Comme elle vient
« J’ai essayé, vraiment j’ai essayé. Je voulais leur en foutre plein la vue tu vois. Ça allait être un truc de ouf, qui va vite, qui tranche dans le vif. Avec des références rock à tous les étages tu vois. Ça allait parler de la vie. Y’aurait de la zique, des meufs, de la drogue… »
Il gesticulait comme un taré, assis sur mon canap’. Il avait toujours ce rythme de parole saccadé si particulier qui rendait ses discours si tranchés. A la simple mention de drogues il sembla reprendre conscience du ticket de caisse roulé en paille entre ses doigts. Il se pencha sur la table basse et inspira en deux coups la trace. Un coup pour chaque narine. Il se tint droit, le temps de se passer le doigt sous les narines puis repris.
« Tu vois, j’suis parti la fleur au fusil putain… la leur au fusil. J’avais rien préparé mec, je m’suis juste dit que j’allais laissé filer au fur et à mesure que ça venait. Et puis c’est venu tout seul. »
Il s’arrête, cette fois pour prendre une grosse gorgée de bière. Il reposa le verre. Sa main hésita un instant devant le verre de ti-punch qui attendait sagement. Le ti-punch fut soulevé à son tour et vidé d’un trait. Il eut le tic nerveux de la nuque à cause de la dose serrée de rhum. Il fit glisser le verre dans ma direction. Je pris un quartier de citron déjà découpé pendant qu’il reprenait sa litanie.
« Au début c’était cool tu vois, ça balançait, y’avait du rythme je pense. Ça tranchait quoi ! Et puis au fur et à mesure que je débitais ça ma prit comme ça, dans le coin de la tête. La petite voix conne qui balance un putain de sparadrap qui ne veux plus te lâcher. Tout d’un coup je me suis retrouvé comme un gros gland en mode : « Mais qu’est-ce que je fous là bordel ? » J’avais l’impression que tout ce qui sortait était juste la simplicité de moi-même tu vois. »
Ah ça oui, pensais-je. Oui mon pote, je vois. Je vois même super bien. Mais bon, c’est trop tard maintenant.
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