Chapitre 37
SRPJ – Toulouse
Il était à peu près dix heures du matin lorsque Clémentine Marchand passa la tête dans le bureau de Samira.
— Sam, tu as un moment ?
— Oui, tu as du nouveau ?
— Peut-être bien, en tout cas j’avance un peu.
— Entre ! Qu’est-ce que tu as trouvé ?
— J’ai creusé la piste de l’association. Tu sais que certains serveurs archivent les pages des sites web, même après que ces sites sont fermés ? C’est d’ailleurs un problème avec le « droit à l’oubli ».
— Le droit à l’oubli ?
— C’est un concept apparu avec le développement d’internet, à la fin du XXe siècle. Certaines personnes peuvent vouloir faire disparaitre des informations anciennes, qui peuvent nuire à leur image ou leur réputation s’ils changent de vie par exemple. Les grandes plateformes ont plus ou moins admis le principe, même si c’est parfois difficile à faire appliquer, mais il existe des copies plus ou moins licites de sites anciens, qui ne sont généralement pas référencées par Google ou Bing.
— Et alors ?
— J’ai trouvé une copie du site d’une association intitulée « Association pour le Développement et le Bien-Etre Personnel ». Selon les sources des pages, le site semble avoir été créé début 2010. J’ai sauvegardé le plus intéressant, je vous l'ai envoyé par mail. L’hébergeur actuel est une société établie en Russie, pas la peine de chercher à remonter de ce côté-là.
Samira se connecta à sa messagerie et ouvrit les documents. Le style était celui des premiers temps du web, mais les photos étaient explicites. Le château de la Montagne Noire était clairement reconnaissable, quoique en meilleur état qu’aujourd’hui.
L’association proposait des prestations de développement personnel, au travers de soirées « à thème » et des séminaires hébergés au château. Quelques textes décrivaient les bénéfices attendus, confiance en soi, maîtrise des relations de couple, mais aussi techniques de massages relaxants et art du massage tantrique.
— Regarde la photo sur la première page, suggéra Clem.
— C’est Charles Van Den Brouck ?
— Oui, sans aucun doute. Nous avons retrouvé quelques photos d’archives. C’est bien lui.
— Et les femmes en arrière-plan ? Est-ce que l’une d’elles est Béatrice Moreau ?
— Nous ne savons pas encore. Il faudrait demander à Ange, il est le seul à l’avoir rencontrée, même si elle a probablement beaucoup changé depuis cette date.
Deux femmes posaient avec VDB, un peu en retrait, de part et d’autre de celui qui semblait le Gourou de l’association. L’une semblait avoir une petite cinquantaine d’années, l’autre plus jeune, guère plus de trente-cinq. Toutes deux, le visage souriant, étaient vêtues d’une simple tunique blanche, laissant deviner des corps harmonieux et sains. L’homme devait avoir lui aussi entre quarante-cinq et cinquante ans, les cheveux à peine grisonnants, une barbe soigneusement taillée. La photo laissait présager un fort charisme, en particulier au travers du regard assuré et pénétrant.
— On a une chance d’identifier ces femmes ? demanda Sam.
— Je vais regarder ce que l’on a dans les dossiers mentionnés par Olivier, sinon, ça ne va pas être facile.
— Commence par vérifier si la plus jeune est Béatrice Moreau. On doit bien avoir sa photo sur un passeport ou une carte d’identité ! Fais des tirages et envoie Ibrahim et Claude à Labège, interroger les voisins à son ancienne adresse. Sinon, as-tu identifié celui qui a enregistré l’association à Jersey ?
— Pas de trace probante, les défenses sont encore bien puissantes et je n’ai rien pu trouver. J’ai toutefois obtenu des informations par l’ancienne secrétaire du notaire. À la période qui nous intéresse, il lui avait fait réserver des billets d’avion et une voiture de location pour trois jours. Destination Rennes.
— Et alors ? ça peut-être pour n’importe quelle raison.
— Oui, bien sûr, mais il voyageait très peu et puis j’ai vérifié. Le moyen le plus rapide pour rejoindre Jersey depuis Toulouse, est de prendre un vol pour Rennes, puis le ferry de Saint-Malo à Saint-Hélier sur l’île de Jersey. Je suis à peu près certaine que c’est Pujol-Lacrouzette qui s’est chargé de la transaction en sous-main.
— Bien ! reprit Sam, on sait que le notaire est mort et que sa femme est au couvent, mais qu’en est-il de Van Den Brouck ? Si on se base sur ce que nous a dit la secrétaire de mairie à Saissac, malgré l’apparent délabrement, les impôts de la propriété sont régulièrement payés. Peux-tu savoir par qui ?
— Oui, ça doit être possible.
— On sait aussi que le château continue à être occupé plus ou moins régulièrement. Serait-il possible que ce soit VDB qui y revienne ? On a transmis les échantillons des gendarmes au labo ?
— Oui, je l’ai fait hier, on devrait avoir les premiers retours ce soir ou demain matin.
— Je veux aussi savoir ce qui s’est produit dans la vie de Béatrice Moreau avant qu’elle n’entre au couvent. Il y a forcément quelque chose qui l’a amenée à changer de vie. Regarde du côté des faits divers à cette période, fais-toi aider par Olivier s’il n’est pas trop chargé.
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