Chapitre Dix
La voiture de ses parents n'était pas dans l'allée lorsque Matt revint chez lui, plus tard dans la soirée. Parfait, songea-t-il en fonçant vers la porte d'entrée. Il l'ouvrit à la volée et la referma dans un claquement sec et retentissant.
« Jules ! » tonna-t-il en jetant son sac sur le sol, suivi de près par son blazer.
La tête brune de Melody apparut par-dessus le dossier du sofa, les yeux écarquillés par le ton rageur de son frère. Matt ne lui accorda qu'un rapide regard avant de fixer le couloir qui menait aux chambres. La porte de celle de Jules était soigneusement fermée, et seul le silence lui répondit.
Matt serra les poings, mais se refusa à aller chercher son cadet par la peau du cou comme il le méritait pourtant. Il voulait lui donner une chance de venir de lui-même pour s'excuser de son comportement. Parce que, bon sang, mais qu'est ce qui était en train de lui arriver ? Matt comprenait mieux pourquoi il l'avait fortement incité à ne pas s'approcher de Warren Hall, sur un ton que Matt n'avait que peu apprécié. Ce n'était même pas de ne pas avoir réagi lorsque William avait décidé de lui donner une leçon, pour reprendre ses termes, qui le mettait hors de lui. Jules n'avait que quinze ans, William faisait vingt centimètres de plus que lui, et il avait toute sa bande avec lui. Non, ce que ne supportait pas Matt, c'était de savoir que Jules, malgré la scène qui venait de se dérouler, ne l'avait pas désapprouvé. Il s'était rangé du côté des brutes.
« Jules ! » hurla-t-il plus fort.
Melody repoussa son livre d'algèbre et rejoignit Matt avec hésitation : « Il est dans sa chambre. Qu'est-ce qui se passe ? » Elle remarqua l'accroc sur la manche de la chemise de Matt. « Qu'est ce qui s'est passé ? » répéta-t-elle.
Jules finit par daigner sortir de sa chambre, et il s'avança, les mains dans les poches, le visage fermé. Visiblement pas décidé à présenter ses excuses à son frère, ni même à s'expliquer. Matt prit sur lui pour rester calme.
« Alors, c'est ça, tes amis ? Des brutes, des petits c*ns qui font leur loi et qui décident de tout pour les autres ? » Subitement, Matt réalisa quelque chose qui ne fit qu'amplifier sa colère. « Ce sont eux qui ont saccagé le casier de Melody ? William et sa bande ? »
Melody s'était figée. Elle dévisagea son jumeaux en levant les sourcils : « Ceux qui ont peint sur la porte de mon casier... tu les connais ? »
Jules mâchonna sa lèvre inférieure un moment avant de lever les yeux au ciel : « Ouais, bon, ce sont les copines des gars de la bande. Elles voulaient juste te faire passer un message. » Il haussa les épaules avec désinvolture. « Pas de quoi en faire une histoire. » ajouta-t-il.
« Ils ont écrits « trainée » sur mon casier ! Tout le monde l'a vu ! s'indigna Melody.
- Tu ne peux pas fréquenter des types comme ça ! » dit Matt au même moment.
Jules devint rouge.
« Ce sont mes amis ! Ils m'aiment bien, et ils sont cools. C'est vous qui n'êtes pas capables de rentrer dans les rangs !
- Rentrer dans les rangs ? répéta Matt. Tu entends ce que tu dis ? Ce n'est pas toi ça, c'est du William tout craché !
- Comment ça, rentrer dans les rangs ? » questionna Melody avec suspicion.
Jules pointa sa sœur du doigt, avec ressentiment et, surtout, avec mépris.
« Tu refuses de porter une jupe plus longue et aujourd'hui tu... tu portais du rouge à lèvres ! » glapit-il. « Et toi ! » poursuivit-il en désignant Matt du même doigt rageur et dédaigneux. « On t'avait dit de ne pas t'approcher des monstres de Warren Hall, et qu'est-ce que tu fais dès que tu en as l'occasion ? Tu te roules dans l'herbe de leur jardin ! On vous avait prévenu ! Ce qui arrive, vous l'avez bien mér... »
Matt fonça vers son frère, l'empoigna par le col et le plaqua contre le mur du couloir. Il le souleva juste assez pour que leurs yeux soient à la même hauteur.
« Ils ont insulté Melody et l'ont humilié publiquement. William m'a cogné, deux fois. Si tu es d'accord avec ça... »
Incapable d'aller plus loin, Matt finit par relâcher Jules. Le regard furieux que celui-ci lui adressa n'apaisa pas ses craintes, bien au contraire. Avec une grimace de colère, Jules retourna se réfugier dans sa chambre.
Blême, mais l'air irrité, Melody se tourna vers Matt : « Explique-moi ! »
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