XVII
Un doux baiser. Ne me faites pas rire, vous commencez à connaître Cordelia : elle croqua dans la lèvre inférieure de Glenn. Une telle haine dans son expression, comme si cette morsure dépendait de sa vie, elle s’y accrochait comme une furie poursuivant une âme à torturer.
Le Roi tenta de s’en défaire, mais Cordelia, à la seule force de sa fureur et de ses dents, mit Glenn à terre en gémissant d’un effort extrême pour prendre l’ascendant sur son mari. Elle enjamba son corps, lâchant enfin sa prise, la bouche peinte en rouge.
Glenn lui aussi avait du sang sur les lèvres. Un petit filet vermeil s’en allait de sa plaie lentement rejoindre le sol.
« Cela me rappelle notre première fois, petite fille. »
Elle porta ses mains crochues au cou de son mari, désireuse de lui ôter son sourire et les souvenirs de cette petite ruelle humide qui affluaient violemment dans sa mémoire. Elle n’aspirait qu’à le briser tout entier. Ses mains serraient de plus en plus, marquant la chair d’un violet profond. Glenn commença à montrer des signes de détresse, ses yeux voulant sortir de leur orbite, sa bouche maculée de sang et d’écume et son corps en panique convulsant, privé d’air.
Meurs ! Meurs ! Meurs !
Ce simple mot assiégeait l’esprit de la Reine meurtrière. Mais Glenn finit par la propulser loin de lui. Elle s’écrasa contre un des murs sale de sa prison, puis tomba inerte. Le peu de sang qu’elle avait volé à son mari lui avait procuré juste assez de forces pour l’étrangler et échouer. Cordelia demeurait maintenant vidée de ses forces, laissée seule agonisante par terre, à côté d’une petite flaque de sang qu’elle n’avait pas le courage de boire.
Leur magnifique danse macabre se perpétue de page en page, incessante, massacrante. Mais le temps est venu, je dois t’annoncer que la fin est proche. Cette petite chose que tu lis va enfin prendre fin, mais pour l’instant, mon interrogation tient toujours : lequel des deux veux-tu voir remporter la victoire ? Qui achèvera l’autre dans cette danse macabre un peu trop vivante à mon goût, bientôt tu le sauras. Mon très cher lecteur, je vais devoir m’éclipser pour les laisser profiter de la fin. Comme tu vas me manquer. Il me tarde que tu découvres le vainqueur et que tu saches enfin ce qu’il se passe. Profite de la ballade.
***
Le courant qui passait, aux pieds du malin,
N’ayant trop de bonté pour sa petitesse feinte,
Créant le désir de mort, ravalant sa faim,
Le mal ne peut se noyer, l’eau tellement sainte,
Les torrents qui nichent aux creux des yeux vides,
Cadavres flottant gueules ouvertes et putrides,
Tout au long d’une onde couverte d’histoire,
Se tarissant, impure par le corps sans gloire,
Pattes de bouc écrasant les restes malsains,
Entré maintenant le courant s’en échappe,
Reste le fulgurant massacre séché d’entrain,
Seule la chair et le malin, pas même une carpe.
Là-bas une magnifique femme riait
Du bouc, infidèle à l’eau qu’elle offrait charnelle,
Folie de ses jambes brûlées, acte mauvais,
Les vers dégustaient la fleur, douce criminelle,
Pénétrant dans l’intimité de la fleur belle,
Deux gros pétales, gonflés et rougis, belles mamelles
Qui odoraient le fleuve, manque d’humiliations,
La femme crochue, pourrissante malédiction,
Quand sa tête décrocha, courut vers le bouc,
Entourés de mortalité, plaisante vie,
Leurs pas vicieux qui suivaient, hachant les ploucs,
Ensemble funeste qui amusait la Marie.
Les deux seins décharnés expulsaient un sombre
Liquide, le lit sec du fleuve mortuaire,
Se remplissait, austère sécrétion d’ombres,
La femme ouvrit les os, de la mer rouge vulgaire,
Le Ciel tonnait, abominant l’adversaire,
Impuretés de la mère, les yeux flottant,
Cheminement du corps, délicieux amants,
Le courroux frappa alors vers l’onde du vice,
Chassant l’âme morte, le breuvage écarlate,
Vociférant de douloureuses cicatrices,
Femme apposant son vilain baiser sur sa patte.
Le couple maudit enlacé, la bête perfide,
Dévorant la femme riante, crocs dans le bide,
La vierge sur la rive, soumise au sort,
Consumée par le feu, la rancœur acide,
Le courant rejeté, alors lavé des corps,
L’abomination, en rien n’était candide.
Au revoir, je reviendrai bientôt. Amuse-toi bien mon mignon lecteur.
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