Chapitre 13
Sainte Scholastique – Dourgne, Tarn
Arrivés au couvent, les deux hommes se firent d’abord conduire auprès de la Mère Supérieure. Ange souhaitait en savoir un peu plus sur la femme agressée, avant son entrée dans la communauté.
— Je ne sais que peu de choses de sa vie passée. Lorsque les sœurs entrent dans les ordres, elles renoncent à la vie séculaire et se consacrent totalement à Dieu.
— Est-ce que sœur Marie des Anges a prononcé ses vœux ? demanda Philippe.
— Son noviciat a été assez long, deux ou trois ans, je crois. Elle n’a prononcé que les vœux simples. Elle a des moments de doute, elle ne se croit pas assez forte pour des vœux perpétuels.
— Depuis combien de temps est-elle dans ce couvent ?
— Depuis huit ou neuf ans, je crois. Je peux vérifier, si vous le souhaitez.
— Oui, s’il vous plait, et pourriez-vous aussi nous dire où elle vivait auparavant ?
— Laissez-moi regarder.
La Supérieure alla chercher un classeur sur une étagère derrière son bureau et consulta une fiche.
— Voilà, elle s’est présentée ici il y a juste neuf ans, au milieu de l’été. Je n’étais pas encore à ce poste. Je vois qu’il y a une note. Il est écrit qu’elle a vécu un drame personnel et qu’elle ne voulait plus vivre dans le monde.
— Puisque vous avez le document sous les yeux, vous avez sans doute son état-civil mentionné, demanda Ange.
— En effet, la femme que nous connaissons ici comme sœur Marie des Anges est née Béatrice, Marie, Georgette Moreau, le 12 octobre 1975, mais il est précisé qu’elle préférait se faire appeler Mélodie. Elle vivait à Labège.
— Savez-vous si elle a été mariée ?
— Non, et elle n’a jamais fait mention d’une famille.
— Comment décririez-vous la personnalité de Mélodie ? continua Ange.
— Je ne peux vous parler que de la religieuse, pas de la femme. Elle est plutôt réservée, ne parle pas souvent, exprime peu d’opinions personnelles. Elle est dévouée et serviable, mais je crois qu’elle ne cherche pas à se faire apprécier des autres sœurs. Je crois qu’elle continue à vivre un drame intérieur, que la vie monacale n’a pas effacé les évènements du passé.
— Est-ce que Mélodie a déjà eu, durant son séjour parmi vous, des comportements curieux, lui est-il déjà arrivé de quitter le couvent sans prévenir ?
— Non, il n’y a jamais eu le moindre problème de discipline avec elle.
— Quelles sont ses activités au couvent, en dehors des temps de prière ?
— Elle travaille dans notre atelier de couture, nous confectionnons des habits sacerdotaux. Elle est très habile.
— Peut-elle de ce fait correspondre avec l’extérieur ?
— Non, je ne pense pas. Les couturières n’ont pas de contacts. C’est notre intendante qui s’occupe des commandes et des livraisons.
— Je suppose que vos sœurs communiquent de temps en temps avec leurs familles. Par quel canal le font-elles ?
— Le plus souvent, nous continuons à utiliser le courrier classique. Sauf nécessité particulière, les moniales n’ont pas d’accès à internet. Certaines téléphonent à leurs familles, nous avons un petit bureau avec un poste à l‘ancienne.
— Est-ce que Mélodie Moreau reçoit des courriers ou des appels ?
— Non, pas que je sache.
— Une dernière chose, en dehors de la porte principale, dont vous avez la clé la nuit, existe-t-il une autre sortie permettant de quitter le couvent discrètement ?
— Il n’y a que la porte au fond du potager, qui donne sur un petit chemin. C’est le jardinier qui a la clé, c’est par là qu’il emporte les légumes pour le marché.
— Pouvez-vous nous donner les coordonnées de ce jardinier ?
— Bien entendu.
— Je vous remercie infiniment ma Mère, je crois qu’il est temps d’aller rendre visite à sœur Marie des Anges.
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