Travailler
J'ai l'impression que la réponse de Ludwig est bien trop longue à arriver. J'ai beau relire inlassablement sa dernière lettre et la connaître par coeur j'ai envie de plus, de lire des mots nouveau.
Je voudrais travailler pour m'occuper l'esprit, mais travailler autrement qu'a la ferme. Même avec un bras en moins, Georges abbat un travail considerable. Il a presque retrouvé toute sa dexterité et cela nous soulage bien avec maman. Il est loin d'être un fardeau comme l'avait sous entendu le Colonel Ulrich.
- Je vois bien que tu n'es pas heureuse Mady ces derniers temps.
Engoncée dans mon fauteuil je pousse un long soupir. Mon frère et moi sommes dans la bibliothèque à lire chacun notre livre. Bien qu'il y a quelques temps ce dernier avait affirmé qu'avec une main en moins il ne pourrait plus tourner les pages, il s'en sort très bien et le plus naturellement du monde, sa soif de lecture l'ayant poussé à trouver des solutions.
- C'est difficile pour moi d'être heureuse et je me sens monstrueuse pour ça. Beaucoup ont tout perdu. C'est vrai que nous avons perdu papa, mais toi tu es toujours là, nous avons la ferme et les champs et pourtant je sens ce vide au plus profond de moi qui m'arrache les entrailles. Je n'arrive pas à occuper mon esprit...il est toujours en train de hanter mes pensées.
Je marque une pause le temps de réfléchir à la façon dont je vais bien pouvoir poser ma question.
- Qu'est-ce que tu ressentirais si je te disais que je ne veux plus travailler à la ferme?
Lorsque les mots eurent franchis mes lèvres je me rend compte que je me suis exprimée d'une manière très maladroite. Heureusement mon frère ne semble pas le moins du monde affecté et hausse les épaules tout en continuant de lire son livre, pour se donner une contenance.
- Je te répondrais qu'il n'y a rien de plus normal à ça.
-C'est vrai? Tu ne serais pas triste ou fâché?
Cette fois ci il baisse son livre sur ses genoux pour vrier ses yeux dans les miens.
- Madeleine tu n'es plus une petite fille. A un moment ou à un autre c'est normal que tu ai envie de voir autre chose que la ferme. Et en vérité je pensais que ce jour viendrait bien plus tôt, la faute en est surement à la guerre.
Je baisse les yeux et avale péniblement ma salive.
- Il n'y a pas de travail au village, je devrais surement me déplacer jusqu'en ville. Mais comment allez vous faire maman et toi? Je vais laisser un travail monstrueux derrière moi.
- Penses-tu vraiment que papa et maman ont fait des enfants pour les garder jalousement avec eux toute leur vie?
Je sais au fond de moi qu'il a raison. Pourtant j'aurais l'impression de les abandonner.
- Dans ce cas regarde les choses différemment. Dis toi que tu pourras participer à la vie de la ferme en apportant une contribution financière. Est-ce que tu imagine ce qu'on pourrait faire si on avait un peu d'argent supplémentaire? Nouvelles semails, nouveaux animaux, nouveaux outils. Bien évidemment ça prendra du temps mais quand tu y réfléchis cela pourrait nous être très profitable à maman et moi.
Puis il se lève de son fauteuil, étire son dos, m'adresse un sourire et quitte la pièce me laissant seule avec mes pensées.
J'essaie de continuer à lire comme si de rien était pourtant mon esprit tourne en boucle sur les mots de mon frère. Au moins pendant ce temps il ne pense pas à Ludwig.
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