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Dimitri s’installa contre un arbre pour manger et se reposer un instant. Il sortit son livre et son stylo.

« C’est bon je suis arrivé sur l’île ! »

Aucune réponse…

Il termina de manger pensant qu’elle devait sûrement faire de même. Il se leva et se mit en route, le livre entre les mains.

« Dimitri ! »

« Qu’est-ce qui se passe ? »

« Je… Il a commencé… Notre monde devient instable, des failles s’ouvrent un peu partout et tout tremble ! »

Elle ne l’écrivait pas mais Dimitri sentait bien que son amie avait peur. Il aurait voulu traverser les époques, la prendre dans ses bras et lui dire qu’il était là pour la protéger. Se sentant impuissant, il s’arrêta de marcher et se contenta de fixer le livre.

« Ne t’en fais pas pour moi ! »

C’est comme si elle avait lu dans ses pensées.

« Pas question d’abandonné si près du but ! »

Elle inscrivit une partition qui éveilla la curiosité du garçon.

« Qu’est-ce que je dois faire avec ça ? »

Il voyait bien qu’il s’agissait d’une partition mais ne comprenait pas pourquoi elle avait inscrit ça là.

« Niatha ? »

Cette partition fut les derniers mots que la jeune fille put écrire. Déjà, elle avait caché le livre et le stylo dans des stèles intemporelles qui, comme elle put le vérifier avec Dimitri, avaient plutôt bien fonctionné.

*

Une fois les deux objets mis à l’abri, il lui restait le plus dur à faire. Essayer d’emprisonner Eukos dans la Spirit Melodica.

Elle se rapprocha de la source de toute cette puissance destructrice. La cité qui l’avait vue grandir commençait déjà à ressembler à des ruines. Les gens impuissants et pris au dépourvu tentaient de se mettre à l’abri du mieux qu’ils pouvaient. Beaucoup avaient déjà malheureusement péris.

— Pourquoi… pensa-t-elle le cœur serré.

Elle continua sa route, ne pouvant se permettre d’aider ses gens dont le destin était déjà scellé, elle préféra détourner le regard.

— Ah Niatha, te voilà enfin !

Elle s’approcha de lui et quand elle ne fut plus qu’à quelques mètres, elle s’arrêta et le regarda avec détermination.

— Vous pouvez encore tout arrêtez maître Eukos !

— Pardon ?

— Vous n’êtes pas obligé de détruire notre monde, de sceller le destin de toutes ces personnes innocentes !

— Qu’est-ce qui te prend tout à coup ? Tu n’as donc plus envie de m’accompagner dans ce nouveau monde où je régnerai enfin en maître ? Fini les petites courbettes devant le conseil des sages… ou du moins ce qui l’en reste.

Il afficha un rictus maléfique.

— C’est un petit sacrifice tu sais. Un monde contre un autre… Nous en serons les nouveaux maîtres !

— Je ne veux pas de ce genre de chose pour ce nouveau monde ! Ces gens ne méritent pas ça.

Il la regarda.

— Je … il y a quelqu’un qui compte beaucoup pour moi là-bas et je ne vous laisserai pas lui faire de mal !

— Ainsi donc tu as réussi à utiliser la magie du temps … Tu ne cesseras jamais de m’étonner ma chère Niatha et sache que je regrette que tu ais fait ce choix. Une disciple aussi brillante que toi, avec de l’entrainement tu aurais certainement pu me surpasser… Mais la détermination se lit sur ton visage, ton choix est fait et le mien aussi…

Elle afficha un sourire sur son visage. Releva la tête et dévoila des yeux remplit de tristesse.

— C’est fini, murmura-telle en sortant la sphère.

Elle la pris entre ses mains et poussa sur différents mécanismes qui, à chaque pression, laissaient échapper une note de musique.

La Spirit Mélodica commença à aspirer Eukos qui ne se laissait pas faire aussi facilement.

— Tu as donc fait le choix de me trahir ! Tu vas le regretter…

Eukos se mit à rire puis ayant repris son sérieux, il tendit à nouveau la main vers la jeune fille. Elle ne put éviter l’onde de choc et se retrouva propulser contre le mur, stoppant au passage le processus de la Spirit Melodica.

Elle n’était pas de taille et avait déjà utilisé beaucoup d’énergie pour cacher le livre et le stylo.

— J’ai fait tout ce que j’ai pu … J’espère avoir enfermée une assez grand partie de son âme pour te permettre de le vaincre… Excuse-moi Dimitri…

Des larmes parlèrent le long de ses joues noires de poussières. Elle utilisa ses dernières forces pour mettre la sphère à l’abri puis se laissa tomber sur le sol, un sourire aux lèvres.

— Petite sotte !

Bien qu’elle ait pu mettre les trois objets en sécurité, elle, ne put échapper à son destin. Son monde s’évapora, seul Eukos parvint, même affaiblit, à passer vers ce monde pour lequel il avait toujours le même projet. Une fois de l’autre côté, il découvrit un monde très peu évolué. Peu importe, il saurait le faire évoluer à sa manière. Il voulut utiliser sa magie mais impossible… Eukos essaya plusieurs sorts mais aucun ne fonctionnaient.

— Cette Spirit Melodica était plus problématique que je ne l’aurais pensé…

Il constata, qu’en plus d’être immortel dans ce monde, il lui restait tout de même un pouvoir. Celui dans lequel il était passé maître, prendre l’apparence des gens.

C’est ainsi qu’à travers les époques, il se mit en quête de cette étrange sphère. Prenant tour à tour l’apparence des personnalités les plus puissantes de ce monde, déclenchant des conflits puis abandonnant toutes responsabilités, il avait toujours la même ambition. Un jour, il sentit un souffle de magie provenant de son monde et il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour découvrir que celle-ci émanait d’un livre en possession d’un jeune garçon appelé Dimitri Aasen. Il touchait au but.

*

De son côté, Dimitri continua d’avancer jusqu’à l’emplacement indiqué par son amie. Il ressaya à plusieurs reprises de lui parler mais toujours sans succès. Il finit par se faire une raison et ne put retenir ses larmes. Il respira un bon coup et reprit ses esprits.

Il fouilla la zone et trouva, dissimulée au milieu d’arbustes, une stèle en forme de pyramide dans laquelle se trouvaient deux encoches. L’une de la taille du livre et l’autre du stylo… Ce n’était pas une coïncidence.

Il sortit un bic de son sac et retranscrit la partition sur sa main. Il savait que ça lui serait tout autant utile que le bout de papier qui se trouvait dans poche.

Il déposa le livre et le stylo dans les encoches et la stèle s’enfonça sous terre. Laissant place à escalier souterrain. Il posa le pied sur la première marche qui émit une lumière, la deuxième marche fit de même et ainsi de suite jusqu’à à ce qu’il atteigne le bas de l’escalier. Il arriva face à un mur qui s’ouvrit en deux.

— Bienvenue Niatha !

Dimitri sursauta, il ne savait pas d’où venait la voix. Il regarda autour de lui mais il n’y avait personne. Il inspecta l’endroit plus en détail, la pièce dans laquelle il se trouvait ne ressemblait pas à un sanctuaire comme il aurait pu s’y attendre. Il avait plutôt l’impression d’être dans une chambre d’enfant. Il fouilla un peu partout et fini par trouver la sphère dans un couffin. Il tendit la main pour l’attraper mais avant qu’il ait pu la toucher, quelque chose s’abattit sur sa tête.

Quand il reprit connaissance, il était attaché et, devant lui se tenait un homme de forte carrure avec de longs cheveux noirs. Ses pieds disparaissaient dans un nuage de fumée noir, on avait presque l’impression qu’il flottait.

— C’est donc là où tu es née que tu as décidé de venir cacher cet objet de malheur. Tu as toujours été trop sentimentale ma pauvre Niatha.

L’homme parlait en regardant la sphère. Dimitri ne sut pas tout de suite s’il avait déjà réussi à l’activer ou pas mais, quand il le vit retourne l’objet dans tous les sens, il en déduit que non. Il la jeta violement contre le mur mais c’est celui-ci qui en souffrit le plus. La pierre, elle, resta intacte. Il se tourna vers Dimitri.

— Ah ! Tu as enfin repris tes esprits. Cette petite course poursuite m’a bien divertie mais cette fois-ci j’ai gagné !

Dimitri se contenta de le regarder.

— Révèle-moi le fonctionnement de la Spirit Melodica et je t’épargnerai toi et ta famille !

— D’accord mais ne nous faites pas de mal s’il vous plait, dit-il avec une voix paniquée.

— Tu n’es pas si courageux que ça finalement…

Il donna un coup de pied dans les côtes du garçon qui tomba sur le côté.

— Allez parles !

— Niatha m’a dit qu’il fallait utiliser la sphère à l’extérieur de ce lieu et qu’elle avait caché le code près de l’entrée.

— Mmmh… Je vais allez voir ! Ne bouges pas d’ici !

— Où voulez-vous que j’aille, répondit-il en montrant ses liens.

Eukos remonta les escaliers et Dimitri réussit à défaire ses liens pas si bien fait que ça. A force de naviguer avec son père, il avait l’habitude des nœuds.

Il sortit le papier de sa poche et commença à l’analyser.

— Si une note représente une constellation alors la partition qu’elle m’a donnée doit être un code ! Mais où et comment l’utiliser…

Il n’avait pas eu le temps de bien la regarder mais Dimitri se demanda si la Spirit Melodica n’était pas ornée de constellations. Il profita du temps qui lui restait pour mémoriser l’ordre des constellations puis se cacha.

— Je n’ai rien trouvé ! Si tu as essayé de me mentir tu vas le regretter !

La voix d’Eukos résonnait dans l’escalier.

— Sale petit cafard ! Je finirai par te retrouver !

Dimitri avait fait en sorte de laisser de faux indice afin qu’Eukos pense qu’il s’était enfuit. Une chaussure dans l’escalier par exemple. Il avait également laissé trainer son morceau de papier en plein milieu de la pièce.

— Tiens donc, qu’avons-nous là !

Bien trop sûr de lui et certain que ce papier s’était retrouvé là par hasard, il posa la sphère et essaya de comprendre ce qui était écrit.

Dimitri se faufila et parvint à attraper la sphère. Il l’analysa rapidement et, comme il l’avait pensé, il y avait bien des constellations gravées. Chacune de celles-ci avait une étoile représentée sous forme de bouton. Tout était clair dans son esprit, pas de temps à perdre !

Il sortit de sa cachette et commença à appuyer sur les boutons. Une note puis une autre et encore une. Au bout de la troisième note, Eukos se retourna vers lui et se mit à rire.

— Tu joues un petit requiem avant de quitter ce monde ?

Il continua à jouer. Notes après notes. Cette mélodie, Eukos l’avait déjà entendue mais il lui fallut attendre la dernière note pour se souvenir de ce fameux jour, où, Niatha l’avait elle-même jouée.

— C’est toi qui va quitter notre monde, cria Dimitri en jouant la dernière note.

Eukos se sentit aspirer mais, malgré tout, il avança vers Dimitri.

— Ne crois pas m’avoir aussi facilement !

Il s’approcha de plus en plus et tendit la main pour attraper la sphère mais Dimitri la pris entre ses deux mains.

— Pour Niatha !!!

Il y eut une lumière aveuglante et de la fumée, Dimitri lâcha la sphère et tomba en arrière. Quand la pièce retrouva enfin son aspect normal, il y était seul.

Il ramassa la Spirit Melodica et la regarda.

— C’est fini…

Le sol se mit alors à trembler, faisant tomber tout ce qui se trouvait sur les armoires. Il courut remettre la sphère à sa place puis gravit les marches et sauta au-dessus de la dernière. Quand il se retourna, il n’y avait plus rien.

Il se laissa tomber sur sol et resta ainsi pendant plus d’une heure. Il finit par se décider à rentrer, avant qu’il ne fasse noir.

Une fois chez lui, la maison lui sembla vide. Son père et sa mère n’étaient pas encore revenus mais, ce qui lui manquait le plus, à cet instant précis, c’était Niatha.

Il se prépara un petit quelque chose à manger puis monta dans sa chambre. Il regarda les étoiles par la fenêtre.

— Adieu Niatha, tu étais la plus belle des étoiles que j’ai jamais vues…

*

Le lendemain, la journée lui parut affreusement longue. Il avait dit à ses professeurs qu’il ne se sentait pas bien la veille. En même temps, leur expliquer qu’il avait sauvé le monde n’était pas la meilleure des excuses à donner.

Une fois sa journée de cours terminée, il sortit du bâtiment. Mais, à sa plus grande surprise, il n’allait pas être seul ce soir ! Son père, qui était revenu quelques heures plus tôt, l’attendait sur le parking. Dimitri courut vers lui et le serra dans ses bras.

— Eh bien quel élan d’amour !

— Tu m’as manqué !

Dimitri fondit en larmes. Avec tout ce qui c’était passé ces derniers jours, il finit par craquer.

— Allez viens, on va rentrer.

Monsieur Aansen raconta ses aventures en mer à son fils durant toute la soirée. Quand il eut terminé Dimitri courut dans le couloir et revint avec leur manteau.

— Il y a un endroit magnifique qu’il faut que tu vois.

— Il se fait tard, que dirait ta mère ?

Dimitri soupira. Son père passa sa main dans les cheveux de son fils.

— Mais elle n’est pas là ! Alors je te suis !

Dimitri afficha un grand sourire et enfila son manteau. Ils marchèrent jusqu’au promontoire d’où, encore une fois, on pouvait admirer un magnifique ciel étoilé brillant au-dessus la petite ville de Gravdal.

— C’est vrai que c’est magnifique !

Monsieur Aasen s’éloigna pour regarder les différents points de vue. Son fils, lui, regardait le ciel et plus particulièrement les constellations qui ne comptaient plus le « E » d’espoir de Niatha.

— C’est beau n’est-ce pas ?

Dimitri sursauta en entendant une fois féminine s’adresser à lui.

— Oh désolée, je t’ai fait peur ! Je m’appelle Nina, je viens d’arriver en ville et je voulais voir la vue qu’on avait d’ici !

— Moi c’est Dimitri, je viens aussi d’emménager il y a quelques semaines !

La jeune fille s’appuya contre la barrière pour continue à contempler le ciel.

— Ce que j’aime le plus avec les étoiles, c’est que même dans l’obscurité, elles continuent de briller et de guider les gens. Même si on ne les voit pas derrière un ciel couvert, on sait qu’elles sont là. A briller et à veiller sur nous…

Dimitri, surpris, se tourna vers elle.

— Elles ont un petit côté rassurant je trouve !

Elle se tourna à son tour vers lui et lui sourit.

— Dimitri on va y aller, il se fait déjà tard. On reviendra demain si tu veux !

Il salua la jeune fille qui partit également rejoindre ses parents.

— On se voit à l’école demain alors !

Dimitri acquiesça d’un grand signe de tête accompagné d’un sourire.

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