II
Cette forteresse de détention, personne n’en avait jamais vraiment entendu parler. Les seuls ayant eu vent de rumeurs ou de réels indices n’étaient plus de ce monde. Assassinés avant de pouvoir divulguer quoi que ce soit. Le gouvernement circonscrivait les informations à la source. Les puissants faisaient taire les curieux qui s’approchaient un peu trop de la vérité.
La prison n’existait sur aucune carte, aucun papier officiel, aucun fichier informatisé. Même le Dark Web ne disposait pas de témoignages tangibles quant à son existence. Les hackers les plus célèbres ne pouvaient que subodorer sa réalité. Véritable spectre enivrant, l’établissement séduisait les chercheurs avides de vérité, suscitait envie de savoir et effroi. Le mystère était complet et les soupçons disparaissaient comme neige au soleil.
Un linceul immaculé recouvrait Tellas, une pureté en totale opposition avec la noirceur des âmes emprisonnées en son sein. Aucune réelle végétation n’arrivait à survivre dans cette froideur glaciale, seuls quelques edelweiss argentés et cuivrés résistaient. Entre les nuages duveteux, une nuée d’oiseaux sombres virevoltait. Des corbeaux noir de jais et des aigles aux rémiges monumentales se confondaient et faisaient des cercles réguliers comme s’ils composaient une danse macabre.
En dessous, un vrombissement sourd annonça l’arrivée d’un car aux vitres teintées. Les roues tout terrain aux enjoliveurs mats fouettaient l’asphalte. Aucune plaque d’immatriculation, aucun papier d’assurance. Le conducteur à la coupe militaire et aux lunettes noires regardait devant lui tel un automate réalisant une tâche intégrée dans son système. Un silence de plomb suivait les claquements du moteur.
Les Services secrets œuvraient dans l’ombre depuis des temps immémoriaux. Ils roulaient dans des véhicules fantômes que personne ne pouvait identifier. Ils effaçaient toute trace de leur passage. La majorité du temps de manière peu orthodoxe, au détriment de la morale. Le car inidentifiable ressemblait à la voiture-balai dans les grandes courses cyclistes, ramassant les retardataires. Sauf que là, il moissonnait les déséquilibrés, les mauvaises herbes.
Annotations