XIV
Quelques jours plus tard, c’était au tour d’Adrien de succomber aux effets du sevrage. Cass m’expliqua que, dans son cas, ce n’étaient pas les symptômes physiques qui le gênaient le plus mais le côté psychologique. Elle me prévint de garder mes distances pour le laisser gérer mais je refusai qu’il passe ce moment seul alors je perdis sa sœur dans les couloirs et montai trouver sa chambre à l’étage. Je me propulsai à l’intérieur à la seconde où il ouvrit de façon à ce que personne ne me voie, il me fit remarquer qu’il était interdit d’entrer dans la chambre des autres patients mais je m’en fichais. Je voulais le voir. Je lui demandai ce que je pouvais faire pour l’aider en passant une main le long de son bras pour lui montrer mon soutien et il me repoussa doucement en me disant qu’un câlin ne suffirait pas. Je détournai alors le regard vers son lit. Il comprit à quoi je pensais et m’arrêta net :
- Je ne vais pas faire ça avec toi.
- Pourquoi pas ? demandai-je.
Il soupira puis me tourna le dos.
- Je n’ai pas envie de faire ça avec quelqu’un qui ne m’aime pas, me lança-t-il. Ça n’a pas d’intérêt.
Il pensait vraiment qu’il ne m’intéressait pas. Moi qui était persuadé d’avoir rendu mon attirance pour lui apparente, soit je m’étais bien trompé soit j’avais négligé la bassesse de son estime de lui. Je le pris par le bras pour le forcer à me faire face avant de lui déclarer officiellement ma flamme. Il fut beaucoup trop étonné de quelque chose que j’avais cru paraître si évident mais je n’en fus que plus attiré par lui. Je rapprochai lentement mon visage du sien et, ne recevant aucune résistance, je l’embrassai tendrement. Nous restâmes un moment là, debout au milieu de sa minuscule chambre, collés l’un à l’autre avant de nous cacher sous ses draps. Cass parut surprise quand nous redescendîmes main dans la main quelques heures plus tard mais elle comprit vite ce qu’il s’était passé et sembla bien prendre la nouvelle.
Quatre mois passèrent dans notre petite unité de soin. Quatre mois à essayer en vain de rentrer chez moi pour retrouver mon Cuple. Cass et Adrien quittèrent l’hôpital pour retourner dans l’appartement qu’ils louaient ensemble, leur départ m’attrista mais ils promirent que je pourrais rester chez eux si je devais venir à sortir. Mon médecin tenta de mettre en place différents traitements pour m’aider à << retrouver la mémoire et guérir les délusions >> mais, sans surprise, rien ne fonctionna. On m’autorisa bientôt à sortir à mon tour et j’emménageai donc chez la petite fratrie pour éviter les trois inconnues qui se prenaient pour ma famille. Le logement de Cass et Adrien était petit par rapport à la grande maison que j’avais acheté avec mon Cuple mais il restait confortable. Le lit d’Adrien tout particulièrement me rappela les sommiers que je partageais avec mes amants, chauds et moelleux. Je m’endormis dans les bras de mon grand copain au regard tendre en me faisant la réflexion que j’étais bien chez moi contre lui. Je m’imaginais tous mes amoureux m’entourant pour me tenir chaud avant de finalement céder au sommeil.
Je repris conscience dans une chambre dans laquelle baignaient les rayons du soleil. Après avoir essayé en vain d’ignorer toute cette lumière qui rendit ma vision rouge au lieu de noire, je me décidai enfin à ouvrir les yeux et fus étonné de ne pas reconnaître la petite chambre d’Adrien ; les murs étaient beaucoup moins proches et les meubles semblaient comme neufs. Une main blanche se perdit le long de mon torse, je me retournai pour me retrouver nez à nez avec mon bien aimé Tom qui me dévorait du regard. Je poussai un long soupir de soulagement et l’embrassai avant qu’il ne puisse ouvrir la bouche. Derrière lui, Matthieu se réveillait à peine. Il se serra contre Tom et cacha son visage dans son dos, jurant contre le soleil qui l’aveuglait. Je bondis sur le lit pour arriver jusqu’à lui et l’embrassai langoureusement à son tour. J’avais réussi, j’étais revenu ! Je sortis de la chambre en courant avant que mes deux amants ne puissent échanger un mot et hurlai de joie en trouvant Gwen dans le couloir, je lui sautai dessus pour lui arracher un bisou puis me dirigeai vers Alex qui sortait de la salle de bain. Mama, alertée par tout le bruit que je faisais de si bon matin, m’appela depuis le rez-de-chaussée en réclamant des explications et je l’enlaçai en riant quand elle monta les escaliers. Tous mes amours étaient là, j’étais bien rentré ! Quand Sally et Kitty sortirent à leur tour de leur chambre, je les attrapai par la taille pour les faire tourner dans mes bras. J’étais aux anges. Personne ne manquait à l’appel et la surprise générale devant mon comportement me mena à penser que je n’avais raté aucune journée, j’étais revenu pile au moment où j’avais disparu. Je passai le temps du petit-déjeuner à raconter à mon Cuple les quatre mois que je venais de vivre loin d’eux et mes jolies rencontres.
- C’est vrai, Adrien ! m’exclamai-je. Je lui ai promis de le retrouver !
- Comment tu comptes retrouver quelqu’un que tu as rencontré dans un rêve ? me questionna Tom.
Je tentai de lui expliquer que ce n’était pas un rêve, c’était beaucoup trop réel pour être un simple rêve mais il resta sur sa position même après que j’aie trouvé un homme qui portait le même nom sur Facebook. Je désirais tant lui envoyer un message pour savoir si c’était bien lui, s’il se souvenait de moi, mais comment aborder quelqu’un que l’on a rencontré dans un monde parallèle ? Je proposai un marché à Kitty pour me défaire de ce poids :
- Si tu me trouves comment commencer la conversation avec lui pour ce soir, je te fais un bisou.
Tout le Cuple me dévisagea sans un mot avant que je ne réalise ce que je venais de dire.
- Un bisou sur la joue, hein, sur la joue, ajoutai-je.
Je sentis les regards posés sur moi se calmer, le malentendu était réglé. Kitty parut déçu mais garda sa motivation. La journée passa assez vite, je passai voir Neil après le travail pour m’assurer qu’il était bien là et lui rapporter ce qu’il m’était arrivé puis je passai voir Tone pour les mêmes raisons. Après avoir rendu visite à tout le monde, je rentrai à la maison où Kitty et ses amis m’attendaient impatiemment ; ils avaient passé la journée à réfléchir à ma proposition et avaient enfin trouvé la réponse parfaite.
- Tu peux commencer la discussion en lui disant << on ne se connait pas de quelque part ? >> sans lui préciser d’où, m’offrit le Chaton.
J’examinai son idée et décidai de l’utiliser. Pour le remercier, je le pris par la main pour le rapprocher de moi avant de le pousser en arrière puis de le rattraper dans mes bras après quoi je déposai délicatement un bisou sur sa joue. Son visage était rouge pivoine que je l’aidai à se redresser, ses amis s’étonnèrent que je lui fasse tant d’effet et j’avoue avoir été également choqué de mon pouvoir sur lui. Après cela, j’envoyai un message à Adrien et il me répondit quelques heures après en me confiant que je lui disais bien quelque chose. Après plusieurs messages d’échangés, il admit avoir fait ces rêves étranges dans lesquels j’apparaissais systématiquement quelques années plus tôt. Je fus surpris que des années soient passées pour lui mais nous échangeâmes le contenu de nos conversations de l’époque et arrivâmes à la conclusion que nos souvenirs étaient bien similaires. Je lui demandai s’il était possible de nous voir quand il m’avoua être hospitalisé pour dépression dans une ville voisine, je proposai de venir le voir et il accepta alors le week-end suivant, je lui rendis visite. Nous discutâmes toute l’après-midi. Il m’annonça que Cass était morte d’une overdose, ce qui l’avait grandement affecté et qui lui avait donné beaucoup d’idées noires qui lui valurent d’être hospitalisé pour sa sécurité. Je posai une main sur son genou pour lui montrer mon soutien et il me confia vouloir prendre son temps avec moi, notre relation n’était qu’un rêve lointain pour lui alors je compris sans mal son besoin d’y aller doucement. Nous rîmes un moment de toutes les théories tirées par les cheveux que Cass aurait inventées si elle avait été au courant des incohérences de temps auxquelles nous avions affaire. Après être allé le voir seul quelques fois, j’acceptai de lui présenter petit à petit mes autres amants en commençant par Matthieu et Alex, les plus calmes du groupe, pour ne pas le brusquer. Ceux-ci s’inquiétèrent du fait qu’Adrien vive désormais seul et proposèrent de le loger à la fin de son hospitalisation pour que nous puissions mieux l’accompagner, lui qui était encore en deuil. Je fus touché qu’ils s’intéressent autant à mon nouveau copain même si leur comportement était devenu typique du Cuple, nous qui aimons tant aider les autres. Quand celui-ci fut habitué à mes deux amants, je lui présentai Tom et Gwen et, à ma grande surprise, Tom fit preuve de beaucoup de retenue devant Adrien ; pas une seule fois il ne lui fit de demande déplacée, bien qu’il tenta évidemment de le draguer quelques fois, et il le laissa parler jeux vidéos avec Gwen sans les traiter de nerds. Neil, quant à lui, fut impressionné qu’Adrien soit allé de lui-même aux urgences en demandant à être interné pour son bien-être. Il lui parla longuement de toutes les idées noires auxquelles il avait lui-même fait face dans sa vie et je sentis un lien très fort se tisser entre eux deux tandis qu’ils échangeaient.
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