Mais où est il passé ?
On le lui avait dit, mais il n'écoutait personne : à force de promener sa petite arbalète, par monts et par vaux, dans toutes les vallées, encaissées, boueuses, venteuses, humides ou pas, il allait finir par perdre le nord, le sens des réalités. C'est ce qui finit par arriver, Uillaume l'avait perdue, sa belle initiale, sans elle, les jouvencelles, belles bergères ou pas, ne le laissaient plus aller à sa guise. Le petit bois de devant, la prairie humide de derrière, la petite cascade et la grotte moussue lui étaient interdits désormais. Tant pis pour lui, pouvait-on les blâmer ?
Eh puis zut ! Il fallait qu'il fasse attention à ses affaires, n'avait on jamais vu une telle tête de linotte ?
Uillaume sans G, comme on l'appelait désormais, se baladait, penaud sans son initiale perdue. Il courrait de par les cantons désormais, pour essayer de la retrouver.
Etait-ce Julia, la fromagère qui l'avait conservé bien au chaud, dans ses meules de Gruyère ?
- Que nenni, répondit-elle, depuis la dernière fondue, ou tu avais perdu moult fois ton bout de pain, dans mon auguste chaudron, ou tu avais obtenus moult gages que tu t'étais empressé de t'acquitter, après avoir léché de ta langue rose le fond du poêlon, l'avais-tu encore ton initiale, t'ens-souviens-tu ? L'avais-tu encore lorsque le petit blanc tu as bu, que moi j'ai chanté quand le mien de point G tu as voulu croquer ! Reviens quand tu veux mon joli coeur, mais sois entier, sans ton initiale je ne puis te laisser entrer. Que ferais-je d'un Uillaume sans G ?
La bergère eut sensiblement le même discours:
- Autant chercher une initiale dans une meule de paille mon bon Uillaume, un trèfle à quatre-feuilles dans une prairie déjà broutée, le coquelicot est desséché l'été passé, le G l'hiver venu, s'il n'est pas conservé dans un endroit chaud sera gelé, reviens-moi au printemps prochain avec ton G mon pauvre Uillaume !
Il eut beau parcourir le Val de travers en zigs-zags, le Valais de coeur à pied, les Grisons à cheval, le Tessin en long et en large, Saint Gothard ne lui fût d'aucune aide, il avait la fâcheuse impression de s'être fait Berner !
L'avait- il laissé choir au bord du Rhône ? Il devait dormir au fond du lac de Genève dans ce cas là !
L'avez-il laissé choir dans l'escarcelle d'un Zurichienne ( je le sais, on dit chois !), mais j'ai rencontré Une Zurichienne, elle aboyait, couinait chaque fois qu'il... N'en parlons plus !
Il ne l'a plus, il ne l'a plus.
Alors qu'il pensait tel Moriarty, sauter dans les chutes de Reichenbach, pour atténuer sa douleur, il hésita, préféra déjeuner dans l'auberge voisine. Alors qu'il suçotait distrait un tournedos Rossini, bien entendu il prit un opéra au dessert, il aurait préféré une forêt Noire, mais il était trop au sud pour cela.
Mais revenons à notre Rossini et à son opéra, il eut l'idée d'aller voir la femme de son vieil ennemi,
Bailli, à qui il avait enlevé son H majuscule autrefois, pour une histoire de chapeau et de pomme. Elle exécrait son mari la dame Gessler, il le savait avec ou sans son G il serait toujours le bienvenu dans son lit.
Aussi vite dit, aussi vite fait, La belle Gessler hurla, le mari fut occis, le Guillaume retrouva son G dans les dentelles de la belle Autrichienne ( on ne dit pas chois, il me semble !) et que croyez-vous qu'il advint ?
Le beau Guillaume, fier de son G retrouvé se retrouva contraint et forcé marié.
La moralité de cette histoire ? Car il y en a une !
Des bergères il faut il faut se méfier, des veuves aussi et même des femmes à G !
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