard pour me concentrer sur Dame Tanysha.

- Bien, ça, c'est qu'il est attendu de nous. Mais qu'allons-nous faire pour de vrai ?

Parce que c'est bien beau, mais me laisser dans l'ignorance alors que je venais de déclarer mon intention de trahir l'Organisation qui m'avait élevée, ce n'était pas très sympa. Même de la part d’une Dame.

- Les aider à traverser la frontière allemande. Là-bas, nous avons quelques contacts qui les mettront en lieu sûr.

J'eus un mouvement de surprise.

- L'Allemagne, vraiment ? Mais ça ne fourmille pas de Dames là-bas ?

- Si, convint Dame Tanysha, mais toujours moins qu'en France. De plus, l'Allemagne n'est qu'une étape. Et les Maisons là-bas n'ont pas encore été prévenues, donc Keith et son fils auront plus de chance de passer inaperçus qu'ici.

Je me laissai retomber sur ma chaise alors que mon interlocutrice se redressait. La Main Antoine était appuyée contre un mur, mangeant avec un plaisir évident le contenu d'une boîte de conserve.

- Et on fait ça comment ?

Le regard qu'échangèrent Dame Tanysha et son acolyte me parut de mauvais présage.

- Assez simplement, répondit la Main Antoine et, ne m'attendant pas à son intervention, j'en fus surprise. Faux papiers pour la précaution, même si la sortie de France ne devrait pas poser trop de difficultés. La complexité de l’opération va être de les faire quitter Strasbourg puis de maquiller l'affaire pour que l'Organisation soit persuadée que nous les avons eus. Ça, ça va être plus délicat.

Axel court. Ses pieds frappent le sol, lui font mal, mais elle les ignore. Elle dévale la pente aussi vite qu'elle le peut. À un moment, elle trébuche sur un rocher auquel elle n'avait pas fait attention et s'écrase à terre. La jeune femme roule sur quelques mètres avant de pouvoir se retenir. Elle a mal partout, la peau de ses coudes et de ses genoux est écorchée, mais elle n'en tient pas compte. Elle reprend son chemin sans ralentir, prenant à peine le temps d'ôter la terre de ses vêtements.

Enfin, elle pénètre dans le village. Les rues sont désertes et ses pas résonnent sur les pavés. Les rares personnes qu'Axel croise se précipitent tout autant qu’elle vers la place centrale. Là, il y a foule. Son regard suit les leurs et son souffle se coupe. Un pan entier de l'école a été détruit, dévoilant les étages à moitié effondrés. Quelques tables sont en équilibre au bord du vide et l’un des tableaux pend, presque arraché à son mur, ne tenant qu'à l’aide de deux ou trois clous. Des gravats tombent par intermittence.

Axel joue des coudes afin de parvenir au premier rang. Deux dizaines de petits corps sont étendus non loin. Ses yeux sautent d'un visage de l'autre sans sentiment. La tristesse sera pour plus tard. Elle cherche la chevelure blonde si reconnaissable de Maddy. Elle n'y est pas.

La jeune femme saisit fermement l'homme le plus proche par le coude.

- Excusez-moi ! Où sont les autres ?

Il a un mouvement de recul, comme surpris dans son horreur, mais finit par agiter vaguement la main.

- Ils ont été emmenés à l'infirmerie.

Axel repart. Le bâtiment est non loin de là, à une ou deux rues. Quand la jeune femme pousse les portes, l'odeur de la peur s'empare de ses narines. Le hall est envahi par des enfants terrorisés. La plupart gémit, pleure, crie. Quelques-uns ont retrouvé leurs parents, qui les enlacent et les rassurent comme ils le peuvent. Des médecins et infirmiers courent d'une chambre à l'autre, se hâtent dans les couloirs attenants au hall. Axel scrute chaque visage dans l’espoir de trouver les mèches pâles de Maddy, mais rien. Son cœur bat de plus en plus vite, semblant vouloir se loger dans sa gorge. Elle agrippe le bras d'une infirmière.

- Je cherche une petite fille, elle a six ans, des cheveux blonds ?

Son ton est plus agressif qu'elle ne l’a voulu mais qu’importe, elle doit retrouver Maddy. La femme jette un coup d'œil à son calepin mais probablement plus pour échapper au regard d’Axel que pour chercher la chambre, car elle répond au tac-au-tac.

- Toujours en bloc opératoire. Choc à la tête. Ils essaient de limiter les dégâts mais les pronostics sont encore impossibles à déterminer. Si vous avez des questions, attendez dans la salle 23. Excusez-moi mais j'ai d'autres patients pour lesquels je peux agir.

L’infirmière se dégage ensuite et avance d’un pas vif vers un petit garçon aux yeux écarquillés et au souffle saccadé. Axel la regarde s’éloigner, la bouche ouverte. Sa petite Maddy… Son visage se ferme. Elle se retourne et sort. Elle ne peut rien faire pour Maddy maintenant. Elle est entre les mains des chirurgiens. Cependant, la jeune femme peut tout de même agir.

Ses pas la mènent au grand bâtiment principal. Là encore, c'est l’effervescence, des papiers volent, des cris sont échangés d’une salle à une autre. Ignorant le capharnaüm, Axel gravit les escaliers quatre à quatre jusqu'au bureau directif. Elle pousse la porte sans toquer, la faisant claquer contre le mur. Dans la pièce, Antoine, Tanysha et deux de leurs conseillers sont en pleine discussion. La voyant arriver, Tanysha secoue la main, ordonnant implicitement aux derniers de sortir. Le battant se ferme dans leurs dos.

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