L'histoire - 7 -

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— Je suis un peu perdue ! Au service du Prince, Martin savait se montrer malin. Là, il se fait embobiner par un margoulin, puis, au lieu de se méfier, il sonne toute sa confiance à Nayrague…

— Je suis d’accord, Nathalie, c’est un peu incohérent, du moins inexplicable. Martin a raconté ce qu’il a voulu, Léon a interprété à sa façon et Émile selon sa morale… Du reste, on va laisser Émile et son style ! On reviendra sur lui plus tard. On sent quand même que Nayrague était un fin renard, honnête mais très malin ! Il a placé son fils et pris en gestion cette fortune, ce qui a dû bien l’aider dans cette période où beaucoup ont tout perdu.

— Je pense quand même qu’une grande dose d’amitié était présente.

— L’objectivité d’Émile peut être mise en doute, car sa mère était une Nayrague. De toute façon, c’est une jolie histoire ! Cette amitié entre les deux familles va durer sur plusieurs générations… Armand Nayrague est le parrain du fils de Martin, Léon, et cela va continuer à se croiser, puisque Léon est le parrain du fils d’Armand.

— Tu m’embrouilles ! On résume : Martin vient de se marier, en 1722, avec Ophélie qui a vingt-cinq ans. Il devient propriétaire du Petit Lampeyrac et a placé le reste en rentes chez le père de son régisseur, ce « bon monsieur » Nayrague. Il n’a plus qu’à se la couler douce ! Et la maison ?

— Jonhac, c’est encore douze ans après ! Pour le château du Petit Lampeyrac, on n’a rien trouvé. Le lieu-dit existe toujours, mais aucune trace de ce château. Lampeyrac est à plus d’une heure à cheval ou en carriole de Rodès. Sans doute beaucoup plus avant l’ouverture de la route. Pas étonnant qu’ils aient voulu une maison au milieu de leurs terres, malgré tous les travaux réalisés dans leur hôtel de Rodès.

— Je ne comprends pas bien cette histoire de route…

— Jusqu’en 1740, il n’y avait aucune route dans le pays, juste des chemins pour les carrioles. C’est Gaspard Lescalopier, intendant de la généralité de Haute-Guienne, sur ordre du roi, qui commença à tracer les routes de la région, dont celle de Rodez à Cahors. Comme la corvée royale était difficile à obtenir, les tracés ont évité les ouvrages d’art. Normalement, elle aurait dû passer par Lampeyrac, mais il aurait fallu construire un pont sur l’Aubejoule. La route fut donc tracée sur le coteau en face. Le plus drôle, c’est que dans les années 1920, ils ont fait passer la départementale par Lampeyrac. La déviation actuelle reprend le tracé de la route du 18e siècle ! Le projet de route rendait le voyage plus rapide et plus confortable.

— Pour toi, c’est Ophélie qui voulait son manoir ! Forcément, c’est de la faute de la femme !

— Mais oui ! Regarde les esquisses de la maison. Elles sont simples et élégantes. Les rajouts de parvenu sont d’Ophélie, toujours raturés et retirés par Martin. Moi, je pense qu’il avait été habitué à la grandeur des demeures nobles, Versailles, etc. Donc, il veut en reproduire la classe. Avouer qu’elle est de ce niveau : même beaucoup plus modeste, elle en impose, simplement ! Sinon, pourquoi Martin aurait-il été cherché un architecte renommé de Toulouse. Faire venir Monsieur Cammas, encore jeune créateur, a dû couter cher !

— Tous ces plans annotés sont d’une grande richesse : on imagine la maison se construire dans les esprits, les discussions, avant de la voir surgir de terre. Dommage qu’il n’y ait aucune facture, j’aurais aimé savoir combien cela coutait à cette époque.

— Ce que j’aurais voulu savoir, c’est le choix de l’emplacement. L’entrepreneur m’a expliqué toute la richesse et le pourquoi de ce lieu. Cela suppose une grande connaissance de la géographie locale. En plus, cette position dominante, à la vue des autres et balayant ce paysage, ce n’est pas un hasard. J’imagine Martin à cheval, visitant ses terres avec l’architecte et ayant le coup de foudre ici…

— Ce qui est amusant, c’est que c’était l’endroit le plus éloigné du Petit Lampeyrac. Quand on regarde, on a l’impression que les terres et les bois ont glissé au fil des générations pour venir se mettre autour de Jonhac.

— Pour la maison, c’est Martin qui a décidé, c’est sûr, mais pour le reste, il semble qu’Ophélie soit vite devenue la seule maitresse des lieux.

— Martin avait peut-être assez travaillé ! Il y a cette lettre, où une amie console Ophélie de la perte de leur fille, Rose, après celle du petit Martin à sa naissance. Pour cinq naissances, il ne reste que Léon et ses deux jeunes sœurs, Odette et Mélanie. Apparemment, Martin s’était trouvé une vocation paternelle, ce qui est rare à cette époque. Comprenons qu’il avait de l’intérêt pour ses enfants, pas qu’il changeait les couches !

— Martin meurt en 1757. C’est son fils Léon qui lui succède à trente-deux ans. Il s’est marié avec Honorine Reynes quatre ans auparavant. Pas grand-chose à dire sur son règne !

— Attends la suite… J’ai trouvé une anecdote sur son enfance qui éclaire bien des choses ! Il faut au préalable se remettre dans cette époque.

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