16. Interrogatoires
- Il n’y avait rien d’autre que ce livre ?
Anubis le questionne doucement. Brolme secoue la tête négativement. Il est blanc comme un linge. Il va formuler autrement.
- Tu as vu quelque chose, Petit ? Quelque chose qui t’a fait horriblement peur, toi qui es réputé pour ton sang-froid.
- Tout ce sang… tellement de sang.
- Je te rassure, c’était le sang d’un morceau de viande conservé dans le frigo du bibliothécaire, pour calmer ses fringales à toute heure de la nuit. Personne n’est mort. Du moins récemment. Les analyses le démontreront.
- Dans son frigo, il y avait quelqu’un ?
- Dedans ?
- Non, Patronne, il me tournait le dos, il faisait un craquement horrible ! On aurait dit un des Hommes des Cavernes qui n’aurait pas mangé depuis au moins trois jours ! Un bruit de sauvage… Comme le chien des Voisins de Tamiko qui se jetait sur tout ce qui bouge…
- Ah ! On avance. Allons voir Hache-Kaa-Thée, je pense qu’il ne nous a pas tout dit. Parce qu’il a tellement peur qu’il souhaite qu’on lui tire les vers du nez !
Hache-Kaa-Thée s’est rendormi, tenant la main de la sublime Aimée-de-La-Chance qui se détache doucement de son ami.
- Il dort ? C’est malheureux de devoir le tirer de son sommeil, constate le Prof inquiet.
Le bibliothécaire s’agite dans son sommeil. Il se débat, pousse des cris de terreur et menace de tomber. Compatissant, le Prof doucement pose sa main sur son front. Pas de fièvre. Il murmure à son oreille.
- C’est moi, le Prof, n’aie pas peur ; Anubis te protégera. On essaie de comprendre ce qui est en train de te faire perdre pied. On ne te laissera pas tomber…
- Prof ! J’ai fait une connerie en achetant ce truc… La curiosité… J’aurais dû comprendre qu’une telle rareté, une édition pareille, cachait un truc louche, lui répond le malade a-demi réveillé.
- Dans le livre évidé, il y avait quoi ?
- Une belle boîte en bambou, joliment illustrées de fleurs sensuelles et colorées. Tu sais, Prof, ces « Fleurs de Désir »...
- Qu’as-tu fait ? le presse Anubis manifestement anxieux.
- C’était si beau… alors je l’ai ouverte et j’ai vu…
- Oui. Continue, c’est important, l’encourage le dieu, nous te protégerons, nous en avons les moyens.
- Il y avait deux yeux… et deux grandes dents.
- Que deux ? s’exclame Sébeknefer sidérée. Je ne connais aucune créature avec deux dents.
- Allons, allons, la rembarre Anubis, ton ami est terrifié ! Il n’a vu que le plus important. Les dents et les yeux.
- Moi, remarque Brolme Nasciberet toujours fébrile, moi, ce qui me dérange c’est que ce qui était dans le coffret de bambou tenait dedans. Enfin, comment est-ce possible ? Elle n’est pas tellement grosse ! Vous avez vu la trace des mains ? Elles sont énormes !
- Brolme souligne un point crucial, déclare Poussindshah. Comment ce truc a pu rester dedans ? Et comment y est-il rentré ?
- Je rajouterai : qui ?
Lee Chan regarde le livre évidé et le retourne dans tous les sens. Elle constate sur la tranche, gravée difficilement, à la lumière rasante une inscription.
Ne pas ouvrir. Danger mortel.
- Génial ! On ne s’en serait pas douté.
- Enfin, Fifille, tu te moques ! L’heure est grave…
Le livre creusé passe dans chaque main. Chacun le regarde, le tourne, le tripote. Le Prof décide de le garder.
- Je vais l’analyser à mes heures perdues. Je saurais de quand il date, en quelle matière il est, etc. et bien entendu, je vous tiendrai informés. Je garde ici notre bibliothécaire qui risque de passer de sales moments de repos dès qu’il s’endort. Il faudra bien intervenir. Il ne peut pas s’empêcher de dormir pour ne pas voir ces horreurs. Allez, ouste ! Tout le monde dehors, même le Puissant Anubis.
- Sébeknefer, j’ai à te parler, déclare Anubis. Allons dans tes quartiers.
Elle le suit sans piper mot. Elle sent poindre des remontrances à n’en plus finir. Mais elle serre les dents au point de grincer. Anubis hausse les épaules devant cette mauvaise humeur si peu dissimulée. Une fois parvenus dans ses quartiers, elle lui avance le fauteuil à bascule, avec déférence.
- Tu es resté longtemps dans ma chambre ? Ça t’amuse de me regarder dormir ? En général c’est mon amour qui me contemple, pas mon géniteur.
- Oui. J’ai réfléchi à ta conduite stupide de cette nuit et à une sanction. Je n’en ai pas trouvée. Je pense qu’un « esprit malfaisant » vous a manipulés et conduits à vous « saouler la gu... »
- Ah ! Toi aussi ! Tu comprends, Anubis, je n’aurai jamais permis en temps normal de tous nous faire rouler sous la table. Rothonddho n’est même pas sorti de son lit… Il cuve toujours. Il a abandonné ses chers radars et nous sommes aussi aveugles qu’un hérisson nouveau-né !
- Là, tu exagères, il n’est pas seul ! Il a toute une équipe capable de prendre la relève… tu es injuste. Et tes officiers ne sont pas seuls à leurs postes. Ils ont des copains, ne serait-ce que pour les quarts…
- Écoute, je ne sais pas ce qui nous attend, mais je n’avouerai jamais devant des tiers que je suis contente que tu sois là. Ta présence me rassure. Et il ne s’agit pas que de moi ! Tous mes petits camarades… Il y a autre chose : j’ai rêvé que tu utilisais ma console de communications pour discuter avec un vaisseau.
- Soit, tu n’as pas rêvé ! J’ai contacté l’Olympus Mons… Te voir dans ton lit, quasi ivre morte m’a foutu les jetons… Je ne savais pas quoi faire, étant donné que tous les officiers étaient dans le même état que toi…
- Qui t’a prévenu ?
- Tu es l’Inquisitrice de service ? Ton cuistot ! Il était terrifié de vous voir boire plus que de raison, surtout que les boissons étaient sous clé. Ce n’est pas une idée de Bacchus… Il a cru que l’invitation venait de toi. Il ne refusera jamais de trinquer avec toi !
- Je croyais que tu étais l’instigateur de cette soirée ! J’ai trouvé étrange que tu ne viennes pas…
- Alors, ma chérie, on a un esprit malin et malveillant qui va nous conduire au désastre. Lui plus les pirates à trouver et châtier, on ne peut pas tout gérer.
- Et on a les pirates à rattraper…murmure dans un souffle le Stratège un peu inquiet. Je les avais perdus de vue.
- Pour l’instant, on est tout seul ! Les autres navires de l’escadre ont été retardés de plusieurs jours. Enfin,je veux dire ils ne pourront pas nous accoster. Même s’ils ont pu nous rejoindre. Je ne sais pas pourquoi, lui répond son père à voix basse, comme s’il craignait les oreilles indiscrètes.
- Anubis, l’important est qu’ils nous rejoignent. Et nous sommes partis sans savoir lesquels nous accompagneraient.
- Cela, je peux te le nommer. Tu les connais sans doute bien. L’Alpha avec Le Capitaine Amélie, l’Irrenhauss, guidé par Hespérya, Le Moon-Light sous les ordres de Valentina, le Ravenshadow mené d’une main de maître par Aniata-Yan et bien sûr le Penthésilée de ton amie Mina Zarahé.
- Ah ! Quand même ! Une escadre de six… de gros bâtiments puissamment armés. On devrait venir à bout des pirates. S’ils ne sont pas si nombreux qu’on le prétend.
- Dis-moi, tu as lu le dossier de Santander, dans son bureau ?
- Alors écoute-moi bien, Chacal Sinistre, quand aurais-je, selon toi, pu le lire et l’étudier ? Ne réponds pas, c’est inutile, tu connais la réponse !
- Tiens, le voilà ! Figure-toi que moi je l’ai lu ! J’ai pris ce temps.
- Mais TOI, tu peux : tu es un dieu : tu as tout le temps de … OUPS !
- Oui, fifille, cache-toi derrière ces feuillets ! Pour l’amour de Zeus ! Lis ce document ! Tu vas flipper ! Mais je suis là, je commence à réfléchir à ce problème de taille. On va s’en sortir.
- J’adore ton optimiste hors de propos…
- Les dieux t’ont dotée d’une cervelle ! Utilise-la ! Ne nous laisse pas en rade !
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