- …Et donc, G’jeci, une fois le portail inter-dimensionnel franchi, nous nous sommes tous les quatre retrouvés dans une immense caverne baignée d’une lumière orangée. Ça ressemblait un peu à l’apocalypse. La lumière sortait des fissures du sol, et puis il faisait chaud, on se serait cru dans un volcan. Entre les crevasses et les murs, nous avions une sorte de chemin à suivre. Enfin, quand je dis chemin, c’était plus un genre de labyrinthe qu’autre chose.

- Ça ne devait pas être facile pour savoir où aller ?

- On a fait au plus simple. Vu que le terrain était en pente, on s’est dit qu’il faudrait aller tout en bas, donc on prenait à chaque fois la direction qui descendait le plus. Il fallait aussi qu’on soit discret. D’ailleurs, on a dû tuer quelques créatures dans notre descente mais rien de bien méchant. Surtout que nous n'avancions pas n'importe comment. Silent le guerrier, en première ligne, moi juste derrière avec mon arc prêt à tirer, Cphaaï, notre prêtresse pour qu'elle soit protégée et Arnad l'épéiste pour couvrir nos arrières.

- Je suppose que c’est après que ça s’est corsé ?

- Exactement. On est descendu et il était là, au détour d’un couloir. On a d’ailleurs failli se faire surprendre, bien que le résultat aurait été quasi le même. Une grande créature faite de flammes et d’ombre était au milieu d’une immense salle.

- Un Balrog ?

- A ce moment, on n’a pas pris le temps pour lui demander ce qu’il était, mais ça y ressemblait. Après coup, Cphaaï, notre prêtresse, l'a identifié comme un Gabrol, une grosse créature oubliée faite de flamme et de d’ombre. Tu auras noté la majuscule qui montre que ce n’est pas un monstre en toc. Surement un cousin du Balrog ou une copie, heureusement qu’il n’y a pas de copyright.

- Tu m’étonnes.

- Enfin, toujours est-il que l’on avait mis une super stratégie en place. Cphaaï qui enchante mon arc pour que je tire des flèches de glace, elle, qui prépare un puissant sort de lumière. Arnad, caché de l’autre côté derrière une stalagmite, qui attire son attention après le sort de Cphaaï et mes flèches, pour que Silent lui saute dessus depuis un promontoire pour donner un coup vertical qui tranche bien. Sur le papier, c’était nickel.

- Et en pratique, qu’est ce qui a capoté ?

- Le pire dans tout ça, C’est que le plan a fonctionné à merveille. On est sorti de notre cachette. J’ai balancé trois flèches de glace et Cphaaï son sort de lumière, le genre de sort qui fait tomber en poussière vampire et mort-vivant. Et bah, tu vois ce que fait une piqure de moustique ?

- Tu ne sens rien et après ça gratte affreusement.

- Voilà. Pour le Gabrol, c’est ce que notre attaque lui as fait, mais sans le grattement.

- Il était si puissant ?

- Attend, c’est pas fini, car nous n'avions pas vu tout de suite que ça ne lui avait rien fait. Ainsi, Arnad s’est mis à découvert, comme prévu. Il a bien attiré son attention, comme prévu. Au lieu d’aller vers nous, le Gabrol est allé vers Arnad, comme prévu. Le seul truc pas prévu, c’était sa vitesse. En un battement de cœur, et nos cœurs battaient plutôt vite, il avait franchi la distance le séparant de l'épéiste, et en un deuxième battement, le monstre lui avait fait comme pour un moustique, on lui met une grande baffe dans sa face. A proximité d’une surface dure de préférence, là, la stalagmite.

- Et il est mort ?

- Je pense que lorsque l’on passe de l’état solide à l’état liquide en un fragment de seconde, on a tendance à développer un terrain favorable au décès prématuré.

- C’est triste.

- On a pas eu trop le temps d’y penser, car ça sentait le roussi pour nos fesses. Mais Silent a surgi du haut de son rocher pour sauter sur le Gabrol. Durant sa chute, il nous a crié “fuyez”. C’est ce qu’on a fait. Silent s’est sacrifié pour nous.

- Qu’est-ce qu’il est devenu ?

- Alors, je t’avoue. Je me suis pas retourné. J’étais un peu occupé à sauver mes fesses. Mais Cphaaï a pu jeter un œil derrière elle et elle a vu une grande gerbe de flamme fondre sur Silent.

- C’était un brave.

- Oui ! Je n’oublierai pas son geste.

- Et vous avez fait quoi ensuite ?

- Ensuite, on peut s’estimer heureuse qu’il ne nous ait pas pourchassé. Avec le boucan que nous avions fait, pas mal de bestioles venaient vers nous. En une flèche ou deux, ils y passaient. Seulement, ils commençaient à être hyper nombreux et ça devenait assez chaud pour nous. Cphaaï a donc lancé le sort de téléportation que nous étions censé utiliser une fois la mission terminée. C’était compliqué car même si le sort était préparé, sa concentration pour le lancer n'était pas assez longue pour choisir la destination, donc on pouvait débarquer n’importe où.

- C’est super dangereux.

- Moins qu’un Gabrol et tous ses mignons. Et puis nous avons eu de la chance, nous sommes apparues au milieu des vignes, pas très loin d'ici. On a rejoint le village, on s’est mis à la taverne et on a bu à la mémoire de nos camarades et aussi pour oublier. Et le lendemain matin, j’ai raccompagné Cphaaï à son temple où elle va reprendre ses responsabilités de prêtresse et ensuite je suis revenu.

- Donc, la fin du monde est pour bientôt ? Il nous reste combien de temps ? On ne peut vraiment pas vaincre le Gabrol ?

- Si. Le Gabrol peut surement être vaincu, mais par un groupe d’aventurier avec un bien meilleur niveau que nous avions, et aussi avec beaucoup plus de personne. A quatre, on était un peu léger. Et pour la fin du monde, c’était il y a trois jours.

- Mais j’ai rien vu.

- En effet, Il n’y a rien eu. Mais tu sais, je t’ai déjà dit dans un autre récit que des fins du monde, tu en as un paquet tous les mois et qu’aucun ne se réalise. Ce cataclysme-là n’a pas fait exception. Une équipe a dû réussir à vaincre le monstre.

- Tu n’as pas eu non plus le trésor ?

- Je sais, c’est dommage. Mais au moins, je suis vivante. Etre riche, ça sert à rien une fois que tu es mort.

- Etre pauvre non plus.

- Amen, ma chère G’jeci.