Imbécile heureux
C’était samedi soir, j’suis sorti tard. À cette soirée sans importance. Dans un bar de la grande avenue du centre où j’avais jamais mis les pieds. J’avais été invité par une vieille connaissance croisée quelques semaines auparavant.
À cette soirée, pleine de gens bourrés qui dansent. J’me colle au bar même pas pour boire. Je m’ennuie ferme, j’suis pas en forme. Crevé de la semaine. Je rêve que le gars qui sert de dj s’endorme. Qu’on en finisse rapidement.
Mais dans la foule, mais dans le noir, j’vois ce mec pas à sa place. Comme moi. Et je m’affole, mon sang se glace. Qu’est-ce qui me prend ? Je me sens seul et sans histoire. Flash d’aventurier, bonjour. Il faut que j’l’aborde coûte que coûte. C’est dans mes cordes, y’a pas de doutes. Pourquoi j’en serais pas capable après tout ?
Alors j’le ramène au bar. Je lui offre un verre. Mais je sais plus quoi dire. Je sais plus quoi faire. Alors j’demande un whisky, mais ça doit se voir. Je suis déjà beaucoup trop séduit et ça doit se taire. Heureusement, il me parle de lui, il a un projet. C’est un artiste. Il a des idées, en veux-tu, en voilà. Assez pour une vie. Et moi, je bois ses paroles et je bronze dans ses yeux. Et c’est comme un alcool qui me fait me sentir mieux.
Je suis un amoureux pas difficile. Il fait de moi ce qu’il veut, j’suis si fragile. Ce soir, je suis amoureux, j’me sens débile.
Et je sens des secousses. On m’agrippe l’épaule. J’ouvre péniblement les yeux. Ça va fermer. Comment ça, ça va fermer ? Il est quelle heure, d’abord ? Déjà ? Mon artiste, il est où ?
Je marche sur le pavé brillant, il se met à pleuvoir. Je n’ai que ma veste en jean. Elle va mettre longtemps à sécher. Tant pis.
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