Quand les mots n'ont pas leur place
Un grand soleil brille dans un ciel sans nuage. Ironique comme le temps est à l'opposé de ses sentiments. Il se sent seul malgré les personnes qui marchent autour de lui. En dépit de son angoisse, il avance, met un pied devant l'autre. Ne pas réfléchir, ne pas anticiper le pire. Elle va venir, oui. Dans son dernier message, elle lui écrit qu'elle va venir pour qu'ils s'expliquent.
Il lui a donné rendez-vous dans le café où ils venaient si souvent. Peut-être y reviendront-ils ensemble une prochaine fois, dans un contexte différent. Lorsqu'il s'approche, il la cherche à travers la devanture mais ne la voit pas attablée à leur table. Il est un peu en avance et soulagé d'être le premier.
Juste après s'être installé, le serveur vient prendre sa commande bien que celui-ci connaisse ses - leurs - habitudes. Il n'a besoin de prononcer aucun mot. Un cappuccino pour lui, un thé au jasmin pour elle. Sauf qu'il n'y a que lui, pour le moment. Elle ne devrait pas tarder. Elle a toujours été ponctuelle. Justement, la voilà qui passe la porte. Elle n'a pas besoin de lever le regard pour le trouver, elle sait où il est installé. Le serveur, de retour avec le cappuccino, lui demande si elle souhaite boire un thé. Elle accepte d'un simple hochement de tête, bien qu'elle ne sache pas si elle restera suffisamment longtemps pour le déguster.
Enfin, elle lève les yeux vers lui. Il ressent un choc. Ses yeux, d'habitude si rieurs, si joyeux, sont ternes et tristes. Elle tente un petit sourire mais celui-ci s'évanouit avant même d'apparaître. Il entrouvre les lèvres mais ne sait que dire. Elle sent les larmes humidifier ses yeux. Par réflexe, il tend la main vers sa joue mais elle recule, refuse son geste. Une petite théière, une tasse et un sachet de thé se matérialisent sur la table, aucun d'eux n'a remarqué le serveur qui, conscient de ce qu'il se passe, reste le plus discret possible.
Elle sent une larme s'échapper, rouler sur sa joue en laissant un filet argenté sur son passage, et glisser jusqu'à la pointe de son menton. Elle ne bouge pas, ne fait aucun geste pour la faire disparaître. Il est désemparé, sent lui aussi ses émotions l'envahir. Que dire ? Rien. Rien qui n'arrangerait cette situation. Elle secoue la tête, torturée par ses sentiments. Il lit au fond de ses yeux que c'est fini. Elle a souffert, rien ne pourra changer cela. Il est trop tard. Il le comprend. Il laisse tomber sa tête au creux de ses mains, sa jambe droite ne tient pas en place. Il ne peut supporter cette situation. Quel gâchis.
Il relève les yeux vers elle, le regard suppliant. Elle se détourne. Elle ne peut plus, c'est au-dessus de ses forces. Perdu dans son désespoir, il ne remarque pas le sanglot qui s'échappe à travers ses lèvres. Sa gorge est serrée, lui fait mal. Elle aussi a mal. Mal de le voir dans cet état.
Alors, avec un dernier regard pour lui, elle se lève, entrouvre la bouche, renonce, se détourne et quitte le café. La vue brouillée par ses larmes, il la contemple une dernière fois, la regarde traverser la rue et disparaître au prochain tournant. L'eau de son thé fume encore. C'est terminé.
Annotations