Georges
- Maman, on ne peut pas le laisser rentrer seul à pieds depuis la gare, c'est impensable !
- Madeleine on a pas le choix...la voiture a été réquisitionnée.
Je fronce les sourcils, frustrée. Georges est censé rentrer cet après midi. Une part de moi meurt d'envie de le voir, mais une autre craint ces retrouvailles. Georges à beaucoup souffert et à été grièvement blessé, au point de ne pouvoir continuer son service militaire.
- Si tu ne veux pas l'aider alors je me débrouillerai, j'irais le chercher à pieds et lui reserverais l'accueil qu'il mérite.
Je vois ma mère me lancer un regard étrange.
- Pourquoi est-ce que tu me regarde comme ça...
- Madeleine écoute, tu sais, la guerre à le pouvoir de changer les hommes.
- Qu'essaie tu de me dire au juste?
- Que le Georges que tu as connu n'est peut être pas le Georges que tu vas retrouver.
Cette idée m'est insupportable mais je sais que ce qu'elle dit est vrai.
- Il n'en reste pas moins mon frère, et j'irais le chercher à la gare.
La route à pieds jusqu'à la gare est particulièrement longue et poussiéreuse. Je marche depuis une dizaine de minutes quand une voiture s'arrête juste à côté de moi.
- Ta mère m'a dit que tu allais à la gare à pieds pour chercher Georges, j'ai pris la liberté de te rejoindre pour t'y emmener en voiture.
Je ne dis rien et m'asseois dans la voiture côté passager, pourtant la voiture n'avance pas.
- Est-ce que ça va?
Je me raidi sur mon siège et hoche la tête.
- Bon...
Le trajets en voiture me semble interminable et pourtant je sais que ce n'est pas le cas. Mais ce n'est pas le plus pénible, une fois la voiture arrêtée devant la gare, un silence monacale envahie la voiture.
- Madeleine parle moi, sil te plait. Est-ce que j'ai fais quelque chose de mal?
J'étire mon cou complètement engourdis par le stresse.
- Non, non tu n'as rien fait de mal.
Je le sens se détendre imperceptiblement à côté de moi, mais tout n'est pas terminé pour autant.
- Alors qu'est ce qui te tracasse tant?
- Ou est-ce que tout ça va nous mener Ludwig ? Qu'est-ce qui nous attends? A part la souffrance et une vie ou notre amour n'a pas sa place?
- Je t'en prie ne dis pas ça...
Je sens la douleur dans sa voix.
- Je suis désolée.
Le silence s'installe à nouveau entre nous, pesant et collant à notre peau.
De loin, depuis la voiture, nous voyons le train arriver. Je descend d'un bond et me précipite sur le quai. Il n'y a presque personne, il faut dire que cette ville est toute petite, il y a donc peu de voyageurs, surtout en ce moment.
Je le vois qui me tourne le dos, il ne m'a pas vue. Je cours à sa rencontre mais en approchant je remarque que quelque chose cloche dans sa posture.
- Georges!
Il pivote sur lui même, et au moment où il pose ses yeux sur moi je sens les larmes me monter aux yeux.
- Bon sang, j'ai tellement attendu ton retour !
Je me mets à pleurer comme une petite fille, mais Georges reste là, à me regarder sans savoir que faire. J'aimerais qu'il me prenne dans ses bras et quil me sert fort contre lui comme il avait l'habitude de le faire avant son départ. C'est alors que je remarque l'horreur: là où il devait y avoir son bras droit, il n'y a plus qu'une manche vide. Je porte la main à ma bouche pour étouffer un sanglot. Je vois sa mâchoire se crisper.
- Ou est maman?
Je laisse sa question flotter dans un malaise, sans savoir quoi répondre à ça.
- D'accord je vois...
- Il ne faut pas lui en vouloir Georges, je penses...Je penses qu'elle ne savait pas vraiment comment réagir à tout ça.
Il regarde tout autour de lui et pousse un profond soupire.
- Allons nous en.
Nous marchons vers la voiture lorsque mon frère s'arrête net, stoppé dans son élan.
- Est-ce que c'est une plaisanterie de mauvais goût ?
Il fait allusion au Commandant Ludwig qui nous attend dans la voiture. Mon coeur se brise. Je n'avais pas pensé un seul instant à ce que Georges pourrait ressentir en voyant que c'est un allemand qui lui sert de comité d'accueil.
- Non, ce n'est pas ce que tu crois je t'assure.
N'ayant rien entendu de notre échange, Ludwig sort de la voiture.
- Bonjour, vous devez être Georges! Laissez moi vous aider à porter votre bagage dans la voiture.
Georges recule lorsque Ludwig approche sa main pour saisir son sac.
- Madeleine tu viens avec moi, on rentre à pieds.
Puis il s'éloigne.
Restant seule avec Ludwig ce dernier me demande:
- Qu'est-ce que j'ai fais...?
- Nous en parlerons plus tard, merci de m'avoir emmené, mais je crois que tu vas devoir rentrer seul.
Puis je cours derrière Georges.
- On aurait pu rentrer en voiture tu sais...
- C'est ça que tu veux? Rentrer en voiture? Et bien vas y je ne te retiens pas!
Sa voix est dure, son ton cassant.
- Georges, non ce n'est pas ça. C'est que tu as fais un long voyage et tu dois être épuisé. Je trouve juste ça dommage c'est tout.
Il s'arrête et plante son regard dans le miens, il semble plein de braises.
- Tu trouves ça dommage? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi? Regarde ce que cet homme a fait, regarde ce qu'il m'a fait!
- Ce n'est pas lui qui t'a fait ça.
- C'est un des siens, ils sont tous pareils. Et je ne comprends pas que tu adresse la parole à cet homme.
- Ludwig n'est pas comme les autres...
- Ludwig ? Parce qu'en plus tu l'appelle par son prénom ? Est-ce que tu n'as aucune pitié pour ce que j'ai enduré à la guerre sans que tu rajoute cette infamie?
- J'ai beaucoup de respect pour toi et pour ce que tu as vécu, même si nous n'en avons jamais vraiment parlé. Je n'ai rien fait qui mérite ta colère mon frère, j'essaie juste de composer avec les uns et les autres, de faire en sorte que la situation soit moins pénible.
- Tu parles!
Je m'arrête de marcher tandis que lui continue d'avancer.
- Tu es injuste !
- Pense ce que tu veux de moi, ça m'est égal.
Je reste clouée sur place, choquée et lui ne fait même pas mine de se retourner.
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