Chapitre II - Elfantoh & Langoustiens (partie 1/3)

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Dans le vaisseau Langoustien * Espace intersidéral

Les poignets de Blue étaient écrasés par les menottes magnétiques des soldats. Je les contemplais et je sentais qu’ils m’en voulaient. Je n’aurais peut-être pas du parler sur ce ton au colonel, mais pourtant c’était totalement exact … Il faudrait que je fasse attention. Ils m’avaient collé une pelotte de laine et je m’amusais comme un fou. Un désir irrépressible m’avait pris.

—Vous avez vu ça colonel ? demanda un des soldats en me désignant.

—Oui, rien d’anormal, c’est un chat.

—Non mais, cette étrange lumière dans ses yeux ! Regardez mieux ! fit le soldat en m’attrapant.

—Non mais ça ne va pas la tête ? Repose-moi ! ordonnai-je.

Une lueur bleue vive rayonnait de mes yeux. Je ne comprenais pas plus qu’eux ce qui se passait, étais-ce un retour de ma nature divine ? Ma réflexion fut interrompue par l’apparition devant moi d’un disque vert de lumière.

—Ne panique pas le chat, c’est un scanner, me fit un des soldats en blouse.

—Un scanner ? Mais pourquoi ? fis-je.

—Je cherche d’où vient cette lumière, je ne voudrais pas que l’on ramène un élément dangereux au Royaume.

—Je suis dangereux ! hurlai-je en sortant les griffes.

Alors que je sortais les griffes en songeant à m’en aller d’ici, une bulle sortit de ma patte droite. Elle était brillante et semblait chercher quelque chose, elle tournait devant nous. Le scientifique reculait, puis tourna son scanner vers la bulle ainsi apparue.

—C’est impossible … murmura-t-il.

—Qu’est-ce qu’il y a professeur ? demanda le colonel Delapynsse.

—Ces rayons que le scanner détecte… Ce sont …

—Oui ? Allez pondez vos œufs !

Cette expression était inconnue pour Yanh, son incompréhension se manifesta par une question qui retentit fortement dans la cabine.

—Maitre ? Ces crustacés pondent des œufs ? Comme nos écrevisses ?

—Oui, enfin apparemment mais ne parle pas trop fort. Lui répondit Blue.

Quand j’avais créé les Langoustiens, j’avais inséré en eux un certain égo et d’ailleurs c’était agréable de contempler son œuvre. Ils étaient parfaitement comme je les avais imaginés, avec la dévotion et l’intellect en moins. Pendant que ces pensées se promenaient en moi, la Bulle commençait à enfler.

—C’est … Colonel c’est la même signature que celle que l’on a détecté et qui nous a conduit sur Lanh-Yakéa.

—Traduisez enfin ! fit le colonel exaspéré par son incompréhension.

—Ce chat est la source du signal … Il faut le mettre en quarantaine, suggéra le scientifique.

—Très bien ! Attrapez-moi ce chat ! ordonna le Colonel.

L’agitation qui suivit rendit toute description compliquée, mais jamais une navette spatiale Langoustienne n’avait connu tel bazar. D’un point de vue extérieur un chat courant à la surface d’une bulle de lumière grossissant eut été très drôle. La bulle enflait toujours, sans que moi, le grand Esdraël ne puisse l’arrêter. Quel était donc cet étrange pouvoir ? Impossible à dire mais très pratique pour se débarrasser de ces petits crustacés. La surface de la bulle laissa passer Yanh, et bientôt mon tour vint. Les soldats et le maitre restaient comprimés contre la navette. J’étais dans la bulle avec Yanh, mes coussinets frémissaient et mes pattes battaient l’air comme pour trouver un appui, sans aucun succès. Yanh lui restait calme et tournait juste la tête autour de lui pour observer.

—Que fais-tu ? me demanda-t-il.

—Je ne fais rien ! tentai-je de répondre mais une étincelle vint stopper la conversation.

La bague de traduction venait de se casser.

—Oh non ! cria-t-il.

La bague ne fonctionnait plus, ces humains et ces Langoustiens ne me comprendraient donc plus. Quelle tristesse j’avais tant de grandes paroles à leur transmettre. Je songeais de nouveau à m’en aller. Je sentis une vague d’énergie parcourir mon être et s’échapper dans la bulle. Bientôt la bulle s’évapora laissant les soldats et le maitre libres dans le vaisseau.

Palais de la Reine Ivoriaah III * planète Aphe-Rycah

La reine Ivoriaah III était grande et élégante, enfin pour son espèce. Les Elfantoh étant de fières créatures appartenant au groupe des Pachydermes. Leurs cousins étaient disparus depuis longtemps et nul n’avait vu d’éléphant depuis des millions d’années.

—Majesté ? Voulez-vous un polisseur tout neuf pour vos sublimes défenses ? demanda une servante.

—Bien entendu enfin ! N’imaginez pas une seule seconde que je puisse m’en passer, répondit la Reine Ivoriaah.

—Tout de suite ô ma reine, fit la servante en sortant en courant de la pièce.

La pièce était spacieuse, un flot ininterrompu d’eau claire se terminait en moussant dans un grand bassin digne d’une petite mer. Un vent fit d’un coup son apparition. Une bulle se forma bientôt dans la pièce et entoura la reine pachyderme. Bientôt elle s’évanouit tandis que la servante revenait…

—Ô grande reine Ivoriaah ! Je vous apporte le polisseur que vous avez demandé, fit la servante en rentrant, elle eut juste le temps de voir la bulle et la reine disparaitre.

—Alerte !! cria-t-elle avant de s’arrêter.

A peine ce cri avait-il été émis qu’un drôle d’individu apparut dans une bulle identique à la première. La servante s’avançait et observa quelques secondes. C’était un enfant humain, ces créatures belliqueuses. Elle s’avança plus près et put voir que l’humain avait des yeux de chat.

—Que s’est-il passé ? demanda la servante face à l’enfant qui se tourna quand il la vit.

Dans mon esprit les choses se bousculaient, j’avais l’impression d’avoir changé, je ne sentais plus mes coussinets, ni même mes pattes … Je ne contrôlais plus ma respiration. J’avais changé … Et où étais Yanh ? Je ne le voyais pas autour de moi. Je sentais la panique monter en moi, je me sentais contrôlé par quelque chose … Une voix se fit entendre dans ma tête.

—Que se passe-t-il ? interrogea la voix.

—Qui es-tu vile créature ? demandai-je, paniqué d’avoir à nouveau une rencontre avec une voix mystérieuse.

—Esdraël ? C’est toi ?

—Quoi ? Tu connais mon nom ? m’inquiétai-je.

—Ben … tu nous l’a répété de nombreuses fois à moi et au Maitre. Qu’est ce qui nous arrive ?

—Yanh ?

—Oui !Il t’en faut du temps pour comprendre. Et tu dis que tu es un Dieu ? ricana Yanh.

—Je le suis, si tu ne me crois pas je peux te faire voir … fis-je en me concentrant.

Je me concentrai sur l’idée de la création, lui faire voir ces moments. Yanh observait toutes mes pensées, il voyait aussi bien que moi les souvenirs qui défilaient. Je lui montrais les étoiles, les premières choses que j’avais créé, puis je lui fis voir l’univers de l’extérieur, cette forme qu’il ne pourrait pas aborder, cette sphère sans bordure… Il ne pouvait pas l’appréhender depuis son corps d’humain, mais avec mon énergie il pourrait au moins la voir. Ma respiration devint haletante, il ne supportait pas cette vision… Nous fûmes ramenés à la réalité par la servante.

—Reine Ivoriaah ?

—Mais bien sûr … Qui d’autre ? demandai-je en songeant au fait qu’il valait mieux se faire passer pour la personne cherchée plutôt que risquer l’emprisonnement.

—Je ne saurai vous dire Majesté, vous êtes différente … Vos défenses …

—Qu’est-ce qu’elles ont mes défenses ? hurlai-je. Elles ne vous plaisent pas ?

—Si, bien sûr que si ma Reine, mais… vous avez changé … êtes-vous bien sûre d’être ma Reine ?

—Bien sûr enfin ! Qui d’autre ? assurai-je.

—Je m’en vais vous chercher un médecin ma reine ? Vous ne me semblez pas normale ! Acceptez-vous que j’y aille ?

—Faites ce qui vous plaît enfin ! Vous n’êtes tout de même pas mon esclave si ? fis-je exaspéré par ce stupide pachyderme.

Alors que je venais d’envoyer disposer la servante, Yanh nous fit avancer pour l’arrêter alors qu’elle allait franchir la porte. Sa voix retentit de nouveau dans ma tête.

—Il ne faut pas la laisser partir, elle est sans doute bien son esclave.

—Oui et alors ? En quoi est-ce notre problème ? demandai-je.

—Eh bien ! elle va donner l’alerte et nous seront démasqués et allons avoir des problèmes.

—Aucun souci, je vais lui enfoncer mes griffes tu verras !

—Tu n’as donc pas compris ? soupira Yanh.

—Compris quoi ?

—Nous sommes tous les deux dans mon corps là…

—Sérieusement ?

—Oui ! je pensais que tu l’avais compris …

—Tout s’explique ! Il faut changer ça tout de suite, je ne supporterai pas plus longtemps d’être coincé dans le corps d’un humain.

—Eh ! tu vas te détendre, moi non plus ça ne me plaît pas de t’héberger. Et puis d’abord si tu es un Dieu fais nous sortir de cette situation.

—Je ne peux pas !

—Ahah ! voilà la preuve ! tu n’es pas ce que tu prétends être. Ces images que tu m’as montrées sont inventées. Tu n’es qu’un chat. Et si tu ne l’accepte pas tu n’as qu’à te débrouiller mais je ne te laisse pas contrôler mon corps.

—Très bien ! Allez vas-y sale gosse ! boude donc !

Yanh attrapa la servante et lui demanda de rester puis me laissa seul maître des propos qui suivirent. Il ne me céda en revanche pas le contrôle du corps. Je tenais donc fermement la servante par l’épaule, elle avait une peau très dure et dépourvue de poils.

—Que faites-vous ma Reine ? demanda la servante.

—Je vous empêche de partir, restez avec moi. Vous n’avez qu’à caresser mes oreilles. Fis-je toujours immobilisé par Yanh.

—Comme vous voudrez ma Reine, mais … C’est habituellement interdit … et puis, où sont-elles ?

—N’ayez crainte, je vous le demande.

La servante commença un massage des oreilles, c’était agréable. Elle avait des pattes si délicates, personne ne l’aurait cru si on l’avait dit, la pauvre semblait perturbée par quelque chose. Les quatre doigts de la servante caressaient mes petites oreilles et un silence pesant s’installait petit à petit. Une envie de faire la conversation me vint soudain.

—Que faîtes-vous ce soir ma chère ?

—Majesté ! Que dites-vous là ? fit-elle en me lâchant.

—Que se passe-t-il ? m’inquiétais-je.

—Déjà, vous n’avez pas vos oreilles habituelles, ni vos défenses, et puis votre comportement … commença-t-elle.

Elle était tendue en disant cela. Je sentais bien qu’elle se doutait de quelque chose, il fallait que cet abruti intervienne.

—Non mais tu n’as pas bientôt fini d’insulter le propriétaire du corps que tu squatte ? reprit Yanh en revenant de sa bouderie.

—Qu’est-ce que tu es susceptible … fis-je tout haut tandis que la servante s’en allait terrifiée sans demander son reste.

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