XI

12 minutes de lecture

Un mois après mes 24 ans, je réussis enfin à séduire Tone, le barman de mon bar préféré. Je caressais toujours sa peau mate comme pour m’en nourrir durant nos émois, découvrant petit à petit la personne derrière ces lunettes épaisses qui couvraient ses grands yeux bruns. Il était si doux et plein d’affection. Il amenait son petit frère Colin avec lui chaque fois qu’il venait me voir chez moi pour qu’il puisse s’amuser avec les trois Chatons qui me suivaient beaucoup moins depuis l’épisode du strip club, seul Kitty avait du mal à me laisser partir quand je lui demandais de l’espace. Il s’accrochait férocement à mon bras surtout quand il se sentait triste et cela arrivait de plus en plus souvent ces derniers temps. Il me donnait l’impression de porter le poids du monde sur ses épaules. Il s’ouvra finalement à nous un soir où Sally avait questionné Mama sur son identité de lesbienne :

- A quel âge tu as su ? lui demanda-t-elle.

- Je l’ai découvert assez tôt, en entrant au collège, répondit Mama.

- Il faut être au collège pour savoir ? Parce que moi je pense que je vais être lesbienne.

La façon dont elle avait formulé la chose nous avait fait rire. Nous la rassurâmes en lui expliquant que si c’était comme cela qu’elle se sentait, personne ne pouvait lui dire le contraire puis nous lui affirmâmes que peu importe ce qu’il se passait, nous serions là pour elle et elle nous rendit un adorable sourire pour nous remercier. Kitty parla ensuite :

- Moi aussi je… Enfin, je suis…

- Gay ? le coupa Tom. On est au courant, Chaton.

Un poids sembla se lever de ses épaules, Kitty eut les larmes qui lui montèrent aux yeux et je le pris dans mes bras pour le consoler.

- Il n’y a pas de mal à ça, tu sais.

Nous pouvions sentir que c’était dur pour lui. Il nous confia qu’il craignait la réaction de ses parents quand il leur dirait et, bien que nous lui assurâmes qu’il n’avait pas à leur dire, il tenait à le leur avouer rapidement pour ne pas avoir la sensation de mentir. Je tentai de lui remonter le moral en lui garantissant que si ses parents ne l’acceptaient pas, il pourrait venir se réfugier chez nous et cela lui arracha un sourire. Il essuya ses larmes et m’offrit un dernier câlin avant de rentrer chez lui avec sa sœur. Ce soir-là, Sally, qui n’avait pas compris que c’était un secret, déballa toute sa journée à ses parents en finissant par le coming-out de Kitty. Son père s’énerva contre lui et le frappa au visage quand il refusa de revenir sur ses mots. Le jeune ado, terrifié, courut jusque chez nous et tambourina à la porte. Je lui ouvris tandis que mon Cuple mettait la table et il me tomba dans les bras en sanglotant. Je fus pris d’une rage folle, je dus me retenir de ne pas rejeter Kitty pour aller me battre contre ses géniteur. Je n’arrivais pas à y croire. Je ne comprenais pas comment un parent pouvait renier son propre enfant si facilement, je refusais de comprendre. Mama lui donna un paquet de patates surgelées pour qu’il mette du froid sur sa joue et Alex lui raconta son coming-out désastreux pendant que nous nous mettions à table. Notre Chaton parut rassuré de pouvoir rester avec nous mais également inquiet pour sa sœur qu’il avait toujours protégée de ses parents alors le lendemain, nous contactâmes une travailleuse sociale qui était amie avec M. Rosenheim et comprit bien la nature délicate de la situation. Elle nous laissa la garde de Kitty, faisant officiellement de nous sa famille d’accueil, et promit de garder un œil sur Sally. Celle-ci n’eut plus le droit de traîner chez nous après l’école alors j’accompagnai son frère la voir durant une récréation pour la réconforter et je lui remis un collier orné d’une petite caméra de façon à ce que nous puissions récolter des preuves sur les mauvais traitements de son père. Entre temps, les parents de Gwen vinrent nous rendre une visite surprise un week-end pour s’assurer que les études de leur fils se passent bien et qu’il était bien installé dans cette nouvelle ville. Je fus étonné d’entendre sa mère lui demander s’il avait croisé des filles intéressantes alors qu’il était ouvertement gay. Mais l’était-il vraiment ? Je ne me souvenais pas avoir assisté à son coming-out et je ne pensais pas qu’il aurait gardé cette information pour lui s’il l’avait fait.

- A ce propos, commença-t-il, je sors avec Skylar maintenant. Je suis gay.

Quoi ? Il allait juste le leur annoncer comme cela ? Maintenant ? Je me figeai. Je ne savais pas comment réagir. Je scrutai les visages de ses parents pour voir ce qu’ils en pensaient et ne fus pas surpris en voyant leurs regards se décomposer. L’incompréhension se sentait dans leurs voix ; apparemment Gwen leur aurait fait croire qu’il était sorti avec une fille pour ne pas éveiller leurs soupçons et pour s’assurer qu’il pourrait continuer à me voir quand il était plus jeune, de peur qu’ils ne comprennent mal notre relation et ce fut le cas. Son père s’approcha de moi et me frappa violemment au visage, sa femme dut le retenir de ne pas aller plus loin. Il m’accusa de les avoir manipulés pour me rapprocher de leur fils et, après cette baffe qui me rendis confus, je ne trouvai pas quoi lui répondre. Gwen les fit sortir de la maison et nous les entendîmes se crier dessus pendant un moment avant qu’ils ne se calment et ne repartent. Mama posa de la glace sur ma joue et les autres me firent m’asseoir pour vérifier que j’allais bien mais ce n’était pas le cas. J’étais très attaché aux parents de Gwen ; ils avaient été plus présents pour moi que mes propres géniteurs, ils m’avaient toujours accepté dans leur famille sans jamais me juger. Ce jour-là je réalisai avec douleur que cela ne faisaient pas d’eux mes parents, ils choisiraient toujours leur fils avant tout. Après leur départ, je pleurai un moment dans les bras de mes amoureux. J’avais perdu quelque chose qui ne m’avait jamais vraiment appartenu mais cela n’en faisait pas moins mal.

Deux mois passèrent sans que rien ne change. Kitty s’inquiétait atrocement pour Sally qui vivait toujours dans l’attente de la prochaine crise de son père, nous lui avions trouvé un vieux portable qu’elle utilisait pour échanger avec son frère en secret. Ses parents tiquaient à la moindre mention de leur fils aîné mais ce n’était pas assez pour que les services sociaux réagissent. Un soir, Sally décida de jouer le tout pour le tout et d’annoncer à ses géniteurs qu’elle était lesbienne. Son père prit la mouche et tenta de la faire taire mais la petite blonde ne se laissa pas écraser, suite à quoi il retourna la table de la salle à manger. Sally courut s’enfermer dans sa chambre pour appeler son frère tandis que son père montait les escaliers pour lui << donner une leçon >>. Kitty nous prévint de suite de la situation qui s’envenimait et, fatigués d’attendre que quelque chose se passe, nous sautâmes hors de la maison pour aller chercher l’enfant avant que le pire n’arrive. Nous nous faufilâmes dans leur jardin et fîmes signe à Sally de nous envoyer une couverture puis de sauter dessus en promettant de la rattraper pendant que son père tentait de fracasser la porte de sa chambre. Elle hésita un moment, terrifiée à l’idée de devoir sauter de l’étage, puis se laissa tomber au moment où son géniteur brisait sa porte. Nous la rattrapâmes comme promis et détallâmes à toute vitesse sans laisser à ses parents le temps de nous suivre. Nous nous enfermâmes à double tour chez nous et Gwen, qui avait porté Sally jusqu’à la maison, la reposa finalement. Celle-ci s’écroula dans les bras de son frère en chuchotant << Je crois que je me suis fait pipi dessus >> et nous rîmes tous en cœur en allant lui chercher des vêtements de rechange, laissant la pression redescendre. Nana, notre travailleuse sociale, comprit notre geste et se démena pour que Sally n’ait pas à retourner chez ses géniteurs. Quelques mois plus tard, Mama adopterait les deux frère et sœur et nous deviendrions une véritable famille. Une semaine après tout cela, Kitty nous fit part de son désir de changer de garde-robe et j’en fus ravi. J’adorais les vêtements mais je m’étais lassé de ses skinny jeans délavés et de ses gilets verts et oranges, son look manquait un peu trop de style alors quand il demanda à acheter de nouvelles tenues, je fus aux anges. Nous réunîmes la Meute que nous avions fondée avec les Queenies et partîmes pour une séance shopping dans le plus grand centre commercial de la ville. En chemin, je racontai à nos plus jeunes Chatons comment Alistair, un membre des Queenies, nous avait poussé à inventer la Meute après une aggression qui lui coûta des talons tout neufs ; terrifié par les attaques queerphobes qui se multipliaient, il était rentré chez lui en tenant ses talons comme des poings américains et, quand un homme s’était un peu trop approché de lui, il lui avait planté la pointe de ses escarpins dans le torse en hurlant de terreur avant de s’enfuir. Il rentra chez lui indemnes mais nous força à tous toucher ses talons de façon à ce que, si l’on venait à trouver l’arme du crime, personne ne pourrait dire qui en fut l’auteur. C’était suite à cet incident que nous avions dit << assez >> en fondant la Meute pour nous protéger des mauvaises rencontres. Les deux amis de Kitty rièrent en entendant cette histoire mais Kitty, lui, fut touché. Il me confia même que lui aussi aimerait essayer des escarpins mais qu’il craignait trop le regard des autres. Je tentai alors de le rassurer en lui affirmant que des talons lui iraient très bien et que quiconque dirait le contraire serait durement puni. En entendant cela, l’adolescent me prit pas le bras en souriant. Je le vis flasher sur une jolie jupe rose dans le premier magasin que nous visitâmes et le forçai à l’essayer. Il fut gêné mais ses désirs dépassèrent les attentes de son père -qui, de toute façon, n’était plus là pour le juger. En voyant comme la jupe lui allait bien, je proposai un t-shirt blanc sur lequel était inscrit le mot “supercute” au petit blondinet et l’ensemble lui alla à merveille. Avec ses cheveux mi-longs, Kitty avait peur de trop ressembler à une fille mais je lui répondis simplement << En quoi c’est un problème ? >> et il réalisa que ce n’en était pas un. Après cela, il s’ouvra un peu plus à nous et demanda même à ce que je lui apprenne à se maquiller, ce que je fis avec grand plaisir. Sally, quant à elle, nous réclama une coupe de cheveux plus courte et garçonne que ses longues couettes qui la gênaient quand venait l’heure de jouer, mais elle refusa le relooking que je lui proposai pour garder ses vieux jeans troués et ses vêtements plein de terre. Une fois ses cheveux coupés à la longueur souhaitée, la petite fille nous avoua être amoureuse depuis des mois d’une fille de sa classe qui s’appelait Lily ; une petite métis à la peau mate et aux longs cheveux bruns bouclés qui portait toujours des tenues dignes d’une princesse. Nous trouvâmes le contraste entre Sally qui adorait mettre ses mains dans la terre pour jouer avec les insectes et Lily qui en avait peur mais qui la regardait quand même faire avec admiration assez marrant quand notre petit Chaton invita sa nouvelle chérie à la maison après lui avoir enfin déclaré sa flamme.

Quelques semaines plus tard, nous partions à Queerland avec nombre de queers pour le nouvel an. Graham et Vincent, les deux fidèles amis de Kitty, réclamèrent à nous suivre et nous les amenâmes donc avec nous en pensant avoir l’accord de leurs parents mais une fois sur l’île, Mama surprit Vincent au milieu d’une conversation pimentée avec ses parents et réalisa qu’il était parti sans les prévenir. Elle attrapa de suite Graham qui avoua bien vite avoir fait la même chose après que ses parents eurent refusé de le laisser venir. Ma mère adoptive passa un moment à leur remonter les bretelles et rappela leurs familles pour leur assurer qu’ils seraient sévèrement puni, ce qui lui valut de gagner l’affection de leurs géniteurs. Elle fit entre autres faire le ménage et la vaisselle du Cuple et des Queenies aux deux garçons pour veiller à ce qu’ils retiennent la leçon mais leur laissa quand même le temps de sortir explorer l’île avec Kitty et Colin qui étaient tout deux sous la responsabilité du Cuple comme Toni nous avait confié son petit frère pour l’occasion. Celui-ci se retrouva à faire la vaisselle avec ses amis quand Mama le prit à tenter de les défendre, je savais que Kitty allait donc venir se réfugier contre moi mais tentai de l’éviter en m’éclipsant pour aller vérifier que la surprise que je préparais pour les autres était bien prête. J’étais sûr de l’avoir semé dans la forêt derrière les habitations alors je continuai ma route jusqu’à l’entrée de la grotte. Je m’arrêtai un instant pour m’assurer que personne ne m’avait vu quand il me rattrapa.

- Qu’est-ce que tu fais ? me demanda-t-il.

C’était un secret, je ne pouvais pas juste lui dire. Mais maintenant qu’il avait vu la grotte, je ne pouvais pas le laisser repartir au risque qu’il prévienne les autres alors je l’invitai à entrer avec moi. Mieux valait le surprendre un peu en avance que de risquer de tout faire tomber à l’eau. Il entra en me tenant par le bras, effrayé par l’obscurité qui nous enveloppait. J’éclairai nos pieds avec la lampe de poche de mon portable et nous guidai vers une petite salle dans laquelle se trouvait le panneau d’électricité, j’allumai tout le sous-sol en pressant les interrupteurs puis nous sortîmes de la salle. J’admirai ses yeux s’écarquiller en réalisant où il se tenait. Les profondeurs sous-marines s’élançaient tout autour de nous, mon aquarium sous-terrain était un succès. Un banc de poissons traversa de l’autre côté de la vitre et Kitty s’approcha pour mieux les voir, puis s’émerveilla en remarquant que le sol était également transparent. Il passa un long moment à observer tous les poissons et les tortues qui passaient dans les profondeurs avant que je ne lui explique l’importance de tout garder secret jusqu’au lendemain pour surprendre le Cuple et nos invités, je lui proposai de le relooker pour l’occasion et il fut aux anges. Il passa le reste de la journée à sourire chaque fois que nos regards se croisaient, heureux de pouvoir partager mon secret. Je pouvais voir qu’il avait hâte d’arriver à demain. Quand le matin montra finalement du bout de son nez, Kitty et moi étions prêts ; je l’avais habillé dans un crop top moulant rose pétant et un tutu de la même couleur tandis que je portais une mini-robe rose plus claire et de jolis collants noirs. Nous réveillâmes toute l’île à coup de musique pop que nous nous trimballions sur une enceinte portable, j’allumai mon mégaphone pour inviter le petit monde à nous suivre et bientôt nous étions tous au fond de la grotte bien sombre. Certains éclairèrent leurs pieds avec leur téléphone mais personne ne comprit où l'on mettait les pieds jusqu’à ce que Kitty allume les lumière. Nous entendîmes les gens s’exclamer et crier d’émerveillement en découvrant l’aquarium ; la surprise était réussie et notre rôle prenait fin. Kitty m’avoua être un peu triste que notre secret commun se termine mais il m’affirma que ce magnifique cadeau en valait le coup, je le laissai rejoindre ses amis après lui avoir embrassé le front pour le remercier. Après cela, nous organisâmes une grande fête sur la scène qui se trouvait à l’autre bout de la forêt et j’en profitai pour voir les visages encore ébahis de mes amoureux qui se remirent à m’appeler “Daddy”. Les Queenies performèrent en drag et plusieurs petits artistes chantèrent pour nous, tout se passait à merveille. Je fus tant pris par mon Cuple et les gens qui venaient me complimenter que je ne vis pas Junior, un jeune qui avait grandi au sein de notre communauté, approcher Kitty en demandant à être son baiser de minuit pour le nouvel an. Malgré son crush assez apparent sur moi, celui-ci accepta et je fus agréablement surpris quand je les pris sur le fait une fois l’heure venue. Une fois de retour de vacances, Kitty et Junior commencèrent à sortir ensemble et je fus ravi de voir notre petit Chaton passer à autre chose.

Annotations

Vous aimez lire heskaype ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0