Concession
Toulouse, Hôtel de police
La nuit était déjà bien avancée lorsque le commissaire avait enfin pu rentrer et se glisser discrètement aux côtés de Julie. Ange avait laissé à ses deux adjointes le soin de faire enlever les corps, de fouiller la maison et de ramener les deux prévenus à Toulouse. Il s’était entretenu avec la juge Durieux pour rendre compte des événements. L’annonce de la mort du Russe n’avait pas ému la magistrate, mais elle avait regretté de perdre un maillon qui aurait pu faciliter l’approche de Leonorov.
« Nous avons saisi l’ordinateur de Polounin, précisa le commissaire, mais tout est en russe.
— Nous trouverons un traducteur dans les services, commenta laconiquement la juge.
— Avez-vous pu transmettre la demande d’accès aux vidéos à la justice espagnole ? demanda Ange.
— J’ai transmis votre requête, mais je ne me fais pas trop d’illusions, nous n’aurons sûrement pas de retour avant le début de la semaine. »
Le réveil sonna à huit heures, après une trop courte nuit. Julie se retourna et vint se coller contre le corps chaud de son compagnon.
« Tu es rentré tard !
— Trois heures du matin, mais nous avons arrêté le chef des Algériens.
— C’est fini alors ?
— Non, il nous reste la tête du réseau russe. Nous le connaissons, mais nous n’avons pas assez de liens pour le mettre en garde à vue.
— C’est urgent ? C’est le week-end.
— Je sais, mais il faut que j’y aille quand même, je ne peux pas laisser tout le travail à mon équipe.
— Même pas le temps d’un petit câlin ? demanda Julie en glissant une main entre les cuisses de son homme. »
Ange concéda une caresse et un baiser avant de s’échapper sous la douche.
« Ce soir, je te promets ! cria le commissaire alors que l’eau couvrait sa voix. Je te laisse choisir l’endroit. »
Dans l’open-space, les visages accusaient la fatigue. Tous les participants à l’intervention de la veille étaient encore là, chacun occupé à l’un des nombreux actes de procédure. Ange appela Samira.
« Sam, occupe-toi en priorité de la vieille femme. Essaie de lui faire dire ce qu’elle sait et demande à Diallo de la raccompagner chez elle si elle le souhaite. »
Le commissaire alla ensuite auprès du groupe de Juliette.
« Vous allez vous focaliser sur le Russe. Il nous faut savoir ce qu’il a fait en Espagne, comment il est revenu dans cette ferme et aussi faire parler son ordinateur.
— Je l’ai déjà envoyé au service spécialisé. Il est protégé par un système biométrique, nous n’avons pas pu le démarrer, je ne me voyais pas trop aller à la morgue pour prendre son empreinte !
— Les techniciens feront le nécessaire. La juge m’a dit qu’elle nous adjoindrait un traducteur pour examiner le contenu. Il nous faut absolument trouver de quoi incriminer Leonorov. Pas question que les Russes gagnent cette guerre.
— Tu crois que Belkacem va parler ! demanda Juliette.
— Je ne sais vraiment pas, c’est un vieux de la vieille, il est déjà passé au travers de pas mal d’affaires, son réseau est bien cloisonné, mais là, c’est la fin. Homicide après séquestration, il prendra le maximum. Je ne crois pas que le parquet soit prêt à négocier. On a maintenant trois morts qui lui sont imputables. De toute façon, en sait-il plus que nous sur ces Russes ?
— Il pourrait au moins nous éclairer sur la fille du canal et le type de l’église.
— Oui, et sur la partie espagnole aussi. Durieux serait sans doute heureuse d’avoir quelque chose à donner à ses collègues en échange de leur collaboration.
— Tu veux qu’on aille voir comment il a passé la nuit ? proposa la capitaine. »
Un policier en uniforme fit entrer le vieil homme menotté dans la salle d’interrogatoire. Ce n’était plus le même que la veille. Belkacem semblait avoir pris dix ans en une seule nuit.
« Je ne te demande pas si tu as passé une bonne nuit, entama le commissaire. On t’a donné à manger ? »
Un hochement de tête las fut la seule réponse du prévenu.
« Je ne te raconterai pas d’histoire, tu sais que tu risques le maximum. À ton âge, ça veut dire que tu obtiendras une remise de peine pour mourir à l’hôpital. Ce qui s’est passé dans ta ferme suffirait déjà, mais les juges y ajouteront la prostituée et le macchabée trouvé devant l’église, sans parler de la fille poignardée sur le parking. Le procureur se laisserait peut-être influencer par l’aspect émotionnel, après tout ce Russe a tué ton fils de sang-froid, mais il faudrait que tu sois coopératif. Qu’est-ce que tu en penses ? Tu pourrais peut-être commencer par nous parler de cette femme qu’on croise sur le parking de la fac et en Espagne ? C’est bien la même n’est-ce pas. Elle travaille pour toi. »
Belkacem releva la tête et regarda les deux flics. Il avait retrouvé un peu de sa superbe.
« Je veux bien vous parler des Russes, mais je ne dirai rien sur les hommes ou les femmes de mon entourage.
— Ce sera déjà un début, apprécia le commissaire. »
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