Chapitre 3 : 18h- Le pot aux roses

Il me fit un clin d'œil et sans répondre monta sur sa bécane. Je cédai finalement et m'installai derrière le motard. Je m'accrochai comme je le pus aux montants du siège. Mais je dois avouer que la prise n'était pas rassurante : mes doigts glisseraient facilement à la première accélération. Impossible pour moi de me résoudre à enlacer cet homme. Quand il eut démarré le moteur il ne me laissa pas vraiment le choix. Il attrapa mes mains et les plaqua contre ses flancs, me soufflant de bien m'accrocher. Le ton qu'il utilisa ne présageait rien de bon. L'éclat de ses yeux que je percevais dans les rétroviseurs lui conférait un air taquin qui renforçait mon impression.

Il démarra sa moto dans un vrombissement superbe et je dus resserrer ma prise tant je craignais de me faire éjecter de l'engin. Je le soupçonnai d'aller vite et de conduire un peu dangereusement pour me forcer à me coller à lui. Au début je fermais les yeux, terrifiée à l'idée de frôler les voitures dans l'artère principale de la ville. Lorsque je me rendis compte que la moto slalomait moins, j'ouvris un œil. Le spectacle était à couper le souffle. Les sensations de vitesse, le vent et la perspective que nous offrait la moto dépassaient toutes mes attentes. Je ne pus retenir un sourire béat. Je commençais à comprendre le plaisir des bikers, ce sentiment de liberté quand on roule.

Il ne nous fallut pas moins d'une demi-heure pour atteindre une sorte de hangar, un peu au milieu de nulle part. Quand il contourna le bâtiment quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver un garage, une station-service et un bar. L'emblème sur la porte, un dragon noir qui tenait deux flingues croisés, me fit comprendre que nous arrivions sur le lieu de la soirée organisée par Clover. Le bien-être que m'avait procuré la moto fut chassé instantanément par l'agacement et la contrariété. Bon sang qu'est-ce qu'elle nous avait inventé encore ?

Le motard gara sa moto dans l'alignement des autres bécanes et m'aida à descendre. Il me regardait intensément cherchant peut-être à savoir si j'avais apprécié la balade. Manque de pot pour lui j'étais furax. Il ne dit rien et il fit bien car bien qu'il ne soit pas la cible de mon mécontentement, il en aurait pris pour son grade. Pour ne rien arranger, je vis Clover en train de flirter outrageusement avec deux bikers, certes plutôt mignons. Je lui lançai un regard assassin. Elle fit semblant de rien. Je remarquais cependant une lueur d'incertitude qui traversa furtivement son regard. Elle savait que j'allais être en rogne. Elle fit profil bas. Mon biker me guida à l'intérieur du bar et je vis Bia attachée sur une chaise, bâillonnée, rendue aveugle par un foulard à l'aspect on ne peut plus douteux. Elle avait pleuré comme le laissaient deviner les traces de mascara le long de ses joues. Elle était pâle et ses sourcils froncés montraient son inquiétude.

Je jurais et courais vers elle pour la détacher. Elle voulut se débattre je la rassurai du mieux que je pouvais malgré ma fureur.

- C'est moi Bia, c'est bon tout est fini.

- Oh Lana ! Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Qui sont ces messieurs ?

- Je me pose la même question, je pense que Clover saura nous expliquer ! CLOVERRRRR !

Tous les hommes présents dans la salle se figèrent à l'entente de mon hurlement ! La jeune femme arriva nonchalamment, rien ne pouvait me faire enrager davantage.

- Alors ma chérie que penses-tu de ce début d'enterrement de vie de jeune fille ?

Je me retenais par pudeur, nous étions tout de même en public, mais j'avais terriblement envie de la gifler. Bia prit la parole, sa voix était peu assurée, on pouvait lire l'incompréhension et la déception dans son regard.

- Tu peux nous expliquer quel est le concept Clover ? Parce que me faire enlever par des bikers et me retrouver attachée et bâillonnée dans un lieu totalement inconnu, ça tient plus du bad trip que du conte de fée !

- Oh la la les filles, relativisez un peu. Se faire enlever par ces beaux spécimens, ça doit être très excitant non ?

Nous la regardions tous ahuris. Même mon guerrier des Highlands se rendait compte de l'ampleur de sa bêtise.

- Lana, je veux rentrer tu peux nous trouver un moyen pour nous ramener à la maison ?

Je me tournais vers l'écossais et lui posais la question silencieusement. Il se mit à sourire et me répondit :

- Ça va te coûter cher ma belle. Et puis nous n'avons pas pu faire tout ce qui est prévu. On s'est préparé pendant des semaines, ce n'est pas très cool de nous abandonner comme ça !

Au même moment, de nouveaux bruits de motos se firent entendre. Quelques secondes plus tard, Harry et Manuella arrivèrent tout sourire.

- Nous voilà !! Tu es prête Bia ? ce soir c'est ta soirée ! Ben vous en faites des têtes !

Je pris la parole en tenant Bia dans mes bras :

- Je ne crois pas que cela va être possible. Le kidnapping musclé a eu raison des nerfs de Bia. On rentre !

Sous le choc, Manuella coupa la caméra de son portable et regarda avec plus d'attention le visage strié de larmes de notre amie.

- Punaise, Clover tu t'es encore craquée ! Dans quel état tu nous l'as mise ?!

- Je ne pensais pas que les filles allaient y croire vraiment ! Elles sont trop sérieuses aussi !

J'hallucinais, je n'avais qu'une envie : lui en mettre plein la tête. Bia me retint en s'appuyant sur moi. Mon biker roux vint à ma rescousse et reprit la parole, nous rappelant que nous ne pouvions annuler la soirée. Il était pourtant inconcevable pour Bia de rester. Je me mis à réfléchir à toute vitesse.

- Vous pouvez faire ce que vous avez prévu mais sans Bia, elle est trop sous le choc, il n'y a pas moyen qu'elle reste.

- Ok, dans ce cas, on la ramène, mais c'est toi qui prends sa place !