Chapitre III : Si tu veux
Coquelicot contemplait ses mains croisées sur ses genoux. La gare bruissait de monde. L’inquiétude le rendait sourd au bruit extérieur. Après le choc, il avait distinctement vu, impuissant, la capsule de Clem tomber droit vers la rivière et plonger dans les eaux. Elle était réapparue quelques mètres plus loin, avant de disparaître dans une courbe. Coquelicot aurait volé à son secours, littéralement, si le câble ne l’avait pas rattaché à l’appareil. Comment, d’ailleurs, avait-il pu se briser si facilement ? Clématite avait-elle été blessée dans le choc ? Réussirait-elle à sortir de la capsule ? Où échouerait-elle ? Serait-elle seulement encore en vie ? Dans quel état ? Car si elle était une excellente pilote et une remarquable coureuse, elle restait une bien piètre nageuse. A la différence de Mauve…
Pour la millième fois, il releva la tête et détailla les visages des rescapés, comme s'il espérait que Clématite s’y trouve. Puis son regard s’égara sur l’activité disparate qui régnait dans le grand hall. Un agent de sécurité vêtu de bleu fendit la foule dans sa direction.
- Excusez-moi, vous êtes Coquelicot Rameaufleuri ?
Le Myrmidon hocha lentement la tête.
- Celui qui accompagnait Clématite Pointsemé ?
- Ou…oui.
Sa voix lui semblait rouillée. L’officier esquissa un sourire compréhensif.
- Suivez-moi.
Les deux hommes parcoururent de nombreux couloirs. Cela faisait longtemps qu’ils ne croisaient plus personne. Coquelicot pressait le pas. On allait lui donner des nouvelles de Clématite, c’était certain. Mais seraient-elles bonnes ?
- Je m’appelle Lupin Graingermant. Mais appelez-moi Monsieur devant mes supérieurs.
Lupin, donc, ouvrit une porte si habilement dissimulée que Coquelicot aurait pu passer mille fois devant sans la voir. Les deux officiers qui se trouvaient dans la petite salle affichaient une mine sombre.
- Coquelicot Rameaufleuri ?
- Oui. Vous avez retrouvé Clématite ?
L’homme qui venait de parler ouvrit des yeux surpris par cette vivacité. Il soupira, son regard se fit sévère et il désigna un curieux relief caché par un drap dans un coin de la pièce.
- Non. Mais nous avons quelques questions à vous poser.
Le jeune Myrmidon oscillait entre inquiétude et colère. Où était-elle ? Ils ne la cherchaient même pas ! Pire encore, on aurait dit qu’ils l’accusaient… De quoi ?
- Regardez ça.
D’un geste décidé, le second officier fit voler le drap.
- Oh. Et…Qu’est-ce que c’est ?
- Une pièce à conviction, jeune homme.
Il déposa sur la table un morceau de câble métallique et des circuits imprimés d’un bleu électrique.
- Voyez-vous, le suspenseur ne s’est pas brisé par hasard. Il a été saboté.
- Nous avons retrouvé des traces de manipulations dans les circuits, visant à empêcher la communication et la distribution du gilet, renchérit le premier.
- Toutes les raisons sont réunies pour penser que…
- Cet accident n’en était pas un, termina Coquelicot, abasourdi.
- Exactement. L’appareil a été saboté et le bourdon dirigé par quelqu’un qui voulait, et veut sans doute toujours, la mort de Mlle Pointsemé et seulement elle. Sa capsule était la dernière.
L’homme posa ses mains à plat sur la table et se pencha.
- Savez-vous où se rendait Mlle Pointsemé ?
- Au…
Il hésita un instant à révéler la vérité. Mais ce pouvait être un élément déterminant pour l’enquête.
- Au bureau des Guides de Futaix. Elle…
Quelque chose s’enclencha dans sa tête. Bien sûr !
- Elle était à la recherche de sa sœur Mauve, qui a disparue ce matin.
- Les ravisseurs voulaient l’empêcher d’y parvenir, intervint Lupin, arrivant à la même conclusion que Coquelicot.
- Est-elle encore en vie, au moins ? souffla ce dernier.
Lupin posa une main sur son épaule.
- Courage. Il y a de bonnes chances.
- Elle nage très mal.
- La rivière se calme après le tournant. Si la capsule a tenu, elle sera…
Le jeune soldat se figea et porta une main à sa ceinture. Il se retourna vers Coquelicot. Il arborait un sourire jusqu’aux oreilles.
- Deux vibrations.
- Quoi ?
- Deux vibrations dans mon boîtier. C’est le signal.
- Ça veut dire quoi ?
- Qu’ils l’ont retrouvée.
Clématite ouvrit les yeux et resserra ses bras contre elle. Elle grelottait encore. Son maigre abri ne la protégeait pas du froid. Elle ne réussissait même pas à s’endormir. Le bruit de la rivière à quelques pas l’en empêchait aussi. Elle soupira et se retourna pour ne plus la voir. Mais elle avait terriblement soif. Torturée, la Myrmidone finit par se lever et se dirigea vers la plage d’un pas mal assuré. Son regard tomba sur les énormes racines qui l’avaient sauvée tout à l’heure. Elle reconnut même la place où ses mains s’accrochaient après avoir lâché l’herbe. Elle se souvenait de la peur qui l’avait saisie à l’idée de trébucher et de retomber dans les flots grondants qui semblaient furieux de l’avoir laissée échapper.
Elle grelotta encore et s’agenouilla pour boire quelques gorgées. Se redressa. Épuisée et frigorifiée, elle retourna se glisser sous les herbes penchées en surplomb de la rive. Puis, après réflexion, elle s’allongea sur une pierre plate éclairée par le soleil, espérant qu’elle se réchaufferait. Son regard vagabonda dans le ciel au-dessus d’elle. Comment allait Coquelicot ? Et Mauve ? Pouvait-on la retrouver ? Quelques nuages recouvrirent le soleil. Elle grogna et se redressa. Un ronronnement l’arrêta. Mi-inquiète mi-curieuse, mais surtout excitée, elle scruta le ciel. Si c’était une abeille, elle était à peu près certaine de pouvoir atteindre la station.
L’engin qui approchait ne ressemblait guère à une abeille mais plutôt à un vaisseau militaire. Peut-être à sa recherche ? Elle se leva et agita les bras. Aussitôt, l’appareil descendit vers elle et se posa sur la plage. Elle sauta de son rocher, mais la fatigue la fit vaciller et elle s’écroula sur le sable avant d’avoir pu faire un pas. Elle vit, dans un brouillard, une silhouette courir vers elle.
- Vous êtes Clématite Pointsemé ?
- Oui…
- Ne bougez pas. Nous étions à votre recherche. Vous avez mal quelque part ?
- Non, mais…Je suis glacée.
Le sauveteur la souleva sans paraître fournir le moindre effort. Un autre l’allongea dans l’appareil et posa à côté d’elle un petit chauffage portatif. Le Myrmidon dégageait une odeur très douce.
- Vous voulez manger ou boire quelque chose ?
- Non, je… Comment va Coquelicot ?
- Tss… Mauvaise réponse. Tenez.
Il lui tendit un gobelet fumant et trois biscuits.
- Merci.
- Coquelicot, vous dites ?
Il consulta un petit écran détaché de sa ceinture.
- Il y a un Coquelicot Rameaufleuri parmi les réfugiés. Il est arrivé sain et sauf à la station.
Un immense soulagement envahit la jeune fille. Il allait bien ! Son bienfaiteur sourit. Elle grignota un biscuit.
- Où sommes-nous exactement ?
- Juste après le siège des entreprises Bouillon, vous voyez ? Ce n’est pas très loin de la station. Nous serons bientôt arrivés.
L’autre sauveteur lança du poste de pilotage :
- Jasmin, tu envoies le signal à ton frangin ? Ne faudrait pas qu’il s’inquiète.
- D’ac. C’est combien de vibrations ?
- Deux, et bien senties !
Clématite, qui savourait le liquide parfumé, sourit puis, dans la chaleur et l’odeur sucrée de Jasmin, elle glissa lentement vers les limbes du sommeil.
La pluie tapait fort aux carreaux. Absorbé dans sa contemplation, Coquelicot sursauta quand son amie jaillit dans la petite salle de l’auberge. Sa bonne humeur manifeste contrastait avec le temps gris. Une bonne nuit de sommeil et elle redevenait explosive, irradiante de joie.
- Youhou ! Je suis en pleine forme ! Dépêche-toi, Coq', je suis déjà en retard !
- Hé, mais tu n’as rien avalé !
- Ah, oui, c’est vrai.
Il leva les yeux au ciel et lui lança une brioche.
- En retard pour quoi ?
- Pour le bureau des Guides, tiens !
- Tu as pris rendez-vous, déjà ?
- Mais non, bêta ! Simplement, j’ai déjà perdu une journée avec cet accident et ces interrogatoires…J’ai déjà eu de la chance qu’ils me laissent repartir sans escorte ! Les bureaux ouvrent à neuf heures, il est hors de question que je perde une minute de plus !
- Au fait, regarde la carte et la boussole. Elle a peut-être changé de place ?
Elle détacha de son cou la boussole magnétique pendant qu’il dépliait la carte.
- Apparemment non.
- Ouf. Et merci de m’avoir ramené mes bagages. J’ai perdu mon sac dans les rapides.
- De rien.
- Ça ne va pas ? s’inquiéta-t-elle en le voyant se rembrunir.
- Si, si, ça va. C’est juste que tu me jettes comme une aile de puceron moisie pour partir avec un beau guide musclé…
- Mais non... je suis désolée, mais tu sais, avec ton boulot…
Puis elle s’aperçut qu’il riait.
- C’est malin ! lança-t-elle en lui assenant une petite tape sur la tête avec un grand sourire.
Il riposta en lui envoyant une brioche, qu’elle esquiva en se glissant par un couloir latéral. Son rire cascada longtemps après qu’elle eut disparu. Coquelicot soupira. Il n’était censé l’accompagner que jusqu’ici, il devait rentrer chez lui. Mais il aimerait tellement y aller avec elle ! Il détestait l’attente et les énigmes irrésolues. Être réduit à se tourner les pouces à Perchette pendant que mille aventures palpitantes se déroulaient sans lui ? Pas question ! Il esquissa un sourire. Il lui venait une idée…
Clématite s’était perdue dans les couloirs lambrissés. Des centaines de corridors perçaient chaque tronc.
- Un vrai labyrinthe, grinça-t-elle entre ses dents.
Elle caressa les murs couleur de miel. Les Colonbois étaient à peu près les seuls à savoir se repérer dans ces immenses métropoles creusées dans le bois vivant. Elle savait que le bureau se trouvait au 39ème étage, mais elle ignorait même si elle se trouvait toujours dans le bon arbre ! Elle ronchonna un peu et se remit en marche. Sa bonne humeur proverbiale n’excluait pas de violentes colères lorsqu’elle se sentait impuissante, ce qui était précisément le cas. Aussi, un malheureux cul-de-sac se retrouva copieusement insulté, et une intersection qui ne demandait rien à personne arrosée de jurons, avant qu’elle ne se résigne à demander son chemin.
Il était près de 11h quand elle obtint enfin un rendez-vous avec Géranium, guide de son état.
- Vous êtes seule ? demanda-t-il sans préambule.
- A voyager ? Oui, mais au retour nous serons deux.
- Je ne couvre pas le retour. Vous avez du matériel ?
- Quoi ? C’est une plaisanterie ! Vous n’allez pas nous laisser sur place comme deux limaces à sec !
- Dans ce cas, il faudra me payer pour deux voyages, rétorqua-t-il, imperturbable.
Mais Clématite ne comptait pas se laisser impressionner.
- O.K. Autre chose ? cracha-t-elle avec toute l’agressivité dont elle était capable.
- Vous avez du matériel ?
- Quel genre ? J’ai des cordes, des tenues solides, des aiguillons de ronces pour grimper, des triangles de...
- Une arme ?
- Ceci.
Elle sortit de son sac à dos un couteau superbe, brillant, fait d’un élytre de scarabée aiguisé d’un vert éblouissant à reflets d’or.
- Mmh. Pas terrible. Et une arme longue ? répondit-il en masquant sa surprise.
- Pas encore. J’espérais que vous sauriez me conseiller.
Espoir révolu, songea-t-elle. Ce voyage risquait de se transformer assez vite en calvaire…
- On verra. Destination ?
- La maison des Mégas, sauf modifications.
- Au revoir, mademoiselle.
- Pardon ?
- Aucun guide ne sera assez fou pour se risquer dans un endroit pareil. Renoncez à cette idée. Bon retour !
La porte claqua. Une seconde plus tard, une chaise s’y brisait.
- Imbécile !
Poings serrés, dents serrées, elle rangea son couteau, reprit son sac. Trois coups claquèrent sur la porte. Clématite ouvrit d’un geste rageur.
- Si c’est pour vous excuser, espèce de chiure d’acarien, vous pouvez aller… Oh, pardon.
Car la porte s’ouvrit sur un jeune homme arborant un sourire éblouissant, portant l’insigne des Guides.
- Je vous ai entendus. Excusez-moi d’être indiscret, mais vous avez fait un drôle d’effet à Géra !
- Il dit que personne ne voudra m’accompagner là-bas ! Peu importe, j’irai seule s’il le faut.
- Qu’avez-vous à faire là-bas de si important ?
Elle se figea.
- On ne vous a donc jamais appris la politesse ? En particulier ne pas être trop curieux ?
- Excusez-moi, répliqua-t-il avec son grand sourire inébranlable. Mais Géranium s’est trompé.
- A quel sujet ?demanda Clématite, intriguée malgré elle.
- Il existe un Guide assez fou, ou intrépide, pour vous y emmener.
- Vraiment ? Et qui ça ?
Elle tentait de garder sa mine exaspérée, mais elle se rendit compte que face à lui, c’était pratiquement impossible.
- Vous l’avez devant vous. Moi, Cerfeuil Grainerouge, je m’engage à vous mener jusqu’à la maison des Mégas, sauf si vous changez d’avis, bien sûr.
- Ce n’est pas demain la veille !
- Je peux maintenant vous demander pourquoi vous aller à un endroit si dangereux ? Et votre nom, si ce n’est pas trop curieux pour vous ?
Il se moquait d’elle, elle le voyait bien, mais elle se rendait compte avec stupéfaction qu’elle était incapable de lui en vouloir. Elle sourit.
- Je m’appelle Clématite Pointsemé. Je suis à la recherche de ma sœur Mauve, qui a été enlevée hier.
- Enlevée ?! Bon, on se tutoie ? Voilà tellement longtemps que je voulais accomplir un exploit chevaleresque, me faire une réputation, quoi ! Sauver une demoiselle en détresse dans le pire endroit d’Elakiste me paraît adapté. Tu veux partir quand ?
- Dès que possible.
- Marché conclu ! claironna-t-il, visiblement joyeux en serrant la main de Clématite avec énergie.
- Merci, Cerfeuil.
- C’est moi qui te remercie. Tu viens de m’offrir l’occasion de ma vie !
Une fois accomplies les formalités, Clématite exposa l’itinéraire qu’elle prévoyait. Puis ils se rendirent dans quelques magasins d’équipement (Cerfeuil se repérait à merveille dans la tour de bois) où la Myrmidone acquit une longue épée faite d’un aiguillon de guêpe sur un manche en bois sculpté.
- Très bon choix, commenta Cerfeuil. Maintenant, il nous faut des fourmis. Allons chez Bouillon.
- Et toi, tu as une arme ?
- Oui.
Il sortit de son paquetage une lame en épine d’ortie. Fascinée par son éclat, Clem voulut la caresser mais le Guide l’arrêta d’une main.
- Pas touche, il y a du venin dessus, précisa-t-il.
Il la glissa dans son fourreau.
- Bon, on y va ?
Elle paya ses achats en graines de Séquoia, monnaie fabriquée exclusivement à la mairie de Futaix. Cerfeuil l’entraîna dans les couloirs sculptés, colorés selon les cernes du bois. Soudain, Clématite perçut un souffle d’air. Elle interrogea son guide du regard. Il lui sourit, goguenard. Le couloir débouchait à l’extérieur de l’arbre. Le vent qui la frappa soudain manqua la faire tomber. Le Myrmidon la retint en l’attrapant par le bras. Elle ferma les yeux pour maîtriser son vertige. Les troncs immenses, verticaux, se perdaient dans la brume vers le haut, et elle n’osa pas regarder vers le bas. Sur une abeille, être en hauteur ne lui posait aucun problème, mais cet abîme vertigineux… Le guide lui attrapa fermement la main pour la poser sur du métal.
- Accroche-toi là.
La main fermement serrée sur la barrière, elle le suivit le long d’une minuscule passerelle qui courait sur tout le tour du tronc. Mais la barrière s’interrompit. Son compagnon se retourna vers elle.
- Ça ne va pas forcément te plaire, mais c’est le seul moyen…
Il ouvrit une petite porte dissimulée dans l’écorce et en sortit un crochet aimanté qu’il fixa à l’énorme câble qui se balançait mollement dans le vent.
- Le câble aboutit sur un autre arbre. Ça s’appelle une tyrolienne. Tous les habitants de Colonboï raffolent de ce moyen de transport.
- Mais…ce n’est pas…risqué ?
- Pas trop. Les crochets sont révisés chaque année par des ingénieurs. Ils peuvent supporter un kilogramme chacun.
- Oui, mais si on lâche la poignée ? s’inquiéta-t-elle en désignant la barre entourée de mousse adhérente.
- On ne tient pas qu’avec ça ! Tiens, enfile un harnais.
Même avec la courroie passée sous les épaules, elle ne se sentait pas très rassurée. Mais hors de question qu’il se moque d’elle à ce sujet. Il la devança, passa la corde reliée à son harnais dans le petit anneau correspondant et se plaça sur la plate-forme de départ.
- Ça sonnera quand je serai arrivé. A ce moment-là, tire sur le filin qui est là pour ramener la poignée. Je t’attends là-bas. Tchao !
D’un bond, il s’élança dans le vide. Aussitôt, le câble se tendit. Clématite le regarda rapetisser tout en se bouchant les oreilles. Le bruit du crochet coulissant sur le suspenseur lui perçait les tympans. Elle sursauta et faillit tomber lorsque le sifflement annoncé retentit. Ravalant sa peur, elle avança. Puis ses mains se crispèrent sur le filin et elle le tira. La poignée était légère et revint beaucoup plus vite qu’elle ne l’aurait voulu. Elle mobilisa toutes ses forces pour ne pas regarder en bas. Le vent balançait le câble de façon menaçante.
- Il est passé, tu passeras, se morigéna-t-elle, c’est pour Mauve. La clématite est une plante grimpante, nom d’un bourdon ! jura-t-elle entre ses dents.
Elle regarda le minuscule Myrmidon qui lui faisait des signes à l’autre bout de la ligne, inspira profondément et se lança.
D’abord, pendant une courte seconde, elle n’eut pas conscience d’avoir quitté le sol. Puis ce fut une chute fantastique vers le bas. Elle oubliait de hurler tant la terreur l’étranglait. Elle crut que le crochet avait lâché. Le vent fit claquer sa veste. Après cette effrayante seconde, tout se calma aussi brutalement que cela avait commencé. Elle commença alors à glisser calmement le long du câble, à une vitesse impressionnante. Soulagée, elle éclata de rire. Les rafales ne la touchaient plus, l’air glissait sur son visage, elle volait. La sensation était extraordinaire. Elle ne put se retenir de pousser un cri de jubilation. Il lui semblait nager sans effort au milieu des spirales brumeuses et envoûtantes. Elle se sentait esprit de l’air. Ou papillon.
L’autre tronc arriva beaucoup trop vite. Elle tendit les jambes et accrocha la plate-forme d’arrivée. Son élan faillit la projeter contre Cerfeuil qui arborait un sourire large comme une chenille du roncier Est. Clématite, trop euphorique pour s’en formaliser, se détacha du câble et lui adressa son sourire le plus lumineux.
- C’était… grandiose, magnifique, formidable ! hurla-t-elle sans reprendre son souffle.
- C’est l’effet que ça fait en général aux visiteurs. C’est probablement le meilleur souvenir que tu ramèneras de Colonboï.
- Avec le tien.
Cerfeuil sourit.
- Si tu veux.
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