Désemparé devant la supercherie, j’en perdis mes mots et m’écroulai sur le sol sale et glacé du hangar. En face de moi, Rey s’agenouilla et me murmura :

— Joyeux premier Halloween, Ben.

Elle se releva, tout sourire, et me saisit le bras.

— Poe, Finn, moi-même, ainsi que tous nos amis, t’avons préparé une petite farce d’Halloween. Nous avons tout organisé et tout filmé. Tu as été époustouflant ! Je n’aurais jamais pensé que tu allais tomber dans le panneau ! À l’inverse, Finn en était persuadé !

Je restai coi devant l’absurdité de la situation. J’avais été piégé, dupé par ma propre femme. Et le pire c’est que j’avais cru à la réalité de la chose. Je n’en revenais pas. Ils m’avaient vraiment bien eu. Je me levai, déglutis et bégayai :

• Mais ? Et notre appartement saccagé ? Les traces sur le sol ?
• Tout a été orchestré par ces deux-là, expliqua Poe, en pointant Rey, puis Finn, du doigt. Ils voulaient te faire une surprise de taille pour Halloween, parce que c’est aussi le jour de ton anniversaire. Alors Rey a tout manigancé. Et elle peut être fière d’elle !

Sur les nerfs, j’éclatai de rire. Je ne pouvais pas y croire, elle m’avait mené en bateau. Et je n’y avais vu que du feu. Je regardai Rey et secouai la tête :

• Je te félicite, bravo ! Tu m’as bien eu, Rey Solo — Skywalker.
• Tu n’es pas vexé au moins ? demanda-t-elle timidement.
• « Vexé » n’est pas le mot exact ! "Désabusé" peut-être.

Elle s’approcha doucement de moi et m’enlaça :

• Tu es quand même heureux d’être là ?
• Bien sûr que je suis heureux, mais tu aurais pu penser à mon pauvre cœur. Tu ne t’imagines pas à quel point j’étais inquiet pour toi ! Tu as même réveillé Ren, bravo ! J’espère que tu comptes te rattraper ?

Elle avala sa salive et esquissa un sourire narquois.

• Évidemment ! Viens avec moi !

Elle me prit la main et me conduisit dans une autre salle, cette fois-ci tout éclairée et décorée. Des banderoles oranges et noires ornaient les murs du bâtiment, apportant une touche de gaieté dans l’atmosphère glauque. Sur une table, des cocktails aussi lugubres qu’appétissants attendaient d’être bus. Des bonbons, des tartes sucrées et salées venaient compléter le repas halloweenien. Des citrouilles avaient été disposées un peu partout, une chaîne hi-fi jouait une playlist digne du 31 octobre. Des tables et des chaises avaient été réparties dans le local. Un parfum de légèreté et d’amusement flottait dans l’air. Rey nous dirigea vers le buffet. Finn et, finalement Poe, suivirent. Elle nous servit des verres et porta un toast silencieux. Puis, Finn engagea la conversation :

• Quelle belle frayeur tu as eue, dis donc !
• C’est vrai oui et je ne m’attendais pas à une telle prouesse de la part d’un traître, le charriai-je.
• Et je ne m’attendais pas à tant de sensibilité de la part d’un autre traître, continua-t-il. En tout cas, encore joyeux Halloween et bon anniversaire.
• Merci.
• Finn ! FIIINNN ! Amène-toi. Cria Rose, par-dessus de la musique.

Mon ami s’excusa brièvement et partit rejoindre les tiers, j’acquiesçai d’un mouvement de tête. Je retournai vers Rey. Je la trouvai en grande discussion avec Kaydel. Lorsque j’arrivai à sa hauteur, Kaydel posa ses doigts sur son épaule et dit :

• Je te laisse aux bras de ton prince. À toute.

Elle disparut dans la foule et alla réintégrer un groupe déjà attablé. Un slow retentit dans les haut-parleurs. Je tendis la main à Rey et chuchotai :

• Rejoins-moi !

Elle réfléchit un moment et se recula. Je la suppliai :

• Allez ! S’il te plaît !

Elle afficha un grand sourire sur son visage et glissa sa menotte dans la mienne. Avec tendresse, je l’entraînai au centre de la piste aménagée pour l'occasion, je me positionnai face à elle, agrippai doucement sa taille et collai mon corps au sien. Rey attrapa ma nuque et plongea son regard dans le mien. Je commençai à tourner lentement sur nous-mêmes, puis lançai :

— Pourquoi as-tu hésité à prendre ma main ?

— Tu sais que je déteste danser, pourquoi m’as-tu invitée ?

Je souris et frottai mon nez contre le sien :

• Ben Solo, tu es infernal !
• Oui, je suis infernal et je le serai pour toujours !

Elle rougit et se jeta sur mes lèvres. Elle m’embrassa à pleine bouche, détachant mes cheveux au passage afin de pouvoir y passer ses doigts. Je frissonnai de plaisir et approfondis notre baiser. L’échange, d’abord enfantin, prit une tournure un tantinet plus langoureuse. Rey resserra ses bras autour de moi et combla le minuscule espace qui restait encore entre nous. Cette petite action ne manqua pas de me faire de l’effet et ma respiration se raccourcit. Fougueux, je continuai de l’embrasser. Je descendis sur ses joues et son cou, puis remontai vers son menton, vers sa bouche, rosie par l’intensité de nos bisous. Nous étions tellement absorbés l’un par l’autre que nous n’entendîmes même pas la musique s’achever.

La soirée improvisée se termina très tard dans la nuit. Tout le monde s’était amusé et avait profité de ce moment hors du temps. Au début, j'avais été franchement énervé par le traquenard que ces deux-là m’avaient tendu, mais à partir du moment où Rey m’était revenue, ma colère s’était envolée et Ben réapparut. Nous quittâmes les docks à l’aube et rentrâmes chez nous aux premières lueurs de l’aurore. Nous regagnâmes l’ascenseur, après avoir stationné la berline. Celui-ci mit un temps considérable à descendre, amenuisant ma patience au fur et à mesure. Lors de la dernière danse, avant de laisser nos amis, Rey m’avait clairement fait comprendre ses intentions et en bon mari que je m’efforçais d’être, j’avais terriblement envie de lui répondre. Une sonnerie tinta, l’ascenseur venait d’arriver. Je proposai à Rey de passer en la poussant doucement et m’engouffrai à sa suite dans le petit habitacle. Les portes se refermèrent sur nous et l’élévateur démarra sa lente ascension. Pendant quelques secondes, un silence éloquent s’installa entre nous.