Chapitre 38 - Remise en Confiance
En fin de semaine, après une journée éreintante, Tristan s’avance finalement vers moi, l’air renfrogné, voir contrarié.
« - Lola ? Si tu n’as rien de prévu ce soir, j’aimerai te proposer un verre. »
Je suis surprise et prise au dépourvu. Je ne m’attendais pas à cela. Je le regarde d’un air ébahi, les sourcils relevés.
« - Heum… Eh bien…
- Je voudrais… Je voudrais essayer de te faire oublier ton agression…
- Hein ?! Mais non, ce n’est vraiment pas…
- J’insiste, me coupe-t-il. Je sais que tu fais comme si tout aller bien, mais… Après ce qu’il s’est passé… Je sais que ce n’est pas vraiment le cas. Et je pense que cela te ferait du bien de revivre une soirée « normale » et sans gros connards…
- Tu n’as pas besoin de faire ça, je t’assure… Je vais bien !
- Pas moi…
- Ah… Très bien… je finis par dire après un instant de réflexion. Si tu insistes. »
Il me sourit d’un air entendu, avant de m’indiquer qu’il m’enverra l’adresse par SMS.
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Nous nous rejoignons donc devant un petit bar dansant, en banlieue parisienne. Je me suis apprêtée, pensant qu’il souhaiterait aller dans un de ces bars lounge branchés, mais ce n’est pas le cas. Et je suis apparemment la première arrivée devant l’entrée, lorsqu’il se fait déposer par son chauffeur, qu’il congédie pour le reste de la soirée. Surprise, je lui indique que je suis venue à pied, mais cela ne semble pas le préoccuper outre mesure.
« - Tu es, encore une fois, ravissante ce soir » me dit-il simplement.
Ce n’est pas ce compliment qui me ramènera ensuite chez moi, mais bon… Je me sens tout de même flattée.
A l’intérieur, l’ambiance est plutôt calme et intimiste. Légèrement sombre, éclairé en majorité par des lanternes mexicaines, l’endroit est décoré dans un style latino. Au milieu de petites tables rondes en bois, une piste en parquet, en mode patio, est surplombée et entourée par un balcon accueillant également des emplacements plus cosy. Nous nous installons donc à l’étage et commandons deux cocktails et des tapas en accompagnement. Lui semble à l’aise, moi beaucoup moins. Mais j’apprécie l’endroit, cela dit.
« - En fait…, commence-t-il en se passant la main dans les cheveux (dans un mouvement sexy qui me fait fondre). Si je t’ai proposé ce verre ce soir, c’est avant tout pour que tu oublies cette mésaventure à Monaco…
- Oui, j’ai bien compris, mais ne t’inquiètes pas, c’est déjà…
- Je ne veux pas que tu restes bloquée sur cette soirée merdique, me coupe-t-il rapidement. Je m’en voudrais que cela te fasse perdre ta confiance en toi. Et ta confiance envers les hommes aussi.
- C’est gentil, mais ça va aller. De toute manière, tout ça c’était ma faute…
- Pardon ?!
- Bah oui… Je n’avais qu’à pas sortir en tenue légère le soir, toute seule qui plus est…
- Attends, je t’arrête tout de suite ! s’indigne-t-il. Ce n’est absolument pas ta faute ! Tu as tout à fait le droit de sortir en robe ou en jupe sans pour autant te faire importuner par de vieux cochons, hein ! Tu n’as pas à t’en vouloir, c’est eux les fautifs. Et je ne veux plus jamais entendre ce genre de propos de ta bouche, OK ?
- Mais…
- Non ! me coupe-t-il aussitôt. Ce n’est pas ta faute. Point. Retire-toi ça de la tête.
- Euh… OK. D’accord.
- Au fait… Je suis désolé… ajoute-t-il tout penaud après un bref instant.
- Pourquoi ??
- De ne pas avoir été là plus rapidement pour toi…
- Tu rigoles ?! Tu m’as littéralement sauvé la vie, au contraire ! »
Il baisse les yeux et rougit légèrement.
- En tout cas, c’est vraiment gentil de ta part d’essayer de m’aider, j’ajoute pour le détendre un peu. Mais ça va aller, ne t’inquiètes pas.
- Bien… Tant mieux… Je m’en serais voulu que tu restes traumatiser à cause de ce séjour… Après tout, c’est moi qui ai insisté pour que tu m’accompagnes…
- Ne t’inquiètes pas, je suis une grande fille, je m’en remettrai » je lui réponds avec un sourire taquin, montrant mon biceps gonflé.
Il se détend alors, rassuré. Et la conversation dévie sur les bons moments que nous avons revécus ces derniers temps ensemble. Nous rions en nous remémorant le week-end chez ma mère, la partie de chasse avec mon beau-père et celle de beach-volley à la page avec mes amis qui ont ravivées notre esprit de compétition, les repas à la bonne franquette, plutôt bien arrosés, avec mes potes comme avec ma mère. Puis nous arrivons indéniablement sur le sujet de mon karaoké au camping.
« - Non mais sans rire ! Tu as une voix magnifique ! Je ne savais pas que tu savais chanter ! me dit-il en rigolant.
- Ah bah merci ! Dis que je chantais comme une casserole à l’époque, aussi ?!
- Ha ha ! Je n’ai jamais dit ça !! Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, hein ! Je dis juste que je ne te connaissais pas ce talent.
- Eh oui, que veux-tu ? Il y a encore pleins de choses que tu ignores à mon sujet, tu sais… je lui proclame, le regard fier et désinvolte.
- Jeune femme pleine de mystère… » murmure-t-il, plongeant son regard dans le mien avec un léger sourire en coin, en me dévorant des yeux.
Brusquement troublée, je baisse la tête et souris, intimidée. Je me noie alors dans mon cocktail pour éviter son visage si séduisant. Je me reprends ensuite, essayant de faire diversion.
« - Et toi ? Quel est ton talent caché ? Hormis la finance, évidemment ! »
Un large sourire s’affiche alors sur son visage.
« - Je croyais que tu l’avais constaté par toi-même ! Mais si tu veux, je peux te montrer à nouveau » ajoute-t-il en se levant.
Il vient se planter à côté de moi, et me tend la main, m’invitant alors à me lever également. Puis il m’entraine sur la petite piste de danse, où les chansons des années 80 laissent libre court à nos pitreries. Nous rions de nos chorégraphies ridicules comme deux gamins, complices, se dandinant de l’arrière-train en rythme, se lançant un lasso invisible, ou ondulant des épaules façon disco.
Puis, la musique entame un tango endiablé. Un peu perdue, je commence à paniquer. Ce n’est absolument pas mon fort, et encore moins les danses latines ! Moi aussi, je pensais qu’il l’avait constaté…
Il attrape ma main fermement, et me guide pour mes premiers pas chancelants. Son sourire et son regard avide de tendresse me redonnent confiance en moi, et j’arrive finalement à le suivre tant bien que mal.
« - Lâches-toi » me murmure-t-il à l’oreille d’une voix suave, après s’être glisser derrière moi.
Il descend ses mains jusqu’à ma taille, qu’il fait doucement onduler aux rythmes de son bassin. Encouragée, je me libère petit à petit de mon appréhension et me déhanche à mon tour de manière sexy, comme si j’étais seule au monde, fermant les yeux pour mieux m’imprégner de la musique. Lorsque je les rouvre et que je me retourne, je m’aperçois qu’il s’est éloigné légèrement pour me laisser m’exprimer librement. Il m’observe avec un regard pétillant de désir et un sourire remplit de satisfaction. Alors je me sens belle et désirable. Il se rapproche de moi, attrape ma main et m’attire à lui pour me rejoindre dans notre ballet latino qui s’en trouve de plus en plus sensuel, la tension augmentant alors indéniablement entre nous. Je sens ses doigts glissés sur ma peau lorsqu’il me fait tournoyer sur moi-même, son souffle dans mon cou lorsqu’il vient se placer derrière moi pour me suivre dans mon déhanché provocateur, sa bouche effleurant la peau de mon cou et provoquant un frisson d’excitation. Et finalement, nous terminons l’un contre l’autre, sa main me plaquant vivement contre son torse puissant au son de la dernière note, figeant nos deux corps collés en un seul être, comme autrefois.
L’alcool a dû m’enivrer, car je me sens bien. Je n’ai nullement l’envie de me retirer de ses bras, et nous reprenons lentement nos ondulations, alors qu’une autre mélodie commence. Mes mains caressent ses cheveux sur sa nuque avec tendresse et affection, tandis que les siennes glissent le long de mon dos délicatement, pour s’arrêter sur mes hanches et suivre leurs mouvements. Nous nous regardons fixement avec avidité, front contre front, une chaleur excitante s’installant entre nous.
A la fin de la musique, revenant doucement sur terre dans un soupir, il finit par s’éloigner légèrement de moi. Complètement chamboulés, ni lui ni moi ne savons comment réagir. Et un nouveau malaise prend le dessus.
« - Je… Je vais rentrer je pense… je souffle, le cœur au bord des lèvres.
- Je te raccompagne ? me demande-t-il alors en passant sa main dans ses cheveux.
- Avec plaisir. »
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Nous repartons donc à pied vers mon appartement. L’air frais nous fait du bien, évaporant petit à petit nos ardeurs. Mais mon cœur est toujours en émoi. Il m’a tendu le bras, que j’ai saisi sans hésitation. Le simple fait de savoir son corps si près de moi m’émoustille. Je repense à notre danse si sensuelle.
Arrivés en bas de mon immeuble, je me retourne pour lui faire face, tiraillée entre le désir et la gêne.
« - Bon… Eh bien… Merci pour cette soirée, je lui glisse doucement.
- Merci à toi. Ça m’a fait plaisir de danser ainsi avec toi. Ça faisait longtemps… D’ailleurs… semble-t-il hésiter, avant de se rapprocher de moi et de saisir mes mains. Je sais que tu m’en veux encore d’être parti comme ça il y a quinze ans, et je te comprends. Mais je voulais te dire… Que je te trouve encore plus jolie aujourd’hui, et je suis fier de la femme sublime que tu es devenue, même si tu n’as pas eu besoin de moi pour cela. Je comprends pourquoi tu attires autant les hommes. Et je… Je te trouve très séduisante… En plus d’être intelligente, et drôle, et… »
Je souris doucement. Il plonge ses yeux dans les miens, et je sens que mes dernières défenses vacillent.
« - Tu es la femme la plus incroyable que j’ai jamais rencontré, continue-t-il. Et Dieu sait que j’en ai vu défilé ! »
Je glousse bêtement, à la fois flattée et amusée.
« - Je ne renouvellerai pas ma demande d’aveux de ta part qui t’a offensé au camping, mais je tiens à te dire… Que… Je… »
Il se rapproche de plus en plus, caressant le dessus de mes mains avec tendresse et délicatesse. Mon cœur bat tellement fort, que j’ai l’impression qu’il va sortir de ma poitrine. Sa bouche est désormais si près, à quelques millimètres de la mienne.
Et puis soudain, d’un petit coup de menton, je casse la distante restante entre nous, et ses lèvres rencontrent les miennes à nouveau. D’abord dans un baiser chaste, presque timide. Puis rapidement plus ardent et intense. Je retrouve toutes les sensations et le goût de ses baisers d’autrefois avec délice. Le contact de ses lèvres me transporte quinze ans en arrière. Prise dans l’engrenage d’une pulsion qui me dépasse désormais, je n’y tiens plus, et j’attrape son visage entre mes mains pour appuyer encore plus ma bouche contre la sienne. Il m’enlace alors et me plaque contre la porte, ses mains se baladant sur tout mon corps avec frénésie.
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