Xi'An
Accueillis sur les coups de midi par une charmante et vigoureuse jeune femme, nous ne perdions pas de temps et nous engagions dans le vif du sujet.
La guide se plia en quatre pour nous fournir des paniers repas, oubliés par la compagnie à bord du train, puis elle nous mena en direction du mausolée de l’Empereur Qin, symbole de la toute-puissance de la capitale historique, qui abrite plus de trois mille ans de vestiges.
Il est fou de penser qu’un seul être ait pu réunir autant de richesses autour du même sol.
L’un des membres de notre groupe, un Français d’origine Finlandaise, soupçonnait le monument de n’avoir été qu’une œuvre maoïste visant à redoubler le moral des pauvres travailleurs par le biais d’une fierté culturelle. Ceci s’expliquerait selon certains matériaux retrouvés, postérieurs à l’époque dite du monument.
Malgré tout, à l’instar des chambres funéraires des pyramides d’Egypte, je persiste à croire que ce mausolée est un bijou de création humaine qui a traversé les âges. Plus que les hommes, les chevaux bénéficiaient eux-aussi d’une précision inégalée.
Les fouilles occupaient plusieurs terrains immenses et pas encore complétés à l’heure actuelle. Certaines zones ne nous étaient pas autorisées.
De retour en centre-ville, Ma, la guide, nous emmena jusqu’à l’enceinte de l’ancienne capitale et ses sublimes portes, dont certaines ont disparu. Les énormes entrées des cités antiques chinoises, que l’on retrouve également en Corée (comme Dongdaemun, la Porte de l’Est) m’impressionnent par leur caractère imposant et la régularité de leurs traits.
Certaines choses restent étonnantes, peu importe le temps qu’on a passé dans un pays. Aussi, lorsqu’au détour d’une rue de Xi’An, notre bus croisa la route de coiffeurs ambulants, qui jouaient du ciseau en plein milieu du trottoir, je ne pus qu’esquisser un sourire en songeant à un même scénario en France, sur l’avenue des Champs-Elysées. Les grands couturiers remplacés par des Frank Provost en herbe.
La ville de Xi’An est connue, et c’est d’ailleurs le symbole de la Chine même, comme le temple du jade. On le sculpte, le cisaille et le polit. Les spécialités chinoises sautèrent aux yeux des familles ébahies. Ma mère, ensorcelée, ne m’attendit même pas pour négocier le prix d’un bouddha bedonnant, parfait pour sa table basse. La guide était appelée par monts et par vaux, ainsi je me chargeai de l’interprétation. Je ne sais pas si elle s’en est tirée à bon compte mais la pièce trône toujours dans le salon, accompagnée de sa tortue porte-bonheur.
Le voyage se poursuivit dans l’une des nombreuses pagodes chinoises, majestueuse, solide au centre d’un jardin apaisant, la pagode de l’Oie Sauvage. La tour, aux multiples segments pour conjurer les esprits, surplombait un vaste terrain construit pour et autour d’elle. Les préparations du Nouvel An se multipliaient au gré de nos visites, et l’excursion se termina par un cours de calligraphie.
Je n’ai jamais été très doué avec un pinceau, que ce soit pour dessiner ou écrire. Si vous lisez ceci sur un livre imprimé, estimez-vous heureux(se) qu’il ne s’agisse pas de mon manuscrit. Les caractères chinois, tout comme ceux latins, n’ont jamais été mon point fort, aussi pour les devoirs de l’université, j’utilisais des feuilles spéciales munies de cases à la place des lignes.
Ici, face à la fine feuille de papier de riz, armé de mon encre indélébile, pas le droit à l’erreur. Le professeur nous conta d’abord l’histoire de la calligraphie et des sinogrammes à travers de simples schémas. Il décrivit comment un seul arbre avait pu donner le mot senlin (森林) pour « forêt », plein d’arbres superposés.
Ensuite, place aux travaux manuels pour les novices que nous étions. Première étape : son propre pays. Par chance, Faguo (法国) n’est pas le plus compliqué à écrire. Ça n’aurait pas été pareil pour Pablo et sa Colombie (哥伦比亚, Gelunbiya). La loi (Fa) et le pays (Guo) bien en place sur notre support, le professeur nous enseigna le plus important des caractères, indispensable en ce début de Nouvel An : Fu (福), la fameuse chance. Un peu plus technique mais assimilable après quelques coups.
Notre œuvre d’art ainsi terminée, il aurait été dommage de partir sans signer. Chacun de nous, affublé de son petit nom chinois (leur nom français en version chinoise, dans le cas de mes parents), signa d’un coup de maître.
À la sortie, un perroquet, entrainé pour parler plusieurs langues, nous salua pour conclure cette admirable journée.
Avant de quitter Xi’An, il était impensable pour nous de ne pas goûter la seconde spécialité de la ville, et non des moindres : les raviolis. Des grands, des petits, des ronds, des ovales, cornées ou lisses, les meilleurs raviolis demeurent dans cette forteresse millénaire.
Pour l’heure, le train pour Zhengzhou nous appelle et nous devons quitter Ma, non sans un regret pour ses excellentes compétences de guide.
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