Venue de Vénus
Cependant que les dieux tranquillement bavassent,
L'homme quant à lui souffre en son coeur déchiré,
Il croit voir son malheur dans les eaux se mirer
Et de son désespoir les monts portent les traces.
Ainsi marchait Enée, épuisé par la chasse,
Achate à ses côtés, et le regard baissé
En songeant à l'épouse aux bords de Troie laissée
Au milieu des hauts joncs et de ses pensées basses.
Ressassant sombrement quelque pensée amère,
Il errait, sérieux, commme on part en mission,
Lorsque soudain - ce fut comme une apparition -
Apparut devant lui sa magnifique mère.
Vénus, méconnaissable, était bien déguisée,
Et portant le tissus avec parcimonie
Ainsi qu'on a coutume en Lacédémonie.
Mais c'était sans compter sur les sens aiguisés
D'Enée. Quant il la vit parée en chasseresse,
Il songea tout d'abord à la soeur de Phoebus,
Puis, d'un oeil masculin, observant ses obus,
Il reconnut Vénus, la superbe déesse.
En recouvrant son sein de son voile pudique,
Avisant qu'il était mauvais pour un mortel
De goûter, jeune encore, à des délices telles,
Vénus lui décrivit le royaume punique,
En brossa à grands traits la constitution,
Indiqua, en passant, les sites touristiques,
Ainsi que sa composition géologique,
Et enfin évoqua la puissante Didon.
"Elle est, lui apprit-elle, une femme martyre,
Dont Sychée, le mari aussi riche que bon,
Fut tué un beau jour par le vil Pygmalion,
Et la veuve éplorée aussitôt dut fuir Tyr.
Son deuil avait ravi ses forces et ses espoirs,
Elle en garda pourtant suffisemment encore
Pour songer à voler à Pygmalion son or,
Avant que de s'enfuir, à la tombée du soir."
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