Intimidation
Toulouse, Campus de l’université Paul Sabatier
Youri Mentov resta un moment à déambuler entre les bâtiments à la recherche de la personne qu’on lui avait désignée. Bien qu’âgé de presque trente ans, il avait conservé une allure négligée qui lui permettait de passer inaperçu parmi les étudiants et les jeunes enseignants. Officiellement, il était inscrit à l’université Toulouse I, dans le département des activités physiques et sportives, ce qui convenait bien à sa morphologie et à son goût pour les sports de combat extrêmes. Il repéra sa cible à proximité du resto U et s’approcha nonchalamment.
Yassine Kateb était étudiant lui aussi, inscrit en faculté de sciences, mais il fréquentait peu les amphis, préférant consacrer son temps à ses clients et à son réseau. Il était l’un des principaux pourvoyeurs de stupéfiants sur le campus, irrigant les différents établissements au travers d’un réseau capillaire particulièrement diffus. Yassine ne connaissait pas les pontes du trafic, son seul contact se faisant au travers de Kamel Soukhane. Il passait ses commandes par SMS sur des mobiles intraçables dont les numéros changeaient régulièrement et recevait la marchandise dans des points relais peu regardants. Les revenus des ventes remontaient par le même canal. Le business était profitable, la demande étant forte pour les substances euphorisantes à longueur d’année et, dans les périodes d’examens, pour le speed et autres benzédrines.
Lorsque Mentov se dirigea vers lui, Kateb ne se méfia pas du grand gaillard blond, qui ressemblait à n’importe lequel de ses clients habituels. Les deux jeunes gens s’éloignèrent un peu de l’allée principale pour discuter. Dès qu’ils furent à l’abri des regards, Youri frappa violement le dealer dans l’estomac.
« J’ai un message tout simple à te transmettre. Désormais tu t’approvisionnes chez nous ou tu risques de ne pas voir les partiels. C’est clair ? On ne veut plus des produits des rebeux à Paul Sabatier. Tu peux faire remonter le message à ton patron. Je repasserai bientôt pour prendre tes commandes. »
Le grand blond s’éloigna comme il était arrivé, sans se presser, se dirigeant vers la station du téléphérique. Resté seul, courbé en deux, le dos appuyé au mur, Yassine reprit lentement son souffle. Il n’était pas question pour lui de changer d’allégeance, au risque de se retrouver à dériver dans le canal. Il sortit son portable et rédigea un SMS laconique à destination de Soukhane.
Une heure plus tard, une Dacia Duster noire s’arrêtait sur le parking du MacDo. Yassine jeta le reste de son coca et monta dans la voiture qui redémarra aussitôt.
« Qu’est-ce qui se passe ? demanda Kamel.
— Un mec m’a agressé sur le campus. Il m’a menacé et veut m’obliger à travailler pour lui.
— Il ressemble à quoi cet enfoiré ?
— À un étudiant, grand, blond. Il avait un peu d’accent, peut-être d’Europe de l’Est. Il faut me protéger, je n’ai pas envie de me faire péter la gueule encore une fois.
— Calme toi, on ne va pas leur laisser le marché comme ça, sur une simple intimidation. On va t’envoyer du monde.
— Il a dit qu’il reviendrait pour prendre ma commande.
— On sera là et on le cuisinera un peu pour savoir qui veut prendre notre place.
— Kamel, j'ai les foies.
— C’est un peu tard pour avoir des états d’âme, répondit Soukhane. Tu sais bien que si le business rapporte autant, c’est qu’il y a quelques contreparties. Fais passer le mot à ton équipe, que les gars te préviennent s’ils remarquent ce gars rôder sur leur territoire. De mon côté je vais faire le nécessaire pour sécuriser la zone.
— OK, je vais les prévenir.
— Et va te reposer un peu, t'as une gueule de cadavre.
— Il m'a salement cogné !
— Je te recontacte demain. Tu veux que je te dépose quelque part ? »
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