Chapitre 9 (deuxième partie)

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En regagnant sa chambre, après cette longue journée de discussions et d'échanges en tout genre, Kaïra ressent une grande fatigue. Alors qu'elle dînait, Lorrek et Van'dal sont revenus sur certaines questions abordées au cours de la journée. Mais elle se sent lasse et ne participe guère. Il lui tarde d'aller se reposer. Lorrek le remarque et échange un regard entendu avec Van'dal.

- Pardonnez-nous, Majesté, de parler encore de ce qui s'est dit aujourd'hui, dit le Premier Conseiller. Ces journées sont longues pour qui n'a pas l'habitude.

- Nos Conseils vont me sembler des parties de plaisir comparés à cette journée, répond la reine avec un petit sourire.

Les deux conseillers sourient en retour.

- Nous vous laissons vous reposer, Majesté. Demain, nous retrouverons simplement les Gronfalls pour préciser les termes de notre accord. Si vous le voulez, nous pourrons les rencontrer seuls.

- Non, j'irai. Je les apprécie beaucoup. Et ce sera moins fatigant qu'aujourd'hui. Je vous remercie, dit-elle, mais permettez maintenant que je me retire.

Ils la saluent, puis une fois la porte refermée, tous deux reprennent leurs échanges.

- Ami, j'ai à vous faire part d'une demande, dit Van'dal.

- Laquelle ?

- Le prince Galiané m'a demandé la possibilité de rendre visite à notre souveraine prochainement. Je lui ai dit que nous avions à faire avec les Gronfalls dans les prochains jours, mais qu'elle serait certainement disposée à le recevoir ensuite.

- Il fallait s'y attendre.

- Je demanderai à Maître Olaf d'être présent.

- Oui, répond Lorrek, compte tenu de ce qui s'est passé durant notre traversée de Salarin, c'est plus prudent. Ne serait-ce que pour préparer notre voyage retour.

- Quel dommage que Maître Owen soit parti ! soupire Van'dal. Sa présence aurait renforcé encore la protection dont bénéficie notre reine.

- Oui, c'est regrettable que le Grand Maître n'ait pu envoyer une autre personne pour cette mission. Sans doute est-elle d'importance pour qu'il nous prive ainsi de sa protection.

- C'est ce que je me dis aussi.

**

Kaïra est dans sa chambre, Nijma et Nemna s'activent autour d'elle pour l'aider à se préparer pour la nuit. Nemna est en train de réaliser la lourde tresse et Kaïra songe avec tristesse que ce soir, elle n'aura aucune raison de la défaire. Où est Owen à l'heure qu'il est ? Où dort-il ? Regarde-t-il les étoiles ? Songe-t-il à elle ? Elle n'a aucun doute à ce sujet, qu'il pensera à elle ce soir, comme il le lui a promis. Elle attend avec impatience, plus que d'habitude, de pouvoir être seule. Quand enfin, les deux jeunes femmes se retirent, elle pousse un soupir de soulagement. Elle quitte le fauteuil sur lequel elle s'était assise, pour s'approcher de la fenêtre. Elle scrute le ciel, met un peu de temps à retrouver l'étoile d'Owen, il lui l'avait montrée au petit matin, et c'est seulement le soir, elle n'est pas du tout au même endroit dans le ciel. Elle se sent heureuse de la trouver, la fixe un long moment, puis se détourne et gagne son lit.

"Dire qu'il y a quelques heures, nous y étions tous les deux... Oh, mon amour... Prenez soin de vous, surtout, faites attention à vous..."

Elle se tourne un peu, cherche une meilleure position sur l'oreiller. Sa main se glisse en dessous. Elle sait que Nemna a changé les draps discrètement, et que la preuve de la perte de sa virginité s'est effacée dans l'eau claire, mais elle regrette presque de ne pas retrouver dans ses draps le souvenir de la nuit précédente. Elle ferme les yeux, revit ces heures si riches, si intenses, au-delà de ce qu'elle avait pu imaginer. Désormais, elle le sait, ses rêves se peupleront des images et des sensations qu'Owen a déclenchées en elle, et du tendre sentiment qu'elle éprouve pour lui.

**

- Je suis heureux de pouvoir m'entretenir avec vous, Majesté, commence respectueusement le prince Galiané alors qu'il vient de prendre place dans l'un des confortables fauteuils du salon.

Kaïra reste de marbre, marquant simplement d'un léger signe de tête son assentiment. Elle a eu le temps, lors de la grande réunion, quelques jours auparavant, de l'observer. Physiquement, il est plus grand que son frère, plus élancé aussi. Ses cheveux sont plus foncés, son visage aussi est différent. Seuls leurs yeux sont les mêmes. Elle perçoit très vite cependant qu'il est d'un caractère plus posé, moins colérique, que Bramé. Ce qui correspond à ce qu'on lui en avait rapporté. Mais cela n'en fait pas moins un homme ambitieux. Elle va comprendre aussi très vite - et cela confirme ses impressions lorsqu'il était intervenu pour défendre l'idée d'un droit de passage - que ses ambitions sont plus étendues que celles de son frère, qu'il a aussi une vision plus large de la politique et du règne.

- C'est la première fois que vous venez à une réunion des Régnants, n'est-ce pas ? demande-t-il très poliment.

- Oui, en effet. Mais vous également ?

- Non, lors de la dernière, mon père était venu et je l'accompagnais. C'est aussi pour cela qu'il m'a mandé pour le représenter.

- Vous êtes aussi au fait des affaires de votre royaume, intervient Lorrek.

Les deux conseillers, mais également Olaf et Dame Hilayna sont présents, cette dernière voulant se faire une opinion du prince qui sera peut-être le prochain roi de Salarin, leur proche voisin.

- Oui, certes. C'est ainsi que l'on défend au mieux les intérêts de son peuple.

- Nous sommes là pour défendre les intérêts des nôtres, certes, mais aussi pour veiller à la bonne entente et à la paix, dit Kaïra. Ne voir que notre intérêt est réducteur, notre rôle va au-delà.

En lui-même, Olaf sourit. La jeune souveraine vient de montrer une fois de plus la preuve de son intelligence. Mais, contrairement à Bramé, Galiané le perçoit également.

"Elle est fine. Intelligente. Même si elle a encore besoin de conseils et de soutiens de ses proches, elle a déjà une conscience des devoirs, des négociations. Elle ferait une épouse remarquable. L'union de nos deux royaumes en ferait une entité comme encore aucune n'a vu le jour en ce monde. Quatre peuples, un seul état."

- Bien entendu. Il nous faut toujours avoir à l'esprit les conséquences de nos actes, de nos décisions. Ce qui peut nous paraître juste et bon un jour, peut se révéler mauvais ou erroné le lendemain. Il n'est jamais simple de gouverner, et donc, de choisir. Que pensez-vous cependant de ce rassemblement ?

- Je pense que c'est très utile de se rencontrer à intervalles réguliers. C'est ainsi que nous pouvons faire avancer les choses, nouer des accords, y compris avec des souverains éloignés, que l'on ne rencontrerait jamais s'il n'y avait cette réunion. Cela permet aussi de réfléchir à certaines questions, de trouver des idées…

- Puis-je vous demander votre avis concernant le droit de passage ? C'est une question importante à mon sens, mais vous n'êtes pas intervenue lors du débat à ce sujet…

- J'ai préféré écouter les différents avis, comprendre ce qui pouvait être important pour les uns, les autres. Réfléchir aux arguments présentés, soit pour, soit contre cette idée. Je ne me suis pas encore forgé une opinion. C'est une décision très importante. Il me semble qu'il ne faut pas la prendre à la légère. Elle mérite réflexion.

Galiané ne le montre pas, mais lui qui était venu en espérant obtenir son soutien comprend qu'il ne sert à rien de forcer la main de la jeune souveraine. Il s'enquiert alors de choses et d'autres, plus insignifiantes, avant d'aborder la question du retour de Kaïra et des siens en Rankir.

- Majesté, vous aurez à traverser mon royaume à nouveau pour rentrer chez vous. Vous le savez, nous rencontrons certaines difficultés, notamment près de la frontière avec Petimont. Et j'ai ouï dire que vous aviez affronté des brigands avant d'arriver à Petimont.

- En effet, dit Lorrek.

- Si vous le souhaitez, vous pourriez faire la route avec ma propre escorte. Cela nous serait profitable à tous, vous, comme nous. Nous formerions ainsi une troupe suffisante à laquelle nul n'oserait s'opposer. Je pourrais également vous adjoindre une troupe pour effectuer la fin du voyage, jusqu'à votre frontière.

- Nous vous remercions de votre proposition, Prince Galiané. Nous l'étudierons avec attention, conclut Kaïra.

- Merci, Majesté. Je ne veux pas abuser de votre temps, mais j'espère vous revoir bientôt, dit le prince en saluant, comprenant aux derniers mots de Kaïra qu'il est temps pour lui de se retirer.

Après son départ, Kaïra se tourne vers Olaf.

- Maître Olaf, que pensez-vous de cette proposition ?

- Et bien, ma foi, Majesté, elle ne me surprend guère. Mais vous avez bien répondu. Je vais en parler avec le Grand Maître.

- Savez-vous qui vous accompagnera pour remplacer Maître Owen ? demande-t-elle encore.

- Pas pour l'heure, mais cela ne saurait tarder.

- Faites-moi part des décisions du Grand Maître dès que cela sera possible, voulez-vous ?

- Je n'y manquerai pas. Je vais vous laisser, Majesté. Je serai présent demain pour la signature de l'accord avec les Gronfalls.

- Merci, Maître Olaf. Passez une bonne fin de journée, le salue-t-elle avec un léger sourire.

**

- Alors, votre Altesse, êtes-vous satisfait de votre rencontre ?

- Tout à fait. Elle est telle que je l'imaginais, mais plus mature encore.

Le prince Galiané a regagné ses appartements et s'entretient avec Norik.

- J'ai proposé qu'ils bénéficient de notre escorte pour traverser nos terres. Connaissant mon frère, ce dernier a dû être des plus directs.

- Cela ne peut que vous être profitable de vous montrer plus réservé.

- Mon frère est trop colérique. C'est ce qui le perdra. Etre en bons termes avec la souveraine de Rankir ne peut que me servir. Cela n'est cependant pas suffisant. Une alliance entre nos royaumes serait une grande avancée.

- Il faut un mariage pour cela, votre Altesse.

- J'y songe bien, ne t'en fais pas. Mais je tiens à m'attirer ses bonnes grâces. Et maintenant que le Grand Maître a renvoyé cet Owen…

- Cette décision sert bien vos projets.

- Tout à fait. Il est parfois utile de lancer certaines rumeurs, n'est-ce pas ? Même si je pense que le Grand Maître n'en avait pas besoin pour percevoir certain danger.

- Je le pense aussi. Il se dit qu'il pourrait accompagner la reine lors de son retour en Rankir. Cela ne serait-il pas fâcheux ?

Galiané réfléchit quelques secondes avant de répondre :

- Quelle que soit la décision du Grand Maître, nous ne pourrons nous y opposer. Nous en tiendrons compte. S'il fait partie de l'escorte, nous considèrerons cela comme un honneur aussi pour nous. N'oublions pas que les souverains de Rankir sont très proches de l'Ordre des Gardiens.

- Et s'il ne vient pas ?

- Nous saurons aussi en tirer profit. Mais allons, nous devons maintenant préparer les dernières réunions.

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