Chapitre IV -Vol avec le Colonel Delapynsse(partie 1/3)
Salle du trône * Planète Oph’owr
Le roi avait accepté la requête du professeur Mhed, la salle du trône était désormais transformée en salle de réunion rassemblant le professeur, le roi, le colonel Delapynsse, Blue, Yanh et moi. Nous étions tous assis autour de la table, sauf moi : j’étais le seul assis sur la table. Mon divin postérieur félin reposait sur cette table recouverte d’or. Un détail attira mon regard, des arbustes sur les bords de la salle : des Orbitiniers… Je n’y croyais pas, je les fixais intensément avec un ardent désir de me jeter dessus.
—Grand roi Gry’Had ! Nous vous remercions pour cette audience exceptionnelle.
—Quand votre plus grand savant vient vers vous avec ce type de requête vous devez prendre au moins la peine de l’écouter parler. Répondit le roi sur un ton monotone.
—Puis-je me permettre de suggérer un début rapide pour ne pas perdre de temps mon roi ? intervint le colonel Delapynsse.
—Bien entendu colonel !
Le professeur avait répondu sèchement, il côtoyait ce colonel depuis déjà plusieurs années et il savait à quel point il pouvait être agaçant quand il était pressé. Je contemplais ces deux êtres, l’un semblait brillant mais frêle, l’autre était clairement un imbécile mais avait un physique autrement plus imposant que le professeur. Regarder des tensions apparaître entre deux individus était pour moi la source d’un immense plaisir. Je me délectais de cette tension tout en gardant à l’œil les Orbitiniers. J’irais dès que possible les amputer de leurs si délicates fèves.
—Qu’avez-vous à nous dire Archie ? Demanda le colonel passablement ennuyé.
L’idée d’être enfermé dans une salle de réunion pendant plus de deux minutes ennuyait fortement le colonel, c’était un Langoustien de terrain pas un intellectuel caché derrière des bureaux à regarder des conférences toute la journée. Il préférait l’action. Le colonel tournait de temps en temps ses petits yeux dans ma direction, il devait avoir vu que je reluquais les Orbitiniers. J’espérai sincèrement qu’il ne devienne pas un obstacle, j’aurai été tellement ravi de l’envoyer mourir dans le vide spatial.
—J’ai grâce à un message de détresse, localisé la créature dénommée Hab’ Zazzel.
—C’est intéressant, avez-vous une idée de ce que l’on doit faire alors ? demanda le colonel intéressé par l’idée d’aller détruire une entité ennemie.
—Je pense qu’il faut aller l’observer, l’étudier et en tirer des conclusions avant d’envisager un affrontement. Conseilla le professeur.
—Qu’en dites-vous colonel ? l’interrogea le roi
—J’en dit mon roi, que l’on doit traquer et détruire cette créature immédiatement, tant qu’elle est loin de nous.
—Nous ne pouvons pas faire cela colonel ! lui hurla le professeur.
—Et pourquoi donc ? C’est pourtant très simple, il suffit d’un bond hyperspatial et d’un tir de rayons et nous parlerons de cette créature comme des Avezéens … Une histoire ancienne, ennuyeuse mais ancienne.
—Votre arrogance me débecte colonel, du bout de vos micro-pinces vous ne devriez pas vous sentir si puissant. Lui asséna le professeur.
Le débat devenait houleux, ce n’en était en fait que plus amusant. J’avais créé le monde dans le but de me divertir en observant des conflits entre individus et civilisations. Cela avait bien marché pendant un temps, puis l’intellect des êtres c’était développé spontanément… Quelle déception, et puis un beau jour, en plusieurs endroits de l’Univers, des êtres plus stupides étaient réapparus ! Les disputes, les conflits, les guerres planétaires et intergalactiques… Tout cela avait recommencé de plus belle. Quelle grande joie pour moi. Et puis là j’avais devant les yeux en cet instant, un être exceptionnellement faible d’esprit. C’était un régal, moindre que l’Orbitine c’est certain, mais un régal quand même.
—Et vous, vos diplômes ne vous donnent aucun droit de décision sur nos actions militaires en lien avec la sécurité du royaume. Lui renvoya le colonel irrité.
—Cessez vos gamineries, si vous ne vous mettez pas d’accord je vais demander à Chy’thyne de vous calmer tous les deux. Lança le roi.
Je ne connaissais pas le dénommé Chy’thyne mais eux semblaient le connaître, le conflit cessa immédiatement et la discussion put reprendre.
—Est-il possible majesté, que l’on mêle en partie les deux solutions proposées ? proposa le maitre qui ouvrit ainsi la bouche pour la première fois de la réunion.
—Ces paroles sages me proviennent de quelqu’un qu’il ne m’est pas donné de connaître, à qui ais-je fait l’honneur de me rencontrer ?
—Je suis le maitre Blue, dirigeante du Monastère de Lanh-Yakéa. Lui répondit-elle sur un ton fier.
—Ce n’est pas la peine d’importuner le roi avec ces informations futiles ! l’interrompit le colonel.
Encore un conflit, décidément les réunions sur ce monde étaient passionnantes, elles m’auraient presque fait oublier les splendides orbitiniers. Je tentais de me déplacer lentement, mais Yanh me saisit et m’immobilisa quand il comprit. Il me fit signe de ne pas bouger et il me tenait fermement.
—Cessons ce stérile débat, vous partez ensemble et vous amenez le colonel. Ordonna le roi.
—Mon roi, ceci est un plan idéal. Pourrions-nous avoir un croiseur pour appliquer ce plan ? demanda le professeur.
—Bien sûr professeur. Colonel ! Vous les accompagnez, assurez-vous que la chose ne constitue pas une menace pour le royaume et détruisez là au besoin.
Les visages du maitre et d’Archie se fermèrent à l’écoute de l’ordre du roi Gry’Had. Il avait clairement ordonné de s’attaquer à la créature, la science était sacrifiée sur l’autel de la sécurité. Ils n’allaient pas avoir l’occasion d’étudier en profondeur la créature et de la comprendre. La réunion fut interrompue quand des tremblements de terre commencèrent. L’alarme du palais se déclencha.
—Que se passe-t-il ? demanda le roi paniqué.
La réponse vint d’elle-même quand un message vocal fut lancé dans tous les haut-parleurs du palais « Le palais est sous attaque, ce n’est pas un exercice, veuillez-vous rendre à vos postes de combat ». Le roi pressa un bouton sur son bracelet d’or, un faisceau de téléportation le fit instantanément disparaître. L’amiral Péréion entra dans la pièce.
—Colonel ! Prenez le croiseur matricule 3141596 et arrêtez cette attaque, je conduis le roi à la base arrière. Il y sera en sécurité avec les Homarsiens.
—A vos ordres ! amiral, que fais-je de ces étrangers ?
—Amenez-les avec vous, ils ne vont quand même pas rester oisifs !
Le colonel Delapynsse donna à chacun d’entre nous un petit disque doré. Il appuya à son tour sur un appareil autour de son cou et nous fûmes tous instantanément téléportés sur le pont d’un vaisseau spatial Langoustien. J’étais assez ébloui de voir que les Langoustiens et les Homarsiens avaient poussé le biomimétisme à son paroxysme. Leurs vaisseaux étaient de grands crustacés blindés et le pont était décomposé en deux parties identiques cachées dans les « yeux » du vaisseau. Si on avait comparé un Homarsien et le vaisseau on aurait seulement la taille pour aider à les distinguer.
Dans le croiseur interstellaire du colonel Delapynsse * espace intersidéral
—Cette technologie de téléportation est admirable ! fit remarquer Blue.
—En effet, mais cessez d’admirer et agissez, prenez ce poste-là, et vous celui-ci !
Le colonel repartit des postes aux différentes personnes présentes, il n’en attribua en revanche aucun à ma divine personne. J’étais trop précieux à leurs yeux pour risquer ma vie au combat. Je clignai les yeux et me concentrais pour écouter ce qui se passait. A l’extérieur, une sorte de poulpe géant noyait le royaume sous un flot de matière sombre. Le colonel regardait ses écrans, et lança un ordre au professeur.
—Allumez-moi cette chose professeur !
—Avec plaisir colonel ! répondit le professeur en enclanchant les armes à rayons.
Une salve de rayons partit en direction du monstre, celui-ci ne se tourna même pas une seconde et termina de dévorer la planète. Il n’en resta bientôt que des débris. Le professeur était fasciné et avait laissé le vaisseau viser lui-même. Nous pouvions tous voir le vaisseau amiral s’échapper, il ouvrit une fenêtre hyperspatiale et s’y engouffra. Je me demandais pourquoi nous ne faisions pas la même chose, quand soudain la créature bondit dans l’hyperespace et ramena le vaisseau du roi à sa position initiale. Le vaisseau amiral était désormais retenu par un tentacule monstrueux. Je songeai à nous échapper et à sacrifier cet ahuri de colonel pour notre survie à tous.
—Il faut intervenir colonel ! hurla le professeur.
—Laissez-moi faire professeur, amenez ce vaisseau en sécurité, je vais voler la bombàô.
—Quoi ? vous ne pouvez pas … Nous avons interdit son utilisation ! protesta le professeur.
—Eh bien nous sommes ici en présence d’un cas extrême. Devenez l’ambassadeur de notre humble civilisation, faites persister notre mémoire !
Ces paroles avaient une résonnance trop sage pour sortir du colonel, personne ne sembla remarquer mais moi j’avais compris. Mon idée fut confirmée par l’action du colonel, il installa la fameuse bombàô sur un chasseur et fonça en direction du monstre. Nous ne restâmes pas assez longtemps pour voir la suite mais les scanners révélèrent l’instant de l’explosion.
—Géronimo ! hurla le professeur.
—Que vous arrive-t-il professeur ? demanda Yanh
—Un vieil ami disait cela avant chaque grande victoire, je songeai à lui.
—Ah d’accord. Qu’est-il devenu aujourd’hui ? insista Yanh.
—J’aimerai bien le savoir. murmura le professeur.
Tandis que le professeur entrait les coordonnées d’origine du message de détresse, il lança un scan du vaisseau : aucun signe de vie en dehors du pont de commandement. Nous étions seuls sur ce vaisseau. Alors d’accord ma présence divine relevait le niveau mais quand même… Je songeai à ce qui s’était passé. Yanh me fixait, il avait remarqué que j’étais pensif. Il ne me dit rien mais je sus qu’il n’en pensait pas moins. Le vaisseau ne tarda pas à sortir de l’hyperespace dans un champ de débris spatiaux.
—Déjà arrivés ? demanda Blue.
—Oui, apparemment. C’est très inhabituel, nous ne devrions pas aller aussi vite. Répondit le professeur.
—Allons-nous réellement si vite que ça professeur ? demanda innocemment Yanh.
—Oui, nous aurions dû mettre deux fois plus de temps à arriver.
Je songeai alors à un détail, quand j’avais souhaité m’en aller j’avais été téléporté, quand j’avais souhaité nous sauver et sacrifier le colonel, celui-ci s’était vu pousser des ailes et avait sauté pour se sacrifier. Si tout ceci était vrai, il est très probable que j’aie en réalité un dernier pouvoir divin en moi. Il fallait en tirer bénéfice le plus possible sans attirer l’attention, la convoitise de ces êtres serait un frein à mon retour dans mon état originel.
—C’est d’ici que vient le message de détresse ? demanda Blue
—En effet, je scrute les environs avec les détecteurs pour trouver l’origine exacte, cela va prendre un peu de temps.
A peine eut-il terminé sa phrase que l’ordinateur de bord indiqua « Balise de détresse détectée ». Le professeur resta sans voix et observa le résultat : la balise n’était pas ici.
—Alors ? Où est-elle professeur ? L’interrogea Yanh.
—Elle n’est pas ici. Elle ne semble être nulle part, son signal est comme atténué par un problème dimensionnel local. C’est très étrange, je n’ai vu ça qu’une fois dans ma longue expérience …
—Ah bon ? s’étonna Blue. Vous avez déjà vu ce genre de choses ?
—Oui, une bonne amie Faar’Aday travaillais sur les univers de poche et les champs de forces, elle avait étudié les univers de poches et leur impact sur divers signaux informationnels. Il avait montré que l’émission d’un tel signal dans un tel univers pourrait atteindre le notre mais serait altéré. C’est exactement ce que je trouve ici comme altération.
—Vous pensez qu’il y a quelqu’un ici qui serait coincé dans un univers de poche et requiert notre aide ?
La question posée par Yanh fit sens immédiatement, si quelqu’un d’intelligent avait repéré un danger il aurait pu s’isoler dans un tel univers pour rester à l’abri. Mais il aurait aussi bien pu s’y trouver coincé. Il fallait intervenir si cet individu est coincé ici. Je m’agitais un peu, et commençais à parler.
—Ne devrions-nous pas sauver cet abruti enfermé dans une bulle immédiatement ? Non parce qu’on n’a pas que ça à faire que de discuter des heures durant !
—Il se calme ce chat ? demanda le professeur.
—Nous devrions peut-être nous assurer qu’il ne l’ouvre plus. Ce n’est bien entendu qu’une suggestion.
Entendre Yanh prononcer ces mots me fit mal au cœur, mon petit cœur de chat était blessé. Je me vengerai, mais pas maintenant, je n’avais pas tous mes pouvoirs et puis il m’a quand même un peu aidé donc je me devais de lui laisser une chance de souffrir le martyre avant de mourir de ma patte vengeresse. Me voila qui recommençais à parler de mon corps de chat … Il fallait que cette transformation se termine rapidement, je n’en pouvais plus du tout.
—Vous pourriez peut-être m’aider à retrouver ma forme d’origine non ? Je pourrais ainsi annihiler moi-même cette créature.
—Je doute que cela soit possible. Il nous faudrait des ressources énergétiques bien supérieures à celles de ce vaisseau.
Annotations
Versions