chapitre six
- Allô ? (...) Oui, c’est bien moi. (...) Bien sûr, je peux être là dans une petite dizaine de minutes. (...) D’accord, je me mets en route.
Mon médecin vient de recevoir mes résultats d’examen, je dois la rejoindre à son cabinet. Je ne me sens pas bien, ça n’arrive jamais, elle ne convoque jamais ses patients pour leur annoncer que tout va bien, j’en déduis alors que tout ne va pas parfaitement bien. Je vérifie d’avoir bien tous mes papiers et mes clés de voiture avant de prendre la route.
À nouveau, quand j’arrive, je me présente au secrétariat où on m’invite à patienter dans la salle adjacente à celle du docteur. J’attends deux petites minutes avant que mon médecin m’accueille. Je rentre, lui adressant un sourire, espérant qu’il fera changer les résultats, priant pour que la nouvelle ne soit pas trop mauvaise. Mais face à moi, je vois bien que la femme n’est pas vraiment à l’aise, les regards discrets qu’elle me lance ne laissent rien présager de bon, les sourires timides ne sont pas rassurants et le temps qu’elle prend avant de prendre la parole ne fait qu’augmenter ma panique.
- Je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps, Manon. Les résultats que l’on m ‘a fait parvenir ne sont pas bons. Tu as un taux de globules blancs très bas, trop bas. Il peut y avoir beaucoup d’explications, alors pour être fixé une bonne fois pour toute, je vais te faire faire un prélèvement de moelle osseuse à l’hôpital, le plus vite possible.
- Vous pensez à quoi ?
Mais je n’obtiens pas de réponse, elle reste interdite alors que je tente de contrôler le raz de marée qui s’apprête à inonder mes joues. Alors à l’instar de notre rendez-vous, elle fait courir ses doigts sur le clavier de son ordinateur et sort une feuille de l’imprimante qu’elle signe et me tend. Je mets du temps avant de réagir, lui tend ma carte vitale qu’elle décline.
- Ce n’est pas une consultation, ma belle, tu n’as rien à payer. J’aurais pu t’envoyer tout ça par mail, mais je pensais que tu préférerais l’entendre de vive voix, que l’on t’explique. Alors si tu as des questions, je t’en prie.
- À quoi pensez-vous ? je parviens à articuler.
- Je ne veux pas me prononcer tant que tu n’as pas vu un spécialiste.
- Est ce que ça va faire mal ?
- Non, tu seras anesthésiée, au niveau de la zone de prélèvement. Par contre je te recommande d’y aller accompagnée.
Je pose les dernières questions qui me taraudent puis quitte l’endroit, bien plus bouleversée que quand je suis entrée. Si je ne suis jamais allée chercher mes symptômes sur Internet, aujourd’hui, l’envie est tentante. J’ouvre une page Safari et tape les quelques mots "fatigue, faible taux globules blancs". Mais avant que j'ai le temps d’ouvrir un lien, mon téléphone s’agite et un message apparaît en haut de mon écran.
De : Louis
Alors ? Tu as vu ton médecin ? Qu’est ce qui t’arrive ?
De : Manon
Oui. J’en ressors, je dois passer d’autres examens.
Mais aucune réponse ne me parvient, puis son nom s’affiche en grand, avec sa tête en arrière plan. Je glisse le doigt le long du bouton répondre et sa voix un peu robotisée retentit dans l’habitacle.
- Tu dois passer quoi comme examen ?
- Un prélèvement de moelle osseuse.
- Wow, rien que ça. Pourquoi faire ?
- Confirmer un diagnostic, mon taux de globules blancs était faible.
- Tu voudras que je t’accompagne ?
- Ça ne te dérange pas ?
- Manon, arrêtes un peu tes conneries, évidemment que ça ne me dérange pas. Je ne vais pas te laisser vivre ça toute seule.
- Merci, je réponds sincèrement.
- Il en dit quoi Raphaël ?
- Je ne lui ai pas encore dit.
Un long silence lourd de sous-entendu s’en suit.
- Allô ? je demande au cas où.
- Oui, oui, je suis là. Tu devrais lui en parler.
- Je sais... je le ferais. Mais pas tout de suite, pas tant que je ne sais pas.
- Dis-moi quand et je passerai te prendre.
- D’accord. Je vais appeler tout de suite. Je te redis.
Nous raccrochons alors et je compose le numéro que m’a inscrit le médecin sur un Post It. Une sonnerie, deux sonneries, puis une troisième avant que résonne la voix d’une femme dans l’habitacle de la voiture. Il me pose quelques questions et nous convenons d’un rendez-vous dans deux jours. Je le signale à Louis et me résigne à aller chercher les quelques boîtes de médicaments que m’a prescrites le docteur, dont les anesthésiants.
En revenant de leurs travails, mes parents me posent quelques questions sur le déroulement de ma journée. Sauf qu’au lieu de tout leur expliquer, je préfère éluder la discussion et ne parle pas du rendez-vous.
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