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Le casque vissé sur les oreilles, ritournelle pop au refrain sucré, Kiryu marchait d’un pas décidé dans un Akihabara fantôme aux mille néons : des dégradés d’enseignes aux kanji lucioles scintillaient comme des étoiles. Plus que tout, il aimait cette ville de lumière, loin du foisonnement bruyant, lent bourdonnement, imposé par le jour laiteux et ses visages blêmes.

Quelques rues plus loin, ses amis l’attendaient au Maid Café pour deviser d’un nouveau manga virtuel : son rendez-vous préféré ! Or, son regard fut attiré par une silhouette de geisha qui, d’un geste assuré, cacha sous une des manches de son kimono une longue paire de ciseau. Elle suivait un homme dans une petite rue aux boutiques abandonnées, qui fermaient une à une leurs portes. On y trouvait des vestiges du temps passé : des composants informatiques du siècle dernier.

Porté par sa curiosité et une étrange sensation - celle de la connaître - Kiryu la suivit et assista malgré lui au meurtre d’un jeune yakuza qui, d’un air dédaigneux, ne répondit pas favorablement à cette requête qu’il jugeait enfantine : suis-je belle, sans mon masque ?

Kiryu ne manqua rien de cet assassinat, affichant sur son visage un air aussi placide que celui qu’il prenait en vivant une série avec son OS intégré, année 2089. D’un coup, il eut un déclic, et sortit de cette douce torpeur.

C’était Kuchisake-onna en personne !

Kuchisake-onna, la légende urbaine japonaise la plus fascinante !

Celle qui, enfant, le faisait frémir dès lors qu’il voyait une femme s’approcher puis lui sourire !

Il pensait que ce sourire s’étendrait de la commissure de ses lèvres à ses oreilles et qu’elle le croquerait tout entier comme un monstre d’ombre ! Il en rêvait souvent, recroquevillé sur son futon, mouillé de sueurs froides et d’urine.

À dix-neuf ans, il n’avait plus peur de ces histoires à dormir debout, mais la voir ainsi, en chair et en os, laissant derrière elle un cadavre ensanglanté, voilà qui le fascinait. Il s’imaginait déjà raconter cette étonnante rencontre à ses amis ! Ils ne le croiraient pas, mais qu’importe ! Certains se moqueraient, d’autres iraient de leur petite anecdote. Cette pimbêche de Leiko se vanterait à nouveau d’avoir déjoué l’Aka Manto !

Mû par son enthousiasme et contre la mise en garde de son OS, il l’appela, alors qu’elle ajustait sur son visage diaphane un masque à gaz :

« Kuchisake-onna ! »

Qu’avait-il à craindre après tout ? Il savait quoi répondre à cette femme devenue créature !

Kae se retourna, étonnée qu’un homme l’interpelle ainsi par cette nature immonde qui la caractérisait. Pourtant, depuis des siècles, elle tuait en toute impunité les hommes qui refusaient ses avances, Personne jusqu’à ce jour ne l’avait surprise dans ce qui était devenu un rituel. Sans se méfier, elle s’avança vers le jeune emo qui la dévisageait avec un sourire presque aussi large que le sien.

« Me trouves-tu belle ? demanda-t-elle comme à son habitude.

- Et comment ! s’excita le jeune homme qui tremblait d’excitation ! Sublime !

- Et maintenant ? continua-t-elle en enlevant son masque.

- Encore plus belle Kuchisake-onna ! Tu es merveilleuse, je suis ton plus grand fan depuis… »

Il n’eut pas le temps d’en dire davantage : laissant tomber sa paire de ciseau encore souillée de sang, Kae fondit sur lui - et dévora son visage de baisers carnassiers !

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