Chapitre 20
Sainte Scholastique – Dourgne, Tarn
La sœur infirmière vint chercher Ange à l’entrée du couvent lorsqu’il se présenta en début d’après-midi.
— Vous êtes seul aujourd’hui, le docteur n’est pas avec vous ?
— Non, Sœur Marie des Anges a besoin de soins complémentaires ?
— Non, non, elle se remet bien. Elle est encore très fatiguée, mais je pense qu’elle pourra reprendre sa place parmi nous dès demain.
— J’en suis heureux, répondit le policier. Savez-vous si en dehors de nous, quelqu’un a appelé pour prendre de ses nouvelles ?
— Puisque vous me demandez, oui, en effet, il y a eu un appel hier en début de soirée, c’était après les vêpres. J’ai été surprise, on m’a juste demandé si la sœur allait bien. J’ai répondit oui, machinalement, et le correspondant a raccroché.
— C’était un homme ou une femme ?
— Une femme, j’en suis à peu près sûre, mais pas une voix chaleureuse, ni polie.
— Je vous remercie. Si vous voulez bien nous laisser maintenant, je n’en ai pas pour longtemps.
Le commissaire entra dans l’infirmerie. Sœur Marie des Anges était éveillée, mais avait encore le regard vague.
— Bonjour Mélodie, je suis le commissaire Segafredi. Vous me reconnaissez ? je suis venu hier, avec mon ami médecin.
— Oui, je me souviens de vous.
— Vous savez que vous avez été droguée, sans doute à votre insu ?
— Je ne me rappelle pas.
— On a du vous faire boire quelque chose, qui contenait du GHB. Vous savez ce que c’est ? On appelle ça la drogue du violeur. Vous perdez toute résistance et vous finissez par vous endormir. Généralement, vous n’avez pas le souvenir de ce qui s’est passé.
— Je revois juste la voiture, la femme qui était à côté de moi et la chapelle. Ensuite, plus rien.
— La femme, vous pourriez la décrire, ou la reconnaître ? Vous l’aviez déjà rencontrée ?
La nonne fit non de la tête, dans un geste las.
— Non, vous ne pouvez pas la décrire ou vous ne l’aviez jamais vue ?
— Jamais vue.
— Mais vous pourriez me dire à qui elle ressemble ? Blonde ou brune ? Petite ou grande ?
— Amélie, elle ressemble à Amélie Poulain.
— Vous voulez dire Audrey Tautou, l’actrice ?
— Je ne sais pas.
Ange n’insista pas et passa à un autre registre.
— Vous vous souvenez de votre vie avant le couvent ?
La sœur fit non. Ange insista.
— Vous n’avez pas tout oublié. Vous avez été mariée, vous viviez à Toulouse, c’est bien ça ?
— Peut-être. C’est loin.
— Votre mari est mort. Vous savez comment ?
Mélodie leva lentement la main et l’approcha de sa tempe.
— Pan !
— Et ensuite ?
— Hôpital.
— On l’a emmené à l’hôpital ?
— Pas lui, moi.
— Vous avez été blessée ?
La sœur mima un tournevis sur sa tempe.
— Hôpital psychiatrique ?
Mélodie fit oui de la tête. Ange ne chercha pas à en savoir d’avantage, il pourrait demander à Lopez de creuser de ce côté.
— Connaissez-vous Charles Van Den Brouck, ou bien Cornelius ?
En entendant ces noms, la sœur se mit à trembler d’effroi, elle se cacha le visage dans ses mains.
— Il vous a fait du mal ? C’était lui dans la chapelle ?
— Je ne sais pas, je ne me souviens plus.
Ange comprit qu’il avait touché un point sensible et que pour le moment, il n’obtiendrait rien de plus.
En sortant, le commissaire recommanda à l’infirmière de donner un anxiolytique à Mélodie.
— Elle a subi un traumatisme psychique autant que physique. Elle aura sûrement besoin d’une aide pour se remettre.
— Dieu et nos prières l’accompagneront.
— Je n’en doute pas ma sœur, mais je crois qu’il lui faudra aussi un bon psy !
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