Chapitre 17
Pendant une semaine, Nayala avait travaillé assidument en tant qu'Assistante. Malgré la colère qu'elle avait ressenti envers son nouveau supérieur, elle ne pouvait le quitter maintenant. Pas quand celui-ci savait ses secrets et lui offrait, sans le vouloir, l'opportunité d'atteindre son but.
Elle dormait dans la chambre de Nora, après lui avoir menti en disant avoir été envoyée ici suite à son enregistrement. Ses journées commençaient par une matinée de recherche laborieuse, où elle épluchait les livres en quête d'ingrédients susceptibles d'intéresser son patron. Ensuite, la jeune femme en faisait une liste détaillée puis allait chercher des échantillons dans la réserve.
Passer devant les deux imposants bureaux de cette pièce la rendait toujours aussi anxieuse. Elle trouvait que celle-ci conservait une atmosphère oppressante, qui s'accentuait avec les Eminents qui l'ignoraient ; même si ce n'était pas plus mal pour elle.
Lors de sa première visite, en compagnie de monsieur Lancel, ils n'avaient pas hésité à la dévisager après que celui-ci eut expliqué que la jeune femme, toujours en tenue de Servante, passerait quotidiennement pour l'aider en tant qu'Assistante. Maintenant, ils se contentaient de faire comme si elle n'existait pas et ce n'était pas elle qui allait s'en plaindre.
En faisant le tour du long couloir tous les jours, Nayala avait pris l'habitude d'entendre les murmures sur son passage. Si elle ne comprenait pas toujours ce qui se disait, elle avait pu tout de même entendre : " fille bizarre", "étrangère" et aussi "profiteuse". Son patron non plus ne manquait pas de louanges. Sans sa singulière présence à ses côtés les langues se déliaient: "faut toujours qu'il se fasse remarquer", "il se raccroche à n'importe qui", "cela fait longtemps qu'il aurait dû être expulsé", ect... Nayala avait remarqué que certaines voix se voulaient volontairement plus fortes afin de se faire entendre. On espérait sûrement qu'elle aille rapporter à son patron ; ce qu'elle ne faisait jamais. Elle continuait à ignorer les remarques les unes après les autres. Que gagnerait-elle à aller répéter ses idioties ? Rien.
Sa relation avec monsieur Lancel semblait s'améliorer, bien qu'il restait toujours un original à ses yeux. Au moins, il respectait sa part du marché en allant tous les jours soigner Nora. Mais on apprend de ses erreurs et Nayala se méfiait tout de même d'un nouveau revirement de situation.
Juste avant la fin des soins, Nayala rendait rapidement visite aux deux soeurs et Lonir. Le cuisinier au franc parlé, ancien collègue de Nora, avait été mis dans la confidence et se montrait plus intéressé qu'elle ne l'aurait pensé. La nouvelle Assistante y allait afin de les tenir au courant de la guérison de la convalescente. Mais aussi, pour raconter comment cela se passait à l'étage, bien qu'elle restait discrète et vague.
Personne ne devait être au courant de la finalité de leurs recherches et encore moins savoir qui l'avait ordonné. Elle n'avait pas non plus relaté les détails de sa rencontre avec le Préparateur, juste qu'elle lui avait franchement expliqué la situation, en y allant au culot. Ce qui n'était pas complètement faux. Puis, l'Eminent lui avait proposé, en échange de devenir une Assistante temporaire, son aide. Les détails sur la vie d'en-haut avaient suffit à détourner les Servantes du travail de Nayala.
Elles ne posaient aucune question gênante, c'était Lonir qui s'en occupait. Il n'était pas dupe. Son air renfrogné et sa façon de serrer constament les machoires depuis qu'elle était revenue du niveau supérieur montraient qu'il était mécontent de la situation. Il l'interrogeait tous les jours sur l'avancée d'éventuels travaux. Avait-il comprit de quoi il en retournait ? C'était impossible ! Elle et monsieur Lancel n'en parlaient jamais en dehors du bureau. Mieux valait l'ignorer et, s'il devenait trop insistant, elle irait en parler avec l'Eminent.
Rester la journée au deuxième niveau lui avait permis d'avoir ses petites habitudes. Elle était toujours la plus invisible possible, telle une brise nocturne ne faisant que passer, afin de ne pas attirer l'attention. Nayala ne traversait pas le couloir uniquement pour esquiver les promeneurs à l'intérieur du jardin. C'était aussi pour observer les centaines de portes qui se trouvaient le long du mur incurvé. Elle avait apprit ainsi l'emplacement des escaliers gravées "2--3" qui menaient au dernier niveau, le troisième palier, le sommet du palais.
Il n'avait pas était aussi difficile que prévu de les dénicher en faisant le tour de l'intégralité de l'étage, même si cela lui avait prit un temps considérable. Seule cette porte se trouvait être gardée par des Eminents en uniforme bleu foncé: les Gardes. L'Assistante à l'apparence fluête avait alors posée innocement la question à son patron. Elle avait fait passer cela pour un élan de curiosité et il avait confirmé son hypothèse sur l'endroit où menait cette porte.
Du bureau où elle travaillait, aller jusqu'à celle-ci lui prenait légèrement plus d'une vingtaine de minutes en partant vers le côté gauche du couloir. Pour glaner le maximum d'informations, Nayala passait à différents moments par ce chemin, même si cela lui faisait faire un détour, la réserve se trouvant plus proche sur la partie droite.
Elle avait ainsi appris que quatre Gardes se relayaient régulièrement. Le premier duo, aussi stoïques que des statuts dans leurs uniformes parfaitement lisses, les mains ancrées sur le pommeau de leurs épée. Puis, deux autres qui, eux, étaient plus locasses, plus vivants même. C'était évident qu'ils n'entameraient jamais la conversation avec une simple Servante, bien qu'elle était devenue Assistante. Elle les avait juste surpris en pleine discussion sur leurs vies personnelles. Ils restaient à leurs postes mais les distraire en cas de besoin serai sûrement plus simple que leurs collègues immobiles. Nayala n'avait pas entièrement compris leur fonctionnement car, à des moments, ils étaient seuls puis, à d'autres, deux et jamais elle n'avait réussi à être présente au moment du changement d'équipe. Il lui manquait encore énormément de renseignement mais les minutes continuaient à défiler...
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