Chapitre 5

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 Un sourire se dessinait sur les lèvres de la jeune femme, comprenant, dans les paroles de son ami, qu'il acceptait. Ses yeux étaient remplis de joie et de reconnaissance, le remerciant silencieusement de lui faire confiance et de lui laisser la chance d'accomplir la mission de sa vie. Barthélémy lui répondit d'un sourire inquiet, il ne voulait pas contrarier cette jeune femme pétillante et pleine de vie, mais il n'était pas seul à prendre cette décision. Il devait, tout d'abord, en parler à ses collègues du consulat.

 — Merci, Barthélémy, finit-elle par dire, d'une voix mélodieuse.

 — Je reviendrai vers vous lorsque nous aurons pris une décision. Je me dois de consulter mes confrères. Je vais devoir les convaincre de laisser une femme veiller sur la ville, et ce ne sera pas une mince affaire, leur esprit est assez limité.

 — Je suis consciente que ma condition ne jouera pas en ma faveur, mais, je sais, au plus profond de mon être, que ma place est là-bas. C'est la raison pour laquelle Dieu m'a envoyé sur terre, protéger les autres.

 — J'entends, Althéïs. En attendant, tâchez de vous trouver un remplaçant. Imaginez la réaction des villageois si on leur apprenait qu'ils n'aurait plus de pain chaud chaque jour.

 — Je n'y manquerai pas, merci d'avoir pris le temps de m'écouter.

 — Je suis fier de la femme que vous êtes devenu. Je suis certain que, de là où ils sont, vos parents n'en pensent pas moins.

 — Merci, Barthélémy.

 Les deux amis se regardèrent pendant quelques instants, partageant en silence leur peine, rendant un hommage discret à leurs défunts proches. Barthélémy étouffa un sanglot, ne souhaitant pas l'inquiéter, il le camoufla avec un sourire chaleureux. Son regard se levait doucement vers le ciel qui commençait à se couvrir, imaginant les silhouettes de ses vieux amis parmi les nuages, veillant sur lui et sur leur fille.

 — À très vite, ma chère amie. Prenez soin de vous.

 Le vieil homme salua Althéïs, celle-ci lui rendit son salut en abaissant le tronc, le regard pointé vers le sol. Il se dirigeait, pensif, vers le sentier qui menait à la ville haute, où il pourrait retrouver les autres membres du consulat pour discuter de cette affaire. Il la soutiendrait coûte que coûte, parce qu'il croyait en elle. La boulangère lui fit un signe de main avant de tourner les talons et, à son tour, prendre la route de son domicile.

 L'excitation d'Althéïs était à son paroxysme. Elle avait du mal à croire qu'elle allait suivre les traces de Cunégonde et, certainement, devenir la deuxième recluse de l'histoire de Saint-Florus. Un sourire de petite fille prenait place sur son doux visage, elle aussi levait les yeux au ciel, essayant de discerner les formes de ses parents. Elle ferma les paupières, croisa ses mains et les plaça près de son cœur, priant d'avoir un signe d'encouragement de la part de ses géniteurs.

 Une larme se fraya un chemin sur ses joues rosées, leur évocation avait toujours été difficile depuis leur mort. Ces quelques paroles rouvraient la plaie qu'elle avait tant de mal à guérir, celle qui la faisait souvent sombrer dans les méandres de la tristesse et de la solitude, lui rappelant qu'elle était seule face à la vie. Ses deux modèles étaient morts il y a quelques années de ça, quelques mois après qu'elle se soit mariée avec Harald, la laissant seule face à ses nouvelles responsabilités de femme mariée et de future mère.

 Elle s'assit sur un petit muret pleins de mousse humide, qui se trouvait derrière une grande maison aux allures de château-fort, à quelques rues de son humble demeure, ferma les yeux et laissa son esprit divaguer vers de lointaines contrées.

 Rowena et Charles, ses défunts parents, étaient connus de tout le village. Deux âmes altruistes qui n'hésitaient jamais à tendre la main aux plus démunis. Propriétaire de la plus luxueuse et riche ferme de la bourgade, ils avaient l'habitude d'apporter les récoltes qui n'étaient pas vendables aux plus pauvres, essayant d'amener un peu de gaieté dans leur misérable vie. Ils s'étaient rapidement liés d'amitiés avec les plus grosses têtes, dans l'intérêt de leur unique fille, lui promettant un avenir radieux.

 Rowena était une femme resplendissante, toutes les dames lui enviaient sa beauté et son charme naturel qui faisait succomber quiconque croisait sa route. Elle arpentait les rues de sa silhouette élancée, toujours suivit par ce vieux Charles, qui était plus petit qu'elle de deux pieds. Il ne faisait pas parti des standards de beauté, très petit et extrêmement rondouillard, une petite boule de graisse qui se déplaçait difficilement sur deux poteaux de chair. Certains jaloux se demandaient comment une personne aussi belle qu'elle pouvait se retrouver avec un homme aussi banal que lui. L'amour, voilà ce qui avait réuni ces deux âmes. Une relation fusionnelle qui avait surpassé toutes les conventions, ils s'étaient mariés très jeunes sans consulter leurs aînés, et avaient donnés naissance à une petite merveille qui porterait le nom d'Althéïs.

 La mort emporta ces deux personnes lors d'une attaque du village, une nuit sanglante pendant laquelle leur fille se trouvait chez son mari. Elle n'avait pu veiller sur ses vieux parents, massacrés par des bandits qui en voulaient à leurs richesses et leurs productions. Son cœur se serra aux souvenirs de cette nuit affreuse, lorsqu'elle s'était réveillée, ce matin-là, elle s'était fait la promesse de donner sa vie pour qu'une attaque comme celle-ci ne se reproduise jamais, en hommage à ses parents qui n'y avaient, malheureusement, pas survécus.

 Un bruit grave et assourdissant la sortie de ses pensées, ses joues étaient acculées de millions de petites larmes salées, souillant son visage si pur. Elle se tourna en direction du bruit pour en découvrir la source et se retrouva face à deux hommes. Deux cagots qu'elle avait croisé lors d'une cérémonie religieuse, ils étaient tous les deux assis où les personnes de leur espèce devaient se trouver : loin de la civilisation.

 — Alors, elle pleure la petite puterelle ? Et c'est ça qui est sensé nous protéger du mal ? commença un des deux hommes. Comment pouvons-nous confier la sécurité de la ville à une âme aussi simplette que celle d'une femme ?

 — Je ne vous permets pas de me parler de la sorte ! s'enquit Althéïs, furieuse.

 — Tu n'es qu'une femme, tu n'as rien à dire, cracha l'autre.

 Son cerveau fulminait, mais ils avaient raisons, elle n'était personne pour protester. Elle s'excusa, se leva en s'inclinant devant ces deux malotrus et partit en direction de sa maison. Les deux cagots riaient aux éclats en la regardant partir. Ils avaient peut-être raison, elle n'était qu'une simple femme, serait-elle capable de veiller sur la ville ?

 Alors qu'elle remontait la ruelle, elle vit au loin une ombre qui ne lui était pas inconnue : une grande femme aux formes généreuses, accompagnée d'un jeune homme, pas plus grand au à la silhouette frêle .

C'est lui celui qui te succèdera ! cria la petite voix dans sa tête.

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