TYRANNIE DE L'INSPIRATION, OU, DE LA CRUAUTÉ DES MUSES
Comme je le comprends,
Et comme je le plains,
Ce malheureux écrivain,
Qui s'acharne, mais en vain,
Car rien ne lui vient.
Exilé au désert de la page maudite,
Où il fait tellement chaud,
Que la moindre pensée s'embrase,
La fièvre a desséché sa plume,
Le laissant seul, désemparé,
Dans le chaos inavouable,
De ses indescriptibles pensées,
Livré à la folle vindicte,
De sa perverse muse,
Qui de lui use et abuse,
Et de son désarroi s'amuse.
La muse, poison dégoulinant,
Inspiration au noir,
Sème les ruines et embûches,
De son improbable histoire.
Elle tournoie entre les pierres,
En une nuptiale parade,
Ensorcelante et cruelle,
Elle virevolte et le harcelle.
D'une main de fer, elle jette à terre,
D'un geste plein de colère,
Son esclave, dévoué mais rebelle.
Ils s'affrontent sauvagement,
En un combat de violence liquide,
Où l'encre se fait chair et sang.
Elle esquive, se disperse,
Et s'écoule, obscure, fluide,
Suivant le lit de son destin.
Devra-t-il, de son mouchoir,
Recueillir cette sombre semence,
Pour désaltérer son esprit,
Misérable, assoiffé de mots.
Survivra-t-il aux Idéaphages,*
Affreuses créatures qui le persécutent,
Vampires aux formes mouvantes,
Lui dévorant la moelle de l'esprit ?
Mais la libellule lui montre le chemin,
Qui le ramènera au cerf, son totem fécond,
Lui restituant sa vraie nature
D'incorrigible créateur d'univers.
03 février 2014
*Idéaphages: créatures issues de l'esprit de mon ami Djedge, se nourrissant de nos idées et nous abandonnant tels des coquilles vides. Ils sont le pire ennemi des créateurs...
Mazaria
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