Expédition
Je fixe le plafond craquelé depuis 30 minutes, non pas que mon lit soit confortable, mais plutôt que la boule au ventre qui me ronge les entrailles me cloue au matelas. J'ai peur. Peur, car la section de reconnaissance va bientôt rentrer et j'appréhende les mauvaises nouvelles ou pire.
- Andréa, je t'en supplie aide moi ! Ouvre la porte! Laisse-moi rentrer !
J'observais la terrible scène se produire devant moi sans bouger, totalement paralysée par la vue qui s'offrait à mes yeux dont les larmes silencieuses embrumaient la vision. Mes jambes lâchèrent, je glissai contre le mur jusqu'au sol froid.
- Je suis désolée ... pardonne moi... Répétais-je en boucle dans un chuchotement inaudible, faisant pression sur mes oreilles avec mes mains pour me protéger des cris affreux et suppliant qui sortaient de sa bouche.
Je sors de ma léthargie en entendant les lourdes chaînes de la porte principale s'activer. Les bottes de la section résonnèrent dans les couloirs en béton, leurs pas sont bien trop pressés pour que le résultat de leur mission soit vain. J'enfile rapidement ma tenue et me dépêche à la suite du groupe, constatant que tous ont le visage fermé, mais ils sont tous là, personne n'est tombé aujourd'hui. Je repère Gary au milieu du peloton et me faufile jusqu'à lui sans me faire repérer par Louis.
Louis est le plus âgé d'entre nous après le commandant de la base. Il gère toutes les opérations de reconnaissance, ayant gagné son statut après avoir sauvé l'équipe dont il faisait partie d'une attaque dont il ne sortit pas indemne, lui laissant des marques ineffaçables sur le visage et le torse. Il n'est pas très bavard, mes relations avec lui ne sont ni bonnes, ni mauvaises disons simplement que l'on se tolère.
J'agrippe la manche de Gary qui ne m'avait pas encore remarqué, il me regarde puis relève le regard pour continuer sa marche sans piper mot.
- Tu comptes me dire ce qu'il s'est passé dehors ou bien tu vas rester muet?
Gary se mura dans son mutisme, quand soudainement un garçon derrière nous se pencha vers moi et chuchota,
- On a trouvé un nouveau nid sous le pont près de la vieille ville, ils étaient peut-être une centaine. On n'a pas pu s'approcher plus tellement ça grouillait de partout.
Gary lui intima de se taire, mais le garçon trop absorbé par son récit n'y prêta pas attention.
- Il y avait de tout des hommes , des femmes, des enfants mais ils n'étaient pas comme ceux de ...
Il fut coupé par mon ami qui s'exclama,
-Mais fermes-la ! Elle n'a pas besoin de le savoir, personne ne doit le savoir à part nous putain ! Ils n'auraient jamais dû te faire intégrer l'équipe, je le savais que t'allais pas savoir fermer ta putain de gueule !
C'est vrai que je ne l'avais jamais vu dans la patrouille, les seuls endroits où je le rencontrais étaient dans les couloirs ou à la cantine sans jamais lui avoir adressé la parole.
Le garçon se confondit en excuses, bredouillant des mots incompréhensibles, il se stoppa lorsque la voix de Louis résonna dans les couloirs miteux stoppant la marche du bataillon par la même occassion,
-Gary surveille ton langage si quelqu'un doit remettre à sa place une personne ici, c'est moi , Valentin s'il te plaît tais toi un peu, je t'ai accepté pour ton frère, mais je n'hésiterai pas une seule seconde à te renvoyer et je pense que tu sais ce qu'il se passe quand quelqu'un quitte l'escouade.
Aucun des deux ne s'exprima.
Le groupe reprit sa marche puis la voix de Louis se fit de nouveau entendre,
-Et Andrea rejoins tes quartiers tu n'as rien à faire ici , dépêche toi avant que j'en informe le commandant.
Gary arracha sa manche de ma main et je restai là, planter au milieu du couloir sous le néon grésillant pendant que la compagnie me dépassait.
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