L'attaque
Amposta, Catalogne
Un peu après deux heures du matin, Samir reçut un appel de Driss. Le conducteur de la Peugeot était en place.
« Tu prendras la sortie 41, vers Amposta. Au premier rond-point, tu tournes sur le chemin vers la vieille tour. Le parking est désert. Tu ne verras pas notre voiture, elle est cachée. Ralentis et signale bien que tu quittes l’autoroute, ce serait con que tes suiveurs manquent la bretelle !
— Je te remercie pour ton humour, répondit le conducteur du camion, on arrive dans une dizaine de minutes selon le GPS. Kais, préviens les gars à l’arrière ! »
Les trois hommes dans la caisse s’étirèrent de leur mieux, engourdis après quatre heures passées assis sur des cartons au fond du camion. Samir ralentit et anticipa son changement de direction trois cents mètres avant l’embranchement. C’est la Clio de Leonid et Ramon qui détecta le signal.
« Ils vont quitter l’autoroute, annonça Leonid, sortie vers Amposta.
— Bien reçu répondit Igor, on est juste derrière vous, ne les perd pas de vue.
— On arrive à un rond-point, je crois qu’ils vont s’arrêter.
— Après quatre heures de route, c’est normal.
— Il n’y a rien ici, reprit Leonid, je pensais qu’ils se seraient arrêtés à une station-service.
— Ils ne prennent pas de risque. Il y a souvent des douaniers sur cette autoroute. Tant mieux pour nous, ce sera plus facile s’il n’y a personne, conclut Igor. »
Samir stoppa le fourgon de façon à pouvoir repartir rapidement si nécessaire. Kais lui tendit un automatique. Il vérifia le chargeur et fit monter une balle dans la chambre avant de descendre du véhicule pour aller vers l’édicule des toilettes. Il repéra les phares de deux véhicules qui s’engageaient sur la sortie de l’autoroute à faible vitesse. Il siffla dans ses doigts. Kais se glissa hors de la cabine et frappa sur la cloison du camion. Il passa sur l’arrière et déverrouilla les portes. Les hommes à l’intérieur se rapprochèrent du seuil, prêts à l’action. Il avait à peine terminé que les phares de la Clio furent sur lui. La Renault stoppa à cinq mètres du fourgon, la Mercedes de Maxim une vingtaine de mètres plus loin.
La suite ne dura que quelques secondes. Lorsque Ramon sortit de la voiture une arme à la main, il fut immédiatement abattu de trois balles venues de sa droite. Kais se retourna et tira une rafale dans les phares de la Clio et dégagea l’espace comme les portes du fourgon s’ouvraient brutalement. Un tir venu de l’utilitaire fit éclater le pare-brise et le chauffeur s’écroula sur son volant. Dans la Mercedes, Maxim accéléra brutalement pour essayer de fuir l’embuscade. Une volée de balles tirées par Driss frappa le côté gauche de la berline qui fit une embardée avant de s’arrêter dans un fossé à la lisière du parking. Driss et Luis se rapprochèrent l’arme au poing. La portière arrière s’ouvrit et une femme sortit avant de partir en courant. Elle fut stoppée au bout de quelques mètres par une rafale d’Uzi. Sur le siège passager, un homme essayait de se dégager de l’airbag. Quand il tourna la tête sur sa droite pour ouvrir la portière, il vit le canon d’une arme de gros calibre pointé dans sa direction. Igor leva les mains en signe de reddition et descendit lentement de la voiture. Le bilan était désastreux. Maxim avait pris une balle en pleine tête, Marcia avait sans doute été touchée et les deux hommes dans la Clio étaient eux aussi hors de combat.
Samir lança quelques instructions en arabe. Un homme s’éloigna en direction du corps de Marcia, allongé sur le talus. Il cria quelques mots à l’intention de son chef.
« Ramenez-la ici, commanda Samir. »
Du côté de la Clio, la réponse fut laconique.
« Morts, tous les deux, confirma Kais. »
Samir s’adressa à Igor, sous la surveillance d’un homme armé.
« Tu parles espagnol ? »
Igor fit un signe de négation de la tête.
« Russe ? fit Samir dans un français hésitant. Qu’est-ce que vous nous voulez ? »
Igor ne répondit rien. Samir regarda Driss et Luis qui ramenaient la jeune femme ensanglantée. Igor détourna le regard. Il avait passé une nuit torride avec Marcia et c’était peut-être la dernière de sa courte vie. Heureusement, Driss avait tiré pour la stopper, pas pour la tuer. Elle avait reçu une balle dans la cuisse gauche, une autre au niveau de la hanche droite. Le sang coulait abondamment de ses blessures.
« Kais, regarde si on a de quoi la soigner ! demanda Samir.
— Dans le coffre de la Mercedes, il y a une trousse de secours, dit Igor en français. »
Samir fit un signe de tête et Kais revint avec un étui rouge.
« Je peux le faire, dit Igor, j’ai été soldat, j’ai appris ça.
— Kais, fouille-le d’abord et laisse-le opérer. »
Igor se laissa palper et Kais trouva son couteau de commando, attaché à sa jambe droite. Il le tendit à son chef.
« Un professionnel, apprécia Samir. Vas-y, fais ce qu’il faut. »
Driss et Luis avaient allongé le corps de la jeune espagnole sur le plancher du camion. Igor demanda l’autorisation de découper le jean de Marcia. Samir lui tendit le couteau, tandis que deux hommes gardaient leurs armes pointées sur lui. La blessée reprenait conscience, gémissant de douleur et prononçant des phrases incompréhensibles. La blessure à la hanche était superficielle, la balle n’ayant fait qu’effleurer la chair. La plaie à la cuisse était plus profonde, mais par chance, l’artère fémorale n’avait pas été touchée. Igor ouvrit plusieurs étuis de lingettes désinfectantes pour nettoyer les zones touchées avant de réaliser un bandage compressif sur la cuisse et de poser un pansement adhésif à la hanche.
« Qu’est-ce qu’on va faire d’eux ? demanda Kais.
— Tu vas aller avec Luis la déposer à l’hôpital de Tarragone. Tu la laisseras devant les urgences et tu te barreras vite fait. Lui, fit-il en désignant Igor, on l’emmène avec nous. Radouane voudra sûrement lui parler.
— Et les morts ?
— Tu les portes dans la Mercedes et tu mets le feu aux voitures. »
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