Del 8.1
Gammal kärlek rostar aldrig.
Le bruit des vagues s’écrasant contre la grève avait quelque chose d’apaisant. Malgré son irrégularité, on pouvait croire en l’écoutant qu’il ne cesserait jamais. C’était cet aspect immuable de la mer, cette impression que l’on pourrait rester assis devant éternellement sans que rien ne change, comme un phare de certitude qui s’opposait à la mouvance de la vie, une musique dont la constance permettait d’oublier les vicissitudes de notre condition.
La mer m’avait manqué. L’immensité céruléenne sous l’immensité azur. L’infini où l’on pouvait disparaître en le regardant. Je pouvais rester des heures à l’observer, négliger le passage du temps, en abolir le cours juste pour écouter les vagues se fracasser…
La mer m’avait manqué, et je comprenais tout juste à quel point. Il est des choses dont on ne se rend compte de l’absence que lorsqu’on les retrouve. Ainsi, de nouveau face aux vagues, c’était comme si je retrouvais ma place, en dehors du temps dans un mélange entre souvenir et instant présent. J’étais bien.
Matthias et moi faisions une petite pause avant de retourner voir madame Marcili et conclure ainsi l’affaire. Ma première affaire de chaïrétique. Je n’avais certes pas fait beaucoup, mais j’étais du moins satisfait d’avoir pu apporter mon aide. Et, étonnamment, Matthias s’était transformé en être humain à peu près décent le temps de l’affaire. Il restait à voir si cela allait continuer.
J’avais aussi pu constater l’efficacité de l’hackeuse qui travaillait avec les Vermeil -Yolande Bankerol de son nom. Après ma suggestion concernant les anciens propriétaires, et puisqu’il était arrivé à la même conclusion, Matthias avait passé un appel à madame Bankerol pour lui demander si elle pouvait trouver la trace des personnes qui habitaient autrefois la maison de madame Marcili. A peine un quart d’heure plus tard, Matthias avait reçu un SMS contenant toutes les informations dont nous avions besoin.
La maison appartenait avant à un couple dont la femme était morte une dizaine d’années avant que madame Marcili ne rachetât la maison. Le mari, peu de temps après la mort de son épouse, avait mis la maison en vente avant de partir habiter dans sa résidence secondaire au bord de la Méditerranée. L’esprit qui nous occupait devait donc être celui de la femme, et les dix ans passés comme esprit expliquaient sa faible substance et par conséquent l’échec du rituel de possession physique.
Immédiatement après la lecture du SMS, Matthias avait décidé que nous irions voir ipso facto cet homme pour l’interroger sur le nombre mystérieux. La décision semblait effectivement logique, mais cela représentait plus de cinq heures de route, et pour l’aller seulement. Bien entendu, je n’ignorais pas que la chaïrétique imposait parfois de partir loin à l’improviste, mais une telle désinvolture me laissait perplexe.
- On prend la voiture ? » ai-je donc demandé.
- Nope ! » m’a répondu Matthias. « On va passer par le Millepertuis.
Je dus faire une drôle de tête car il se mit à rire.
- C’est ta première fois ?
- Hum… oui. Ils nous avaient un peu parlé à l’école, mais c’était surtout pour nous mettre en garde et nous dire d’être prudent.
- Ça m’étonne pas d’eux… Mais t’inquiète, c’est normal d’avoir peur quand on l’a jamais fait. Et puis je serai là pour te guider.
Matthias alla ensuite annoncer à madame Marcili que nous allions partir temporairement, mais que nous reviendrions sans doute dans l’après-midi. De mon côté, j’appréhendais ma première visite dans le domaine d’un esprit. Le Millepertuis était sans doute le moins dangereux, mais l’image que j’avais des contacts avec l’Outre-Monde était celle de pratiques régulées car dangereuses, impliquant des entités bien plus puissantes que n’importe quel humain. Est-ce que nous allions vraiment le faire ? Matthias semblait déjà y être passé, mais cela me renvoyait une image de manciologue un peu fou, inconscient des ses actes et leurs conséquences. Bref, comme il est dit vulgairement : je serrais les fesses.
Après avoir récupéré la mallette et son contenu, Matthias me demanda de le suivre jusqu’à la porte d’un placard à balais, m’expliquant que nous allions l’utiliser pour accéder au Millepertuis.
- Les placards à balais ont une connexion particulière avec les esprits ? » demandai-je incrédule.
- Non, mais c’est les plus simple à utiliser. Certaines conditions pour l’ouverture du Millepertuis peuvent poser des problèmes, donc on privilégie les portes qui ne mènent nulle part, et celles derrières lesquelles il n’y a personne. Et c’est plus pratique que les frigos.
- On peut vraiment passer par les frigos ?
- Bien sûr ! c’est une porte, et tant que c’est une porte, ça marche. Je te raconterai la fois où j’ai dû passer par le coffre de la voiture… Bon, je vais procéder au rituel.
- Celui où il faut casser une clé ?
- Non. Tout le monde fait ça en Europe, mais c’est grave relou.
A ce moment-là, il sortit un canif de sa poche, l’ouvrit, puis s’entailla la paume de la main gauche. Un frisson me parcourut le dos. Alors que le sang commençait à couler de la coupure, je remarquai les nombreuses cicatrices qui zébraient la main gauche de Matthias. C’était quelque chose qu’il avait déjà fait de nombreuses fois. Ma réflexion sur Matthias en manciologue fou me revint, plus forte encore.
- Hum… » hésitai-je. « Magie du sang ?
- Yep.
- Mais c’est de la nécromancie, non ?
- Ben je suis pas mort, alors non. Ils sont chiant en Occident, avec leurs pudibonderies vis-à-vis des magies sacrificielles… Mais c’est juste de l’héritage judéo-chrétien à la con, la dichotomie du bien et du mal, le paradis et l’enfer, tout ça, tout ça. Ce que j’en dis, c’est que ma technique, elle est mille fois plus simple que leur truc à la con avec la clé.
- Et… si c’est pas occidental, il vient d’où, ce rituel, alors ?
- Asie. Mon père était un grand fan de la culture orientale et il a beaucoup étudié leurs méthodes manciologiques. Et j’ai retenu deux trois trucs et fait mes mélanges…
- Ah, d’accord.
Finalement, Matthias remontait dans mon estime en tant que manciologue. En tant qu’être humain, ça restait à voir. Toujours est-il qu’il plongea son pouce droit dans son sang et appliqua celui-ci sur son visage en un motif tribal. Enfin, il sortit un morceau de tissu et sa banda la main pour arrêter le saignement.
- Il faudrait désinfecter, non ? » lui demandai-je.
- Pas la peine.
Je me dis alors que, n’ayant pas de désinfectant sur lui, il ne voulait pas en emprunter à madame Marcili. J’avais bien compris que Matthias n’aimait pas être redevable, ou du moins se sentir redevable. Ce n'était malgré tout pas prudent.
Il appuya la main droite sur la porte du placard, ferma les yeux, prit une inspiration puis récita l’incantation suivante :
- Mutiara : j’ouvre la porte, et le monde se révèle ; en dehors et au-dedans ; je sors du monde, et la porte se ferme. Mun, agge à qui fut donné les portes et leur passage : j’ouvre ton domaine. [1]
L’incantation terminée, il posa sa main sur la poignée. Je fus prit d’un frisson. Matthias planta alors son regard dans le mien.
- Prêt ?
Je déglutis.
- Prêt.
Il ouvrit la porte, et je vis enfin le Millepertuis, le domaine que l’on nommait le monde des portes.
Une pièce immense aux murs de marbre noir, large comme une avenue et bordée de six colonnes de chaque côté autour desquelles s’enroulaient des plantes grimpantes. Une douce lumière émanait du plafond qui devait se trouver une dizaine de mètres au-dessus de nous, et le sol était une mosaïque dont la taille démesurée m’empêchait d’identifier le motif. Enfin, de l’autre côté de la pièce, une porte gigantesque dont les deux battants étaient gravés d’un serpent.
Tout était colossal, titanesque… trop grand, en fait. C’en était aussi fascinant qu’effrayant. Je ne me sentais pas à l’aise ici, ce n’était pas ma place. Je supposais que c’était l’effet désiré sur les humains, un moyen de nous rappeler la considération que l’Outre-monde nous portait…
Matthias m’invita à passer la porte du placard à balais, ridiculement petite à présent devant ce à quoi elle menait. Je fis un premier pas en avant, puis un deuxième. Au suivant, j’étais désormais en dehors du monde : j’avais pénétré le Millepertuis.
Je pris une inspiration. L’air était le même qu’à l’extérieur, à l’exception d’une légère odeur de poussière supplémentaire qui soulignait le caractère hiératique des lieux. Alors que j’appréciais l’ampleur du décor, j’en vins à penser qu’il était heureux que madame Marcili ne nous ait accompagné jusqu’au placard : son esprit somme toute assez étriqué aurait sans doute explosé devant ces « sataneries ».
Matthias referma la porte du placard ainsi que me l’appris l’écho qui se répercuta dans la salle. Il se plaça ensuite à ma droite et croisa les bras, me laissant contempler l’endroit en silence.
- Alors ? » me demanda-t-il après quelques minutes.
- C’est… grand. Grandiose, même. Mais c’est surtout écrasant…
Mes derniers mots résonnèrent encore quelques instants dans l’espace.
- Pour le moment, on est encore que sur le seuil du Millepertuis. » expliqua Matthias. « Le véritable corps du domaine est derrière ces portes.
- Les portes de Ras-Alhague, ou portes du serpent… » ajoutai-je presque machinalement en faisant un pas en avant. « Quinzième des trente-deux entrée au monde des portes, deuxième péroraison de l’aurore avant les portes de Zamarat. [2]
Il n’y eut pas de réponse.
Je me retournai alors, pensant que Matthias avait disparu.
Il était toujours là, me fixant intensément avec une expression de profonde stupéfaction.
- Heu… je… j’ai dit quelque chose que je n’aurais pas dû ? » balbutiai-je avec anxiété.
- Non, c’est pas ça » me rassura-t-il. « Je suis juste sur le cul. D’abords tu arrive à me citer des domaines d’esprit que ton école n’envisagerait même pas de mentionner, puis tu traduis de tête des incantations, tu sais ce que c’est qu’une chlésie, et maintenant tu me sors au calme les épithètes d’une des portes du Millepertuis, comme ça… Je veux dire, je connais des types qui sont plongés dans la manciologie depuis qu’ils portent des couches et qui seraient incapables de comprendre le quart de ce que tu dis…
Matthias dut se rendre compte qu’il venait d’être élogieux. Il se redressa donc, légèrement gêné.
- Après, ils savent aussi des trucs que tu connais pas… Mais quand même, c’est pas mal pour un non-initié.
Je souris, sans doute moins en raison du compliment que d’avoir eu pour la première fois un aperçu du Matthias sympathique, sans armure ni carapace, prouvant ainsi qu’il était capable de sentiments autres que la colère et le cynisme. Cette démonstration de respect après trois jours et demi d’incorrection me redonna espoir pour le stage.
Hélas, ce dévoilement était de courte durée, et Matthias avait déjà remis son masque bougon afin de se donner contenance.
- Eh, gaffe aux chevilles, là ! C’est pas parce que j’ai dis quelque chose de gentil qu’il faut te croire le roi du pétrole.
En fin de compte, le savoir humain sous les strates de détachement neutralisait la froideur qu’il inspirait par ses paroles. C’en était presque touchant ; je fus pris d’un petit rire.
- Allez, le stagiaire ! Bouge ton cul au lieu de ricaner bêtement, on a du boulot.
Sur ces mots, il partit en direction des portes en maugréant.
Je comprenais bien que la partie n’était pas encore gagnée, que Matthias ne deviendrait pas soudainement sociable après quelques jours. Sa réaction était de bonne guerre ; je me contentai de le suivre au travers de la pièce. La scène qui venait d’avoir lieu avait réduit le malaise que ces lieux m’inspiraient.
Puis, au fur et à mesure que nous approchions les immenses battants de marbre, l’impression d’insignifiance me reprenait insidieusement. Lorsque Matthias s’arrêta enfin, les portes avaient retrouvé cet aspect accablant qui m’avait frappé quelques minutes plus tôt alors que je les voyais pour la première fois. Au sol, de larges traces creusées dans le marbre, stigmates de leur ouverture. Je me sentis minuscule.
Matthias tendit alors les mains devant lui, les joignit, puis commença à les écarter avec difficulté. Au même instant, un grondement sourd émana des portes, et celles-ci se mirent à bouger.
Dans un rugissement terrible accompagné d’un grand tremblement, les deux battants s’écartèrent à la même vitesse que les mains de Matthias. Je restai médusé face à la majesté de l’acte tandis que le tonnerre de la pierre raclant la pierre déchirait l’espace.
Enfin, après ce qui sembla avoir duré une éternité, Matthias arrêta son mouvement. Le silence se fit. Devant nous, les portes étaient désormais séparées d’une distance de quelques mètres. Derrière, j’entrapercevais un long couloir dont la décoration ressemblait à celle d’un bâtiment Haussmannien. Un grand tapis rouge s’étendait au milieu du couloir, couvrant une partie du parquet en bois sombre. D’imposants lustres que je supposais être en cristal pendaient à intervalle régulier du plafond, et leur lumière était suppléée par des lampes à gaz accrochées aux murs. Des balcons d’opéra tendus de velours pourpre surplombaient la pièce, et d’immenses tableaux décoraient les espaces vides des parois. Enfin, tout le long du couloir se trouvaient de nombreuses portes richement décorées.
J’étais autant sous le charme que sous le choc, me contenant de suivre Matthias qui entrait dans ce nouvel antre de démesure. Quelques mètres après la porte, il s’arrêta.
- C’est plutôt cool, hein ? Je me souviens, quand j’étais petit, j’avais fait une partie de cache-cache ici avec un ami. Nos parents nous avaient dé-fon-cés, mais c’était génial.
- Sûrement…
- Bon, je suis d’accord, la déco est un peu guindée, mais ceux du dessus et du dessous aiment bien péter plus haut que leur cul.
- Mmh… Sans doute… Et, ça… C’est vraiment quelqu’un ou c’est une œuvre de fiction ? » demandai-je en désignant l’un des tableaux.
Celui-ci représentait une dame à la peau sombre dont les longs cheveux blonds semblaient se répandre depuis sa tête comme un flot d’or impétueux. Elle portait une veste mordorée aux manches larges sur une chemise blanche à jabot court, ainsi qu’un pantalon à pattes d’éléphant cuivré qui lui donnait un style proche des 70s. Enfin, elle portait à ses pieds une paire de sandales argentées.
Ses yeux étaient fermés, et elle arborait un sourire tranquille tandis qu'un grand soleil doré brillait derrière sa tête, pareil à une auréole. De grandes boucles composées de trois cercles concentriques pendaient de ses oreilles, et elle portait en outre un grand nombre d’anneaux, étincelant comme autant d’étoiles. Enfin, sa posture christique alors qu’elle descendait les escaliers en pierre d’un jardin à la française empreignait la peinture d’un mysticisme fou.
- Ah, elle… Je te présente Hélia, Couronne de Lumière. La plus grosse des légumes de l’Au-dessus, l’archi-connasse à la tête de tous les agges.
Je n’osais pas le dire, mais je la trouvais d’une beauté extraordinaire. Bien entendu, je savais que ce n’était qu’apparences, mais tout de même… Je me retournai ensuite et observai le tableau qui lui faisait face.
- Et elle, par conséquent, ce doit être Sélène, l’Impératrice de l’En-dessous.
Le tableau représentait lui-aussi une femme, mais sa peau était diaphane et ses cheveux mi-longs d’un noir de geai étaient crantés à la mode des années vingt. Elle portait une veste de plaques d’un noir brillant, comme si un couturier fou avait mélangé une veste de costume et une armure de samouraï, sur une chemise blanche décorée de roses bleu marine. Le bas était une robe-pantalon, la robe ayant cette même structure de plaques que la veste tandis que le pantalon était bleu nuit. A ses pieds, de longues bottines sombres.
Sur son front était posée une tiare scintillante imitant un rameau, et le seul autre bijou qu’elle portait était une chevalière à son annulaire gauche. Ses traits étaient aussi durs que ceux d’Hélia étaient doux et ses sourcils froncés sur ses yeux clairs accentuaient son air implacable. Enfin, se tenant devant un trône écrasant -le sien sans aucun doute, elle tenait de sa main droite la poignée d’une hache à double tranchant dont les lames avaient l'apparence de croissants de lune [3].
Une image me vint aussitôt à l’esprit : il est dit dans le protocole impérial japonais que l’on ne peut s’adresser à l’Empereur qu’avec stupeur et tremblements. Face à ce tableau, il n’était pas besoin de protocole : l’Impératrice de l’En-dessous incarnait le pouvoir.
- Bien vu ! » me répondit Matthias. « La reine des bourges et son raccourcisseur de têtes… Tiens! Pour l'anecdote, c’est avec cette hache qu’elle a tej Almawt de l’En-dessous après la nuit de la haine pour récupérer le trône.
- Ah bon ? Mais d’après la Mnéia, Almawt est parti de lui-même. [4]
- Ouais, bullshit… Il est surtout parti après avoir perdu une main ! Tu sais, la Mnéia a été écrite par les humains d’après ce que leur ont raconté les agges et les dyables. Faut pas croire tout ce qui y est dit sur parole.
Je n'avais jamais considéré la Mnéia comme une parole d'évangile, mais cette révélation me fit malgré tout un choc. Il y a un fossé entre soupçonner un mensonge et se l'entendre confirmer. Certes, cela n’était pas d’une si grande importance, toutes choses considérées, mais cela restait tout de même perturbant. Il n’est jamais agréable de se rendre compte que l’on a passé des années à se baser sur une imposture. D'autant plus que l'EEM avait la facheuse tendance à nous vendre la Mnéia comme le livre des révélations ; du moins, les passages qui faisaient consensus...
- Bon » reprit Matthias. « Je pourrais te présenter toutes les tronches de cake qui sont dans ce couloir, mais non seulement on n’est pas là pour ça, mais en plus j’en ai pas envie.
- Ah, dommage… On pourra revenir ?
- Ben maintenant que tu sais comment on entre dans le Millepertuis, tu pourras le visiter tout seul.
- Hum… Je n’y tiens pas tellement… C’est tellement immense ici, je vais sûrement me perdre. À ce sujet, est-ce que tu sais où on doit aller ?
- Pas de soucis. En fait, c’est hyper simple d’utiliser le Millepertuis : à partir du moment où tu sais où tu veux aller, tu sais par où tu dois passer.
- C'est à dire ?
- En vrai, je sais pas comment ça marche. C'est un peu comme si tu recevais les infos directement dans ta tête, presque instinctivement...
- C’est sûr que c’est pratique, mais comment c’est possible ?
- Ça fait partie des règles qu’Eïmaï a édictées lorsqu’il a condamné Mun [5]. Allez, fini le tourisme ! » conclut Matthias en se dirigeant vers une des portes du couloir. « On bouge.
Nous repartîmes donc, Matthias devant, moi derrière.
Un quart d’heure et une vingtaine de salles traversées plus tard, Matthias s’arrêta devant ce qui semblait être la porte d’une cabane de jardin.
- Normalement, ça devrait nous mener chez le vieux. Avec un peu de chance, personne ne nous verra.
- Avant ça, il faudrait peut-être… » Je me tapotai la joue pour accompagner mes paroles.
- Ah oui, c’est vrai » répondit Matthias. Il se lécha le pouce puis nettoya les traces de sang qu’il s’était peint. Une fois de nouveau présentable, il me désigna la porte en s'exclamant « À toi l’honneur !
Je posai alors ma main sur la poignée, et, avec une pointe d’appréhension, j’ouvris la voie vers ce qui se révéla être un jardin. Au loin, le bruit des vagues nous indiquait la proximité de la mer. J’espérais que nous allions pouvoir ici résoudre cette affaire.
[1] Cette incantation est sans doute une combinaison de plusieurs formules officielles. On y reconnait notamment les vers « j’ouvre la porte, et le monde se révèle ; […] ; je sors du monde, et la porte se ferme », visiblement inspirés de l’incantation de Locuste (IIème siècle) : « […] J’ouvre de mes mains les lourdes portes de marbre, et le monde apparaît devant mes yeux, fenêtres de mon esprit. Mes yeux se ferment ; mon esprit sort du monde, et les portes du domaine se closent derrière moi. »
Cette incantation sera plus tard répertoriée comme « l’incantation de Vermeil à Mun », ou sixième incantation de M. Vermeil.
[2] Le Millepertuis possède une structure supposément aléatoire composée de morceaux récurrents et de morceaux variables, reliés entre eux par un nombre de couloir augmentant avec le temps. Supposément aléatoire, car si l’arrangement structurel semble suivre certaines règles, aucun modèle n’a aujourd’hui réussi à parfaitement décrire la génération et l’assemblage des éléments du Millepertuis. Des modèles partiels de structuration ont été élaborés et améliorés au fil du temps, voici les principaux :
- Neocles Metellus Arcana (Ier siècle av. J.C.)
- St Benoît de Turenne (XIIIème siècle)
- Pierre Antoine Gabriel de Cartelat (1695)
- Lord Douglas Swornhelm (1863)
- Helmers & Richardson (1927)
- Zhao & Sun Gao (1948)
- Kuromaru (1966)
- EMMA – Evolving Model for Mapping Accuracy (litt. Modèle Évolutif pour la Précision de Cartographie) ; en fr. MEDS (prononcé Médès) - Modèle Évolutif de Détermination Structurelle (1986)
Le modèle EMMA est utilisé encore de nos jours, amélioré et corrigé régulièrement. Le modèle est actuellement le EMMA 7.3
Les éléments récurrents identifiés du Millepertuis sont les trente-deux portes, les huit cœurs, les seize tours, les onze jardins et les sept temples. Mille sept cent quarante-quatre couloirs récurrents ont été identifiés à ce jour.
Les éléments variables identifiés sont catégorisés selon leur taille en tant que majeurs (ex : structure en forteresse), moyens (ex : structure en salle de bal) ou mineurs (ex : structure en belvédère).
Il existe tout un pan de la manciologie dédiée à l’analyse et la compréhension de la structure du Millepertuis, appelée ménologie. Certains manciologues avancent qu’il serait possible d’utiliser la ménologie comme une forme de divination en cela que le caractère semi-aléatoire d’agencement du Millepertuis serait interprétable, à l’instar d’un tirage de cartes ou d’un jet d’osselets. Cette théorie n’a toutefois pas encore été prouvée.
[3] Cette hache, appelée Phengar dans l’Outre-monde et Scharfsmond chez les humains (du moins en Europe), a été forgée et offerte par Lépide, dyable des lames, lorsque Sélène fut nommée duchesse de l’En-dessous par Nucteh. Sélène et Lépide maintinrent ensuite de très bonnes relations, ce qui facilita l’accession de Lépide au titre de duchesse, puis sa nomination à la fonction d’ambassadrice de l’En-dessous.
[4] cf Quatrième livre de la Mnéia
[5] cf Sixième livre de la Mnéia
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