Le message

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Un vert émeraude comme on n'en voyait plus. Un vert surnaturel, couleur du thé en poudre de première qualité, de forêt jaillissante après la mousson. Un vert comme il n’en existait plus sur Terre. Vert comme Tara, pensa Saiō en évoluant sur les pentes douces du tertre. Vert comme seule doit encore l’être Tara. Au-dessus, les étoiles brillaient comme des gemmes sur un drap de velours noir. À ses pieds, l’herbe douce et odorante comme du matcha.

Vous avez reçu un message.

La voix commerciale de l’IA qui gérait son interface de connexion au Réseau la ramena brutalement à la réalité. Le site merveilleux dans lequel elle se promenait était enterré sous une chape de béton de plusieurs mètres et une bonne demi-tonne d’acier. Bientôt, il n’existerait plus du tout.

Vous avez reçu un message, répéta la voix.

Saiō se déconnecta à regret de l’environnement virtuel. Les contours du tombeau royal disparurent peu à peu, laissant la place au module vide et impersonnel de sa boîte aux lettres. Elle n’avait jamais pris la peine de la configurer.

La jeune femme redoutait ce courrier. Elle aurait voulu retarder le plus possible le moment d’en prendre connaissance. Mais on voulait une réponse de sa part, et une rapide, selon toute vraisemblance. Elle abandonna donc la modélisation du site archéologique de Saitobaru pour s’intéresser au faire-part électronique. Pendant un moment, elle laissa l’enveloppe noire clignoter sur son environnement virtuel. Enfin, elle effleura l'icône, déclenchant à nouveau la voix irritante de l’IA.

La famille Onizuka a le regret de vous informer que sa vénérée doyenne, Onizuka Chiharu, a rejoint le Paradis de l’Ouest ce 27 juillet, à l’âge de 121 ans. Elle sera incinérée au centre funéraire de Shin-Kurume le 2 août prochain, en présence d’Aoki Byakko, chef de deuil, et de sa fille Rie. Le temple Myôshin-ji se chargera de la cérémonie, en partenariat avec l’entreprise funéraire Fudaraku-kai.

La jeune femme resta immobile, les yeux sur les caractères simplifiés qui s’effaçaient lentement, scintillant une dernière fois comme les lumignons sur les tombes à la fête des morts. Derrière le texte, un lotus flottait dans des volutes d’encens, et un air de violon électronique accompagnait de ses sanglots doux quelques notes de piano tragiques. Saiō songea que cette petite musique kitsch ne ressemblait pas à sa grand-mère, elle qui avait toute sa vie joué du biwa. Mais de toute évidence, c’était l’entreprise funéraire qui avait proposé ce faire-part ridiculement sinistre et cet accompagnement musical standard : Rie avait dû le choisir à défaut de mieux.

Je n’avais qu’à être là, se reprocha Saiō en touchant la projection holographique pour refermer le faire-part.

Puis elle se remit à travailler.

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