Chapitre 8

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Le lendemain

 Le soleil s'était levé depuis quelques minutes et venait caresser la peau lisse et laiteuse d'Althéïs. Les oiseaux venaient chanter de douces mélodies dans ses oreilles. Elle observait le monde s'éveiller alors qu'elle était en train de nettoyer ses mains pleines de farine.

 La nuit n'avait pas été de tout repos, et très courte, pour la jeune femme. Un vent glacial s'était infiltré par les fenêtres et l'avait pétrifié, l'empêchant de trouver le sommeil. Elle avait été rythmée par des cauchemars et des mauvais rêves en tous genres.

 Elle se revoyait encore courir dans les bois, à bout de souffle, essayant d'échapper à une immense ombre noir qui semblait vouloir l'avaler. Elle se souvenait de ce visage aux traits difformes, et ce sourire diabolique qui lui avait glacé le sang. Deux iris d'un rouge sanguinaire venaient se loger derrière ses paupières lorsqu'elle les fermait, et elle ne pouvait lutter contre cette vision.

 Depuis qu'elle avait croisé ce messager de Satan, un sentiment oppressant l'envahissait. Chaque mouvement, bruit ou ombre inattendu la faisait tressaillir de peur et l'impression d'un danger imminent courait au-dessus de sa tête. Où était passée la jeune femme sûre d'elle et que rien ne faisait trembler ?

 Qui était cet homme vêtu de noir qui lui avait volé tout son courage ?

 Althéïs observait son outil de travail après s'être installée sur une vieille chaise qui traînait là. La chaleur qui émanait du four l'enrobait d'une aura de bienveillance et de réconfort qui réussis à l’emmener loin de tous ces souvenirs. Son regard restait quelques instants bloqué sur les flammes qui tournoyaient dans ce petit habitacle, oubliant pendant quelques instants ces images tout droit venues des enfers.

 Les effluves de bois brûlé mélangées à celles du pain bien cuit venaient titiller les narines de la jeune boulangère qui s'empressa de sortir ses productions du four. Elle prit une miche dans une main et pressa la croûte avec ses pouces. Celle-ci croustilla sous la pression, signe que la cuisson était réussi. Elle ne put s'empêcher d'en prélever un bout et de le porter à sa bouche pour goûter le fruit de son dur labeur.

 Un cognement la sortit de son petit moment de bien-être. Elle sursauta, la peur qui ne la quittait plus la fit paniquer et elle s'empara du premier objet qui se trouvait à sa portée : le banneton dans lequel avait reposé la pâte à pain. Elle le brandit devant son visage, persuadée qu'elle pourrait assommer un assaillant avec son panier en osier.

 La porte s'ouvrit dans un grincement désagréable qui fit tressaillir le corps d'Althéïs. Elle releva le banneton au-dessus de son épaule, prête à frapper de toutes ses forces l'intrus. Lorsqu'elle fut entièrement ouverte, la silhouette, à la forte carrure, de son ami Barthélémy apparue. La boulangère fut immédiatement rassurée. Elle relâcha ses muscles et un souffle de soulagement sortit d'entre ses lèvres.

 — Althéïs ? s'étonna-t-il en pointant du doigt le panier qu'elle tenait encore fermement entre les mains. Qui attendiez-vous ?

 — Personne, dit-elle en reposant rapidement son arme.

 — Êtes-vous en forme ? Votre teint est au pâle que le fessier d'un nouveau-né.

 — Ne vous inquiétez pas. J'ai passé une très mauvaise nuit, j'ai un peu de mal à recouvrer mes esprits.

 — Que vous est-il arrivé ? s'inquiéta-t-il.

 Althéïs prit une longue inspiration et lui raconta tout dans les moindres détails, sa rencontre avec cet inconnu, les rêves et cauchemars qui avaient animé sa nuit et la peur omniprésente qui l'envahissait depuis. Il la regardait avec un air perplexe, écoutant attentivement tout ce qu'elle avait à lui dire. Lorsqu'elle eu fini son récit, il plaça une main sur son front, essayant de remettre tous les éléments dans l'ordre. Il finit par sourire à son ami avant de prendre la parole.

 — Je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter, très chère... commença-t-il.

 — Vraiment ? Comment ne pas être préoccupée lorsqu'on vous approche de la sorte et qu'on hante votre esprit impunément ?

 — Il devait s'agir d'un petit plaisantin qui voulait vous faire peur.

 — Si vous le dites, répliqua-t-elle, pas le moins du monde convaincu de ce qu'il avançait.

 — J'en suis certain. Beaucoup d'hommes envient votre courage et votre dévouement. Ils étaient nombreux à convoiter cette place, tous souhaitaient remplacer notre défunt reclus. Paix à son âme.

 — Paix à son âme, répéta-t-elle en levant les yeux au ciel.

 Il y eut un petit moment de silence où les deux amis regardèrent le plafond, rendant hommage à cette âme partie vers de nouveaux horizons. Les mains croisées devant son buste, Althéïs priait silencieusement. Après une minute de mutisme, Barthélémy se racla la gorge et reprit.

 — Comme vous le savez, seule une femme a eu le privilège d'y entrer et de protéger la ville.

 — Cunégonde, oui, comment l'oublier ? Une femme fière et brave, j'aurai tellement aimé la rencontrer et pouvoir converser avec elle...

 — Elle avait fait la fierté de la communauté féminine, mais, les hommes de nos jours ne sont pas d'accord avec ce choix. Pour eux, une femme n'a pas les capacités mentales et physiques de protéger la ville.

 — Les hommes sont tellement bornés et simple d'esprits, commenta-t-elle en levant les yeux au ciel.

 — Merci, dit Barthélémy, tristement.

 Elle porta son regard vers ses mains qui étaient en train de triturer son tablier. Elle se trouvait bête et idiote, pourquoi avait-elle dit une chose pareille devant un homme ? Ce n'était que Barthélémy, mais elle n'était à l'abri de rien. Au moindre faux pas, il pourrait retourner ses paroles contre elle et l'envoyer tout droit en enfer, même si elle savait parfaitement qu'il ne serait pas capable d'un acte pareil.

 — Je ne voulais en aucun cas vous offenser. Je vous pris de bien vouloir m'excuser, chuchota-t-elle, honteuse.

 — Ne vous en faites pas, je ne vous en veux pas, essaya-t-il de la rassurer.

 — Que me vaut l'honneur de votre visite aussi tôt ? dit-elle pour changer de sujet. Je ne pensais pas vous voir avant plusieurs jours.

 Barthélémy s'installa sur un tabouret derrière le plan de travail. Il prit une grande inspiration et souffla sur la farine qui s'y était logée, créant un nuage de fumée qui le fit toussoter. Il sortit tout un tas de fourniture que la boulangère n'avait jamais vu avant, certainement tout l'attirail des consuls.

 — Avez-vous trouvé quelqu'un pour reprendre la boulangerie ?

 — J'ai proposé au fils des bergers, il va bientôt se marier. J'attends encore sa réponse, mais je doute qu'il refuse.

 — Ysangrin, un jeune homme sincère et vaillant. Vous avez fait un très bon choix.

 Le consuls sortit un parchemin et la curiosité qui envahissait Althéïs la poussa à regarder par-dessus son épaule pour découvrir ce qu'il décelait. Lorsqu'elle découvrit ce qu'il y avait d'inscrit sur ce bout de papier, des picotements parcoururent sa colonne vertébrale, la faisant frémir d'excitation.

 — Toutes mes félicitation, vous serez notre prochaine recluse.

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