Saint Louis, le samedi 25 juillet 2020
Léa retira son crumble aux fruits rouges du four. Elle contempla son œuvre avec une réelle satisfaction. Ce coup-ci, c’était parfait, elle n’avait pas encore fait mieux. Elle déposa fièrement son dessert au centre de la table, sous les ovations de Aurélie et de son copain Charly, et de Romain. Elle détecta un rictus évocateur sur le visage de Kevin. L’angoisse lui effaça son sourire.
— Qu’est-ce qu’il va encore trouver à redire ? Je me suis pourtant donné du mal.
Elle rejoignit sa place à côté de Kevin. Il était figé. Ce repas allait donc se terminer aussi péniblement qu’il avait commencé. Il n’avait pas arrêté de critiquer chacun de ses plats. Formulant toujours une remarque désobligeante que ce soit, sur la présentation ou le goût ou toute autre raison. Elle était d’autant plus désorientée que lorsqu’ils avaient invité ses deux copains, il n’avait pas tari d’éloges sur sa cuisine. Elle parcourut la table, cherchant encore quelques imperfections dans sa décoration. Elle s’était donnée plus de peine que pour les deux amis de Kevin.
Malgré les compliments de ses amis, une sourde angoisse lui étreignait le cœur. Depuis qu’elle avait rencontré Kevin, ses certitudes semblaient l’abandonner. Elle perdait même le goût pour le dessin qui, pourtant, lui apportait tellement de satisfactions.
— Je coupe ? demanda Romain en se levant.
Elle se secoua et reprit un sourire de façade. Elle remarqua un bref instant le regard fixe que lui porta Aurélie. Kevin n’avait toujours pas desserré les dents.
— Waouh ! ça a l’air très bon, commenta Romain en distribuant les parts.
Kevin reposa son assiette.
— C’est vrai, c’est pourtant rare que tu réussisses quelque chose, ma chérie.
L’enthousiasme retomba de nouveau. Ce repas se révélait décidément chaotique. Cette fois, Léa ne put échapper au regard appuyé d’Aurélie. Elle baissa les yeux.
— Même ses dessins, j’avoue que je n’ai pas encore vu grand-chose, continuait Kevin.
Romain protesta, assurant que lui avait vu de belles choses.
— Bien évidemment ! plaqua Aurélie en fixant Kevin droit dans les yeux.
Le dessert s’écourta. Léa se leva pour débarrasser. Aurélie se leva également.
— Je vais t’aider.
Elle l’accompagna jusqu’au comptoir. Elle tourna le dos à la table et Léa la vit lui faire des signes explicites.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
Léa haussa les épaules.
— Au fait ! j’ai quelque chose à te montrer, reprit Aurélie avec un air faussement enjoué. C’est dans mon sac à main. Il est dans la chambre, je crois, viens.
Elle se dirigea vers l’autre pièce. Léa hésita et se décida à la suivre. Elle remarqua le regard inquisiteur de Kevin qui la suivit des yeux. Aurélie se plaça hors de vue du salon le dos au mur. Elle poussa la porte derrière Léa.
— Mais qu’est-ce que tu fous avec ce mec ? murmura-t-elle. T’as vu comme il te traite ?
Léa se sentit perdre pied. Elle ne savait plus quoi penser. Aurélie était plus qu’une amie pour elle, une sœur authentique qui incarnait toute l’affection familiale dont elle avait été privée.
— Tu sais, il n’est pas comme ça d’habitude. Je ne sais pas…
— Il a du charme, c’est un beau gosse, mais quand même, tu es sûre de toi ?
Léa avait de plus en plus de mal à gérer l’angoisse qui l’étreignait.
— Il faut qu’on revienne sinon…
— Sinon quoi ?
Elle s’enfuit presque devant le regard dépité de son amie.
Le repas se termina avec le traditionnel café. Elle fut navrée de constater que contrairement à leur habitude, ses amis ne s’attardèrent pas. Romain se leva le premier, suivi par Charly. Les embrassades furent brèves. Aurélie s’attarda, entraînant Chloé un peu à l’écart sur le palier.
— Tu me téléphones, promis hein ? lui murmura-t-elle pendant qu’elle l’embrassait.
Léa ferma la porte et se dirigea vers l’évier pour faire la vaisselle. Un lourd silence planait dans la pièce. Elle sentait dans son dos, tout le poids du regard de Kevin. Il apporta les tasses de café.
— Bon ça s’est bien passé, hein ?
Cette remarque en apparence ordinaire, mais en complet contraste avec ses émotions, la troubla profondément. Elle resta concentrée sur le lavage des assiettes. Il lui prit les épaules et la tourna vers lui, lentement.
— Tu sais que je t’aime, hein ?
Son sourire irrésistible lui procura une bouffée de chaleur au cœur. Il l’embrassa avec une tendre passion. Son angoisse et ses doutes se diluèrent. Il la serra contre lui.
— J’ai besoin de toi, je ne me sens pas vivre si tu n’es pas là, lui murmura-t-il.
Elle l’enserra à son tour. Il s’écarta.
— Attends, je vais t’aider.
Il entreprit d’essuyer la vaisselle déposée à côté. Léa sourit, l’anxiété s’éloigna enfin. La dernière tasse à café rangée, Kevin la prit par la main et l’entraîna vers la chambre. Il commença à l’embrasser sur le cou avec de douces caresses. Elle abaissa toutes ses défenses et se laissa faire. Il la déshabilla minutieusement et l’amena doucement vers le lit. Il enflamma tous ses sens, et elle le désirait de tout son être, se laissant emporter, corps et âme.
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