Menteur sans peur
"Priam, notre grand roi, ancêtre des Romains
Mais dont l'intelligence est encore à parfaire
Ordonna qu'on retire incessamment les fers
Qui de ce misérable entravaient les deux mains.
"Quisquis es, lui dit-il car sa noblesse d'âme
Transcendait les nations, les genres et les races,
Socie, renie la Grèce et accueille la grâce ;
Offre ta loyauté au peuple de Priam.
Quisquis es, pose ici tes rêves et tes rames.
Je ne sais qui tu es, mais plutôt qu'un des Autres,
Désormais, quisquis es, tu seras un des nôtres.
Offre ta loyauté au peuple de Priam.
Raconte-moi tes peurs, dévoile-moi tes drames,
Explique-moi aussi sans rien dissimuler:
Est-ce un âne, un cheval, ou un très gros mulet ?
Offre ta loyauté au peuple de Priam."
Sinon lui répondit un mensonger message :
Ce cheval, nous dit-il, par les dieux envoyé..."
Voyant Didon bâiller à gorge déployée,
Enée dut écourter quelque peu ce passage.
En voici la substance : ayant fâché Pallas
Pour lui avoir volé de délicieux enchoix,
Les Danaens perdirent une alliée de choix...
(Je vais à l'essentiel car tout cela vous lasse).
Cet immense cheval sculpté avec adresse
Dès lors manifesta par des signes précis
Que je n'ai pas le temps de dire en ce récit
Le terrible courroux de la noble déesse.
On propose aussitôt d'envoyer à la casse
L'effroyable statue, mais un autre moyen,
Celui de l'envoyer auprès des murs Troyens
Est choisi sur conseil de l'illustre Calchas.
Sinon conclut enfin: "cette statue maudite
Peut vous porter bonheur si de votre main blême
Au coeur de votre ville, Ascendisset urbem"
Puis il se tait, content, cette perfidie dite.
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