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Toulouse, Palais de Justice

Durant ces trois dernières années, Ange avait eu l’occasion de fréquenter le Palais de Justice à de nombreuses reprises. Le bâtiment, l’un des plus anciens de la ville, avait été construit à plusieurs époques et mêlait des architectures très différentes. La partie la plus ancienne avait été érigée sur les ruines gallo-romaines de la Porte Narbonnaise et le château Narbonnais, siège des comtes de Toulouse au XIIe siècle. Au XVe, le roi de France y avait installé le premier parlement régional. L’essentiel du Palais actuel datait du XIXe, une extension moderne ayant été érigée au début du XXIe sur l’emplacement de l’ancienne prison.

Le commissaire se dirigea vers les locaux hébergeant les juges d’instruction. Il connaissait peu Marie Durieux, nommée récemment à Toulouse, son deuxième poste. Le dossier était lourd pour une jeune magistrate, mais il n’avait été ouvert que sur un simple meurtre. Le Président n’avait cependant pas estimé pertinent de la dessaisir lorsque le dossier s’était élargi.

« Asseyez-vous, Commissaire ! proposa la juge en désignant un siège en face de son bureau. Nous n’avons pas encore eu le plaisir de nous rencontrer, je suis depuis peu à ce poste et j’avais envie de faire votre connaissance. Ça facilite ensuite les échanges téléphoniques, vous ne croyez pas ? »

La magistrate était une jeune femme au physique assez banal, habillée sobrement, mais elle dégageait une énergie et une volonté communicatives.

« J’ai un peu de temps ce matin, expliquez-moi où vous en êtes avec les Algériens. »

Ange reprit les principaux éléments de son enquête en développant plus particulièrement les événements depuis l’intervention dans la ferme.

« Si je vous suis bien, résuma Durieux, vous avez arrêté Belkacem et quelques uns de ses hommes, mais une femme nous a échappé.

— En effet, nous savions qu’elle existait puisque nous avions des images de vidéosurveillance, mais nous n’avions aucune identité ni adresse. Grace au témoignage de Meriem El Hachem, nous avons maintenant un nom, avec des réserves sur sa fiabilité, et la certitude qu’elle a participé à plusieurs opérations pour le compte de Belkacem. C’est également elle qui a ramené Igor Polounin d’Espagne, avant que son patron ne l’exécute sous nos yeux.

— Oui, cette séquence est fâcheuse, je ne vous le cache pas.

— Nous avons fait les sommations d’usage, mais il a été trop rapide.

— C’est bien dommage, ce Polounin était notre seul véritable lien avec Alexander Leonorov, le commanditaire présumé. Que comptez-vous faire maintenant ?

— Je souhaitais en discuter avec vous. Nous avons quelques raisons de penser que cette femme, Selima Hammadi, va chercher à terminer le travail que lui a confié Belkacem. Nous avons trouvé des documents qui montrent qu’elle a fait des recherches sur Leonorov et sur sa femme, ainsi que sur la villa qu’il habite à Vieille-Toulouse. Nous pourrions bien sûr mettre en garde Leonorov, mais je suppose qu’il est de toute façon en permanence sous escorte.

— Vous envisagez une autre option ? demanda la juge.

— Nous pourrions l’utiliser comme appât.

— Expliquez-vous, Commissaire.

— Si nous mettons Leonorov sous une surveillance discrète, nous pouvons espérer mettre la main sur Hammadi quand elle cherchera à l’approcher, exposa Ange. Elle n’a plus d’appuis, elle n’a plus de domicile, donc, soit elle va essayer de tuer le Russe, soit elle va disparaitre dans la nature, mais si elle veut Leonorov, elle le fera rapidement.

— Et si elle réussit ? objecta Durieux.

— C’est un risque, mais je pense que ça vaut le coup d’essayer et puis, Leonorov n’est pas vraiment un enfant de chœur, alors…

— Vous êtes cynique, Commissaire, mais je suis assez d’accord avec vous. Nous n’avons pas grand-chose contre lui et ceux qui pourraient témoigner sont morts. Mettez la surveillance en place, mais ne faites prendre aucun risque inutile à vos troupes. »

Ange sortit du Palais et retourna à sa voiture. Sur le chemin il appela Juliette Delhuine.

« Où en êtes-vous à Balma ? demanda le commissaire.

— On s’apprête à rentrer, rien de nouveau.

— OK, je sors du bureau de la juge Durieux. Nous allons mettre Leonorov sous surveillance. Retrouve-moi à la boîte dès que tu peux, avec Sam.

— D’accord, d’ici une petite heure !

— Disons après le déjeuner alors, je vais repasser chez moi. »

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