chapitre 2
Le réveil sonna et me rappela à mon devoir. Je me levai, recouvris Rey et partis dans la salle de bain. J’effectuai une toilette de chat et revêtis mon uniforme de commissaire. La nuit promettait d’être longue, loin d’elle.
Ma garde terminée, c’était éreinté que je repris le chemin de la maison. Rey ne travaillait pas cette nuit, nous allions donc pouvoir passer un peu de temps à deux avant de retourner à notre routine professionnelle. J’arrivai devant notre immeuble et entrepris d’insérer les clefs dans la serrure. À ce moment-là, un très mauvais pressentiment m’envahit. Les oiseaux ne chantaient plus et de sombres nuages avaient recouvert le ciel automnal, ne laissant filtrer que quelques rayons pâlichons. Une aura macabre flottait autour du bloc d’appartements. Alerté par cette odieuse sensation, je me dépêchai d’ouvrir la porte et entrai en trombe dans le hall. Je gravis les escaliers quatre à quatre et arrivai dans le couloir de notre logement à bout de souffle. Une vision d’horreur apparut devant moi. Notre vestibule avait été forcé et demeurait béant, des débris semblaient joncher le sol de notre maisonnée, une bise glaciale s’engouffrait à l’intérieur. La panique me gagna alors que je rejoignais le seuil à grands pas. Sans prêter attention aux traces d’effraction, de lutte, je me ruai dans le salon à la recherche de ma bien-aimée. Mais il n’y avait personne. Je passai en revue toutes les pièces en quête d’un indice ou d’une présence, or ; je ne vis rien. Pas âme qui vive ! Même notre chat ne se montrait pas. Elle avait dû le mettre dehors avant de se faire attaquer puis enlever. Dévasté par l’horrible scène qui se présentait devant moi, je laissai libre cours à ma mélancolie. Une larme coula le long de ma joue et alla se briser sur le sol. Comment avait-il pu ? Qui était l’auteur de cette atrocité ? Une chose était sûre, il ne resterait pas impuni. Je me chargerai personnellement de son cas. Personne n’avait le droit de s’en prendre à elle comme ça ! Cette ordure paierait le prix fort ! Soudain, un grésillement attira mon attention. Il provenait de la salle de bain, seule pièce que je n’avais pas encore visitée. L’oreille aux aguets, je suivis le son et y pénétrai. Je scrutai les environs, à la recherche de ce bruit. Mon orillon me mena vers la baignoire. Je soulevai le rideau et me penchai. Au creux de celle-ci, noyé dans un fond d’eau, gisait le smartphone de Rey. Je m’approchai un peu plus du bain, mais une sensation étrange sous mes pieds me stoppa. Je baissai les yeux et constatai que je marinais dans une flaque gluante, verdâtre et à l’odeur nauséabonde. Je me remémorai alors la conversation de la veille. Rey avait trouvé des taches similaires près du lieu du crime quand elle avait effectué sa ronde de nuit, ce qui signifiait que c’était sans doute la même personne qui avait kidnappé ma femme. Mais pourquoi Rey ? Qu’avait-elle de si particulier ? Était-ce une affaire de vengeance ?
De plus en plus bizarroïde. D’ailleurs, la substance sous mes pieds n’avait rien de normal. Elle ressemblait à de l’ectoplasme : ce liquide visqueux que l’on pouvait apercevoir dans toutes les histoires de fantômes et de revenants. C’était totalement déroutant. J’avais l’impression de nager en pleine illusion ou plutôt en plein cauchemar. Mauvais rêve ? Cette idée s’insinua lentement dans mon esprit et un éclair de lucidité s’empara de moi. Quel jour étions-nous déjà ? Le 31 octobre ? C’était ce que Rey avait affirmé en tout cas. Elle avait évoqué le fait qu’elle détestait travailler le soir d’Halloween, car les rues, noires de monde, ne facilitaient pas son passage. Elle se plaignait aussi des déguisements atroces qu’elle croisait lors de cette nuit spéciale. Elle soutenait que n’importe qui, même un criminel, pouvait se dissimuler derrière un masque. Maintenant que cette conversation me revenait en mémoire, je sortis mon téléphone de ma poche et consultai l’agenda. Oui, nous étions bien le 31 octobre, le jour d’Halloween. Bordel ! Pourquoi n’y avais-je pas songé tout de suite ? À présent, je me retrouvais avec deux disparitions sur les bras, un rituel et un spectre. Me voilà bien loti ! Sortant de ma transe, je retirais le portable abîmé de Rey des eaux et constatai que celle-ci était encore tiède. L’enlèvement remontait donc à plus tôt dans la nuit. Enfin une piste intéressante. Mon instinct de flic s’éveilla. Je pouvais intervenir à temps et la sauver. Tout espoir n’était pas perdu ! Je rebroussai chemin, armé des deux téléphones et de mes clefs. Dans le hall, je composai le numéro de Poe :
- Poe Dameron, j’écoute.
- Poe ? C’est Ben à l’appareil, il faut que je te parle ! L’heure est grave !
- Quoi ? Que se passe-t-il ? Effectivement, il doit se passer un truc énorme pour que tu daignes m’appeler ! répliqua le détective privé.
- Cesse de plaisanter ! Je te dis que c’est inquiétant ! m’impatientai-je.
- OK, OK, c’est bon. Vas-y, raconte-moi ton histoire, reprit Poe sur un ton plus calme.
- Il ne s’agit pas d’une histoire, Poe ! Rey a été enlevée ! crachai-je, une note lugubre dans mes paroles.
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