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III
Entendez-vous les rires fantômes d’un passé brisé ?
Quand le monde s’anuit
Le temps s’enfuit
Et on s’effondre comme des poupées cassées.
Ils avancent sans but comme des jouets cassés, la mélodie coupée, le cœur arrêté, et ne vivent que pour se battre avec les Tourmenteurs, que pour dévorer les survivants. D’une cruelle conception, où les souvenirs les hantent sans cesse, les Dévorés nagent dans le désespoir, ou peut-être l’espoir, qu’un jour ils disparaîtront.
Les têtes pendent, certaines roulent à leurs pieds, d’autres s'écrasent plus bas. Ambre danse entre les Dévorés, les lames bougent rapidement et s'enfoncent avec violence. Les Dévorés n’éprouvant aucune peur se pressent, hurlent et pleurent. La jeune femme se faufile. Des mains moisies se détachent des corps, des organes noircis jaillissent, un torrent de sang forme doucement une marre. Une étrange substance, que Ambre reconnaît comme un virus mortel créé par l’homme, est en train de répandre et dévore chaque corps effondré. Leur sourire face à la mort est perturbant, pensa la femme en se précipitant vers les portes de la ville, ses enemis sur ses talons, plaidant presque d’achever leurs existences.
Les Dévorés ne sont que des humains affectés dont on leur a retiré la possibilité de mourir naturellement, paralysés par un virus, possédant un désir impénétrable de chasser l’humain. Parfois, ils deviennent malades, et comme par magie le reste du clan les évite, les condamne à errer jusqu’à ce que quelqu’un les achève. Cela les révulse de voir l’un des leurs malade. D’autres gardent la possibilité de parler, toutefois on ne comprend quasiment rien à leurs jérémiades.
Au détour d’une ancienne aire de repos, Ambre a trouvé refuge dans une ancienne station de service infesté de Dévorés. Tous malades. Qui se dévorent entre eux. Au fil des années, elle a entendu plusieurs personnes dire que ces êtres, que leur humanité leur a enlevés de force, ne souhaitant qu’une seule chose. Crever. Ils y parviendront par tous les moyens possible, même si cela signifie chasser les derniers humains. La jeune femme a décidé d’abattre à coup de fusil chacun d’entre eux après les avoir attiré à l’extérieur jusqu’à sous un soleil brûlant, ils ont été réduit en cendre. Dans les affaires délaissées, elle a eu la surprise de tomber sur un carnet. Le journal d’une survivante qui raconte de son point de vue la fin du monde, sans réellement parler de détails importants qui lui manquent, et des créatures qui naissent peu à peu pour donner de réels prédateurs à l’humain.
Les Écraseurs sont d’immenses oiseaux qui ont muté. Ils se nourrissent de tout : Tourmenteurs, Dévorés, Dépravés. Ils prennent plaisir à chasser l’humain comme s’ils gardent le souvenir qu’auparavant les oiseaux étaient tués à coup de flèche ou d’armes à feu. La nature est certes belle mais elle est également cruelle. Est-ce une vengeance d’un passé pas si lointain ou plutôt un amusement pur ? Les Écraseurs sont dotés d'intelligence, similaire à celle des humains, ce qui rend les choses plus compliquées. Ambre s’en fiche complètement, tout ce qui lui importe est d’anéantir l’ennemi.
Paris se tient dans la pénombre comme un halo de lumière. Maison de naissance de toutes ces créatures, l’ancienne capitale possède tous les secrets.
« Oh, voilà bien longtemps qu’une âme courageuse n’est pas venue ici ! s’exclame une voix joyeuse féminine, sortant Ambre de ses pensées.
— Q… »
Elle se tut, les yeux écarquillés. Une silhouette féminine se tient sous un lampadaire encore en fonction dont la lumière cligne toutes les cinq secondes. En se rapprochant, Ambre distingue un visage étrange : des orbites vides soutenant son regard, une peau hâve, du sang sec qui orne ses joues. La femme possède une corde autour de son cou, là où on peut apercevoir les marques de sa mort. Dans ses mains tordues et moisies se tiennent une paire d’yeux. Une vision d’horreur s’offre ainsi à la jeune femme.
« Tu ferais un bon repas, chuchote la Dépravée comme si c’était un secret.
— Tu.. Tu parles, bredouille Ambre, pétrifiée de terreur.
— Oh oui, je comprends ta réaction. Enfin, peu d’entre nous parlent aujourd’hui. Alors, que viens-tu chercher ?
— Pourquoi est-ce que cela t’intéresse ? siffle son interlocutrice, dégainant son couteau sous le regard amusé de l’autre.
— Hi, hi, hi, hi… glousse la femme pendue avant de reprendre sur un ton amusé, je pourrais simplement te tuer. »
Ambre hausse un sourcil, nullement impressionnée. Elle se glisse vers la créature, serrant fermement le manche de sa dague. La Dépravée se met à crier comme une banshee en se précipitant vers elle. La jeune femme roule au sol, évitant de justesse l’attaque. Elle jaillit dans le dos de son ennemi et plante son arme dans le dos. Un hurlement retentit. Ambre sait à ce moment-là qu’elle doit rapidement en finir avant que les renforts ne débarquent bien que les Dépravés ne se déplacent jamais en meute.
« Tu ne sortiras jamais d’ici vivante !
— J’en ai rien à branler de tes avertissements, vieille folle ! »
Ambre dégaine son arme à feu, retire la sécurité et tire. La balle fuse et se loge dans le crâne dans la Dépravée, celle-ci s’arrête net. La tête explose, éclaboussant alors la jeune survivante. Le cadavre s’effondre, pourrissant instantanément. Dévalant les marches d’une station de métro, elle se glisse dans l’obscurité, ignorant les cris glaçants, et court vers un wagon où elle s’y enferme. Activant un vieux levier, le véhicule se met à avancer doucement pendant quelques mètres, avant de prendre de la vitesse. De là, elle tombe à genoux, soufflant. À l’aide d’un vieux tee-shirt, Ambre nettoie son visage ainsi que son haut. Les tunnels s’allument brusquement à l’approche d’une station où la jeune femme découvrit avec la vie. Des humains, emmitouflés dans des vêtements sombres, vivent sur les quais. Toutefois, elle n’a pas le temps d’observer la scène surréaliste que le wagon est propulsé plus loin dans le tunnel.
Un frisson parcourut son échine. Se détournant de la fenêtre, elle se retourne lentement vers le fond de l’engin. Des humains, semble-t-il, l’observent. Des cheveux gras couvrent leur crâne, leurs dents noircies et jaunies lui donnent la nausée, et leur regard fou la terrifie. Quelque chose attire immédiatement son attention. Ils sont tous amassés au sol, attachés les uns aux autres par de vieilles chaînes. Debout derrière eux se trouvent d’autres êtres humains, beaucoup plus propres et plus imposants. Leur beauté les distingue aisément des rats à leurs pieds.
« Une étrangère sur notre territoire, hein, ricane un homme possédant de longs cheveux attachés en queue de cheval.
— Territoire ? bégaye Ambre, surprise, je croyais que Paris n’était pas habité.
— Paris ? se moque une femme, ses yeux verdoyants rivaient sur son corps, nous n’appelons guère l’ancienne capitale « Paris ».
— Ah ces provinciaux… »
Une fléchette est lancée. Elle se plante dans le cou de l’étrangère qui s'effondre à genoux, un liquide inconnu se répandant dans son corps. Le décor s’efface tout comme les sons. Ambre ferme les yeux, forcée de dormir.
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